A. RAPPEL DE L’ORIGINE HISTORIQUE DE LA MECQUE
On sait déjà que la Mecque renferme le sanctuaire de la Ka‘bah première construction dédiée à Dieu sur terre. La tradition religieuse monothéiste raconte l’exode forcé d’Agar, servante de Sara, et du fils d’Abraham, Ismaël, de la maison conjugale d’Abraham. On mentionne qu’Abraham a laissé Agar et Ismaël dans une région désertique, non loin de l’endroit cité dans les écrits bibliques et connu sous le nom du « Mont Pharan ». Cet endroit s’appellera plus tard la Mecque. Laissés seuls, assoiffés et affamés après quelques jours de l’épuisement de leurs nourritures, Agar a entrepris un va et vient entre deux collines distantes l’une de l’autre de 374 mètres pour chercher de l’eau. À la septième fois l’eau a jailli miraculeusement sous le pied d’Ismaël. Ces gestes deviendront le prototype des cérémonies de pèlerinage des musulmans particulièrement le circuit entre Ṣafā et Marwa. Cette source d’eau appelée Zamzam changera l’aspect de la Mecque qui devient l’aire de repos de toutes les caravanes des arabes voyageant de Yémen en Syrie ou en Palestine. Après de nombreuses visites à son fils Ismaël, Abraham construisit sur l’ordre de Dieu la Ka‘bah avec l’aide d’Ismaël pour être un sanctuaire destiné à l’adoration du Dieu unique. Le Coran mentionne ce passage en disant : « Le premier édifice qui ait été édifié pour les gens, c’est bien celui de Bakka (la Mecque) béni et bonne direction pour l’univers ». et dans un autre passage le Coran dit : « Et quand Abraham et Ismaël élevèrent les assises de l’édifice, ils dirent : O notre Seigneur, accepte ceci de notre part car c’est Toi l’Audient, l’Omniscient ».
C’est ainsi qu’à l’image des Anges qui tournent sans cesse autour du Trône glorifiant Dieu, les foules de pèlerins revêtu en blanc ne cessent de tourner à l’inverse de l’aguille d’une montre autour du sanctuaire de la Ka‘bah glorifiant Dieu unique. Entre le Ciel du Trône et des anges et la terre de la Ka‘bah le mouvement des galaxies s’effectue lui aussi à l’inverse de l’aiguille d’une montre pour ainsi rappeler que les astres aussi célèbrent les louanges de leur Créateur. Le Coran ne dit-il pas à ce propos : « Les sept cieux et la terre et ceux qui s’y trouvent célèbrent sa gloire. Et il n’existe rien qui ne célèbre sa gloire et ses louanges. Mais vous ne comprenez pas leur façon de le glorifier ».
B.L’ORGANISATION DU PÉLERINAGE PAR L’ÉTAT MUSULMAN
Pour se rendre en pèlerinage à la Mecque les musulmans demeurant hors de l’Arabie, comme c’est le cas pour le Liban, disposaient jusqu’au XVIIIe siècle soit de voiliers transportant les pèlerins jusqu’au port de Djedda, soit de caravanes traversant le désert jusqu’aux points précis connus sous le nom de mawāqīt. L’État musulman ne s’est jamais désintéressé de leur organisation pour plusieurs raisons :
les dangers de la route (dangers des voyages dans le désert et crainte des attaques des bédouins) ;
la nécessité de diriger les affaires des pèlerins pendant le voyage et leur montrer, une fois arrivés à la Mecque, le rituel du pèlerinage ;
l’affirmation de la prédominance du pouvoir politique sur les deux villes saintes ; c’est pourquoi une escorte militaire accompagnait toujours les divers convois venant des différents pays musulmans (Égypte, Syrie, Irak, Yémen).
Chaque convoi était placé sous l’autorité d’un chef de pèlerinage Amir El-Haj nommé directement par le Calife ou Sultan à qui étaient adjoints des chefs de caravanes secondaires en cas de dédoublement de la caravane principale. Ils étaient chargés de diriger les opérations de leur secteur.
