A propos des signataires de la lettre :
Tout le monde souligne la diversité des signataires (d’Occident et d’Orient, chiites et sunnites) et leur engagement dans leur communauté respective. Cela donne déjà une grande valeur à cette lettre. Une telle initiative est vraiment un signe de la volonté de faire ensemble avancer le dialogue. La difficulté qui résulte de cette diversité est que la lettre est très consensuelle et en reste à un niveau assez général, ce qui est un peu dommage. Sur l’axe vertical de la relation avec Dieu, on aurait pu développer d’autres éléments : la vie spirituelle, le sens de l’adoration, la rencontre avec Dieu… Sur l’axe horizontal de la relation aux autres, la lettre a insisté sur le cadre général qui est l’amour du prochain et de l’autre. Mais il aurait été intéressant d’entrer plus dans le détail : ce que cela peut signifier au plan des relations dans la famille, avec les proches, avec les voisins, les relations entre les membres de différentes religions…
Les thèmes abordés dans la lettre :
L’amour de Dieu et l’amour du prochain sont deux thèmes de base du dialogue. Et c’est bien de le rappeler ici. Plutôt que de ses référer au hadîth de l’amour du frère (qui traditionnellement se rapporte plutôt au musulman) il aurait été intéressant de rappeler les versets coraniques sur le respect et l’amour des chrétiens. Le thème de la lettre suggère même d’aller encore plus loin :
Ne faudrait-il pas aller jusqu’à parler de l’autre qui n’est pas proche : Aimer les proches va de soi, mais aimer celui qui est différent ne va pas de soi…
Être capables de redéfinir le terme de « proche » ou de « frère », pour pouvoir l’appliquer à tout homme. NB : Dans le Christianisme, il y a une différence entre le proche et le prochain. Le prochain c’est tout homme qui s’approche des autres avec amour, même quand ils sont étrangers, d’une autre religion ou qu’ils ne pense pas comme nous. Il s’agit de se faire le prochain de tout homme (Cf. La parabole du bon Samaritain, Lc 10, 36-37), pour que celui-ci devienne son « frère ».
Une telle invitation des 138 invite à regarder concrètement ce que peut signifier l’amour de l’autre dans la société : l’engagement social, la construction ensemble de la société, l’engagement dans la famille. C’est important aussi de transmettre ce message de l’amour de l’autre à nos enfants : les éduque-t-on vraiment dans cet amour de l’autre, quel qu’il soit ?
Le thème de la paix est important, car pour beaucoup de gens les religions sont sources de violence. Le fait de pouvoir dire ensemble que les grandes religions sont porteuses de paix est un pas important vis-à-vis de la société. Les religions ont des choses à dire. Et l’islam particulièrement doit donner à l’Occident une autre image que celle qui y est véhiculée : le respect de tous, la valeur de la famille.
La référence aux évangiles est touche beaucoup les chrétiens, elle est une marque de respect. Il y a toujours la tentation de réduire l’autre à une partie de soi-même, dans un sens ou dans l’autre : par exemple, quand un chrétien pense que « le musulman c’est comme un chrétien moins la foi en Jésus Fils de Dieu » ou quand un musulman pense que les chrétiens ce sont des hommes qui ont falsifié l’évangile… Or là, le fait de citer les évangiles tels que les chrétiens les lisent est une marque de respect importante. Dans tout dialogue authentique, le respect de l’autre tel qu’il est et tel qu’il se dit est fondamental (il ne s’agit pas de faire sienne la pensée de l’autre ou de relativiser les différences, mais d’accepter simplement que l’autre est autre… ce qui n’empêche pas de cheminer ensemble et de s’enrichir mutuellement).