Sommaire du dossier : 2008-2010 : Vivre ensemble
- Musulmans et chrétiens, modalités du vivre ensemble.
- Alliance avec Abraham et Pactes du Coran M J Horchani GRIC Tunis
- Les « égarés » dans le Coran A. Nouira GRIC Tunis
- A la rencontre de l’autre
- Vivre ensemble : droit à la résistance,devoir du dialogue S.Lajmi
- Lieux de culte : regards croisés A. Makni GRIC Tunis
- Vivre ensemble : une attitude intérieure, un chemin pour grandir Par Nadia Ghrab-Morcos Gric Tunis
Introduction
« Le multiculturalisme est mort » ont déclaré ces dernières années des chefs d’état européens[1]. Ils entendent par multiculturalisme un ensemble de politiques mises en place pour permettre à des groupes de cultures différentes de vivre ensemble, de manière harmonieuse, ou du moins non conflictuelle.
Ce constat de faillite, inquiétant, remet au premier plan, aux niveaux collectif et individuel, la question lancinante du « Comment vivre avec l’Autre, avec les autres ? »
Avec l’autre, plus ou moins proche ou semblable à moi, mais surtout avec l’autre différent de moi par ses origines, sa culture, sa langue ou sa tradition religieuse …
Dès l’antiquité, l’éthique politique a tenté de trouver des réponses, des modèles pour traiter cette question, essentielle à la cohésion sociale. Les efforts des penseurs et des politiciens, les politiques institutionnelles et les dispositions publiques sont certes utiles, mais il s’avère de plus en plus, que les mécanismes institutionnels, parce qu’ils n’engagent pas la personne, ne sont pas suffisants pour l’établissement d’un vivre ensemble heureux.
Celui-ci ne nécessite-t-il pas en effet, une disposition intérieure de chaque personne, un élan de curiosité vers l’autre, un désir de l’accueillir jusqu’à l’intérieur de soi ? Nos spiritualités nous engagent à vivre avec l’autre et non pas à côté de lui.
1. Vivre les joies de l’autre
Le dialogue de vie, de voisinage « Hiwar aljiwar »[2]
apporte paix et joie ; il permet de partager les joies, des plus simples à celles qui marquent des événements majeurs. Par le partage, les joies sont multipliées. Pour des croyants de tradition différente, le dialogue de vie peut être basé sur ce partage tout simple de la bonne nouvelle : Dieu nous aime tous comme ses enfants !
Le vivre-ensemble « heureux » peut être favorisé