Les Versets douloureux Bible, Évangile et Coran entre conflit et dialogue.
David Meyer, Yves Simoens, Soheib Bencheikh Col. L’Autre et les autres, Lessius, 2007, 202 p.
On connaissait les « versets sataniques », voici les “versets douloureux” (rabbin David Meyer) ou les “versets dangereux” (Soheib Bencheikh). De quoi s’agit-il ? De passages des Écritures qui ne sont pas ou plus religieusement corrects et dont les auteurs proposent une réinterprétation. Ces passages de la Bible, du Nouveau Testament ou du Qur’an sont marqués par la violence ou l’incompréhension des autres et ils posent donc question dans le dialogue interreligieux, du moins si ce dialogue n’évite pas les sujets qui fâchent, ainsi que l’entendent David Meyer, Yves Simoens (jésuite, professeur d’Écriture sainte) et Soheib Bencheikh. Bien entendu dans l’interprétation juive de la Bible, les « autres » sont essentiellement représentés par les nations entourant Israël et Juda, mais David Meyer étend son champ d’étude au-delà de la Torah, jusqu’au Talmud. Avec les écrits chrétiens il faut y inclure les juifs, mais Yves Simoens se concentre sur l’évangile de Jean. L’islam qui arrive en troisième doit donc se positionner, outre les polythéistes et les juifs, vis-à-vis des chrétiens.
Chacun des auteurs sélectionne donc un certain nombre de passages particulièrement troublants et tente d’en rendre raison. Plus que le traitement précis de ces passages, ce sont les méthodes d’interprétation ici mises en œuvre qui retiennent l’attention. On se doute d’ailleurs qu’elles ont un point commun : le rejet des lectures littéralistes qui feraient justement de ces versets des justifications de la violence ou de l’exclusion. Elles en ont un autre : la nécessité de replacer ces passages d’un texte dans le texte et celui-ci dans son contexte.
Dans le cadre de ce bulletin on portera une attention particulière à la manière dont Soheib Bencheikh aborde sans détours les versets du Qur’an qui récusent la théologie chrétienne “orthodoxe”, en particulier ce qui concerne la Trinité. (p. 149-153) et on soulignera son interprétation du verset 158 de la sourate 4, qui évoque la “mort” de Jésus. En voici la conclusion : « Puisque toutes les âmes sans exception ont goûté la mort, pourquoi s’évertuer à soustraire Jésus à cet ordre ? Alors même que les musulmans affirment l’humanité de Jésus, seraient-ils prêts à lui conférer un autre statut que celui d’humain, envoyé de Dieu ? Il est évident que mon interprétation d’un Jésus mort, ressuscité puis élevé à Dieu, n’efface pas les différences dogmatiques entre l’islam et le christianisme à propos du Christ. » (p. 156) Cependant, non seulement, comme il le dit, cette interprétation pourrait contribuer à apaiser des querelles inutiles mais elle ouvrirait peut-être un chemin nouveau de compréhension de la prétention chrétienne à connaître Dieu à partir de l’humanité du Christ. Une table ronde termine l’ouvrage où les auteurs débattent librement de leur position et de l’actualité.
Par Jean-Marie Ploux