En effet la charge de la direction du pèlerinage comporte deux sortes de fonction selon qu’il s’agit de diriger le voyage des pèlerins ou bien d’accomplir les rites du pèlerinage.
La première est une charge administrative et confère à son titulaire un pouvoir de direction et d’organisation. On choisit pour remplir cette fonction celui qui sait se faire obéir, a du jugement et l’esprit de direction et inspire le respect. La fonction dont il est investi concernait principalement :
La disposition des pèlerins en groupe afin qu’ils soient toujours rassemblés ;
L’assurance de l’eau et des pâturages en choisissant des routes convenables ;
La protection et la sécurité du convoi ;
La médiation dans les litiges intervenant entre les pèlerins et même la prononciation des peines correspondantes dans le cas de la responsabilité de l’une des parties (s’il est investi d’une telle prérogative uniquement) ;
L’application des peines discrétionnaires (celles-ci ne peuvent dépasser le niveau des peines écrites sauf disposition contraire).
Les charges confiées à Amir El-Haj ne prennent pas fin une fois le pèlerinage accompli. Elles continuent de s’exercer durant le voyage de retour et jusqu’à l’arrivée dans la ville de départ. Cependant ceux qui n’ont pas à retourner avec lui cessent d’être soumis à son autorité dès leur arrivée à la Mecque. L’investiture à cette charge est annuelle.
La deuxième sorte est une charge religieuse et se distingue par ses attributions en vue de diriger la pratique rituelle du pèlerinage. Cette charge est limitée à sept jours, depuis la prière du midi du 7, jusqu’au 13 du mois de zul-Hijjah. On exige de celui qui assume cette fonction la connaissance des cérémonies du pèlerinage, des règles à observer pour les lieux de rassemblement et leurs dates fixes.
Cet « Amir » n’exerce aucune autorité et pouvoir sur les pèlerins de son convoi, ses charges sont limitées à :
Informer les pèlerins du moment de se mettre en état de pèlerinage « iḥrām » et de se rendre aux lieux sacrés ;
Diriger les pèlerins en vue d’accomplir les divers rites de pèlerinage selon l’ordre de classement exigé par la sunna ;
Déterminer la longueur des stationnements par la durée du séjour qu’il fait dans chaque station et le moment où il en part ;
Diriger les prières et prononcer les discours et les invocations récitées au moment du pèlerinage.
C. L’ORGANISATION DU PÉLERINAGE AU LIBAN
Sous l’Empire ottoman, les pèlerins libanais faisaient partie intégrante de la Caravane des pèlerins de Syrie et étaient placés sous l’autorité du Chef de Caravane. Les libanais en route vers la Mecque se regroupaient alors au Port de Beyrouth, les uns choisissant le bateau, les autres le chemin de fer de Hijaz mis en place en 1908. Un autre groupe préférait les moyens classiques et allaient se joindre à la Caravane des Pèlerins de Syrie.
Après l’indépendance l’État libanais ne pouvait pas se désintéresser de l’organisation du pèlerinage à la Mecque. Une commission permanente chargée des affaires du pèlerinage fut créée au sein de la Présidence du Conseil des Ministres. Présidée par le Directeur général des affaires de la Fatwa, elle regroupait un membre chiite représentant le Conseil Islamique Chiite Supérieur, un délégué du ministère de la santé publique, un délégué de la sûreté nationale – donc le ministère de l’intérieur – , un délégué du ministère du tourisme, un délégué du Directeur général du Présidence du Conseil des ministres, un délégué du ministère de l’information, un représentant de l’association des pèlerins sunnites et un représentant de l’association des pèlerins chiites.
En 1995 une décision émanant du Président du Conseil des ministres portant le numéro 59 intitulée « création de l’Organisation de l’Assistance pour les Affaires du Pèlerinage » a été rendu publique. L’article 1 et 2 de cette décision rattachent cette Organisation à la Présidence du Conseil des ministres et la placent sous son autorité directe.
L’article 3 de la décision n° 59 donne les attributions suivantes à cette Organisation :
fixer les modalités de la déposition des demandes du pèlerinage et s’assurer de leur conformité aux conditions juridiques exigées ; préciser la nature des documents et des pièces à fournir et cela en concertation avec la Sûreté générale et les autres institutions concernées ;
fixer les conditions permettant le départ des pèlerins dans la limite des cota fixé par le ministère du pèlerinage en Arabie Saoudite ;
convenir avec l’Ambassade d’Arabie Saoudite au Liban de l’octroi des visas ;
assurer, faciliter et fixer les moyens de transport des pèlerins et leur séjour, veiller à leur protection et fixer les garanties nécessaires en cas d’urgence et d’accident lors du pèlerinage, contacter les sociétés de transport spécialisées dans ce domaine.
L’article 3 n’oublie pas les personnels religieux chargés d’accompagner les pèlerins à la Mecque, il mentionne que les guides et leurs auxiliaires doivent être choisis par Dār Al-Fatwā et le Conseil Islamique Chiite Supérieur.
L’article 8 nomme un délégué du Président des conseils des ministres et le charge de la gestion du siège provisoire de cette organisation.
L’article 9 attribue à cette organisation la charge d’assurer la sécurité et le confort des pèlerins en Arabie et de s’assurer de leur habitation à la Mecque et au Mont ‘Arafa.
Cette organisation se compose d’un président nommé par le Président du Conseil des ministres et de neuf membres :
trois désignés par Dār Al-Fatwā ;
trois désignés par le Conseil Islamique Chiite Supérieur ;
un délégué du Président du Conseil des ministres ;
deux officiers désignés par le Directeur général de la Sûreté Générale.
Cependant cette décision est discutée comme non conforme aux textes constitutionnels et aux lois en vigueur. Or la constitution libanaise garantit aux communautés religieuses la gestion de leurs affaires religieuses ; le pèlerinage, considéré comme le cinquième pilier de l’Islam, étant une affaire religieuse par excellence, toutes décisions le concernant doivent être prises par les communautés elles-mêmes. Ajoutons à cela que les lois en vigueurs surtout le décret loi n° 18 de 1955 relatif à l’organisation des affaires religieuses de la communauté Sunnite et la loi n° 72 de 1967 relative à l’organisation des affaires religieuses de la communauté Chiite confirment les compétences de ces deux communautés dans tout ce qui touche à leurs affaires religieuses. Le décret loi n° 18 stipule dans son article premier :
Les musulmans sunnites jouissent d’une autonomie totale pour tout ce qui touche à leurs affaires religieuses et leurs legs pieux. Ils se chargent d’en établir les règlements et en assument la gestion, conformément aux dispositions de la charia, ainsi que des lois et règles qui en découlent. Ils sont représentés à cet effet par des hommes jouissant de bonne réputation et de compétence, conformément aux articles ci-dessous.
Malgré cette constatation, trois autres décisions émanant du Président du Conseil des ministres en 2001, 2002 et 2003 ont exclu Dar Al-Fatwa et le Conseil Islamique Chiite Supérieur de participer en tant que membre dans la composition de l’Organisation de l’Assistance des Affaires du Pèlerinage. La dernière décision place cette Organisation sous la présidence de l’ancien député Salim Dyab et mentionne en tant que membre le nom d’un ancien ministre et ancien député et quelques personnalités choisies parmi les officiers à la retraite.
En signe de contestation, Dar Al-Fatwa et le Conseil Supérieur Islamique Chiite n’ont pas participé en 2003 à l’organisation du pèlerinage au départ du Liban.
Les Libanais nés avant le 15 décembre 1986 désirant se rendre à la Mecque doivent s’inscrire dans des agences de voyages spécialisés dans les voyages de pèlerinage. Les demandes doivent être déposées dans les bureaux de la Sûreté Générale entre le 11 septembre et 10 novembre 2003. Le nombre des pèlerins libanais est limité cette même année à 6000 personnes ; dès lors priorité est accordée aux plus âgées n’ayant pas accompli jusqu’à maintenant le pèlerinage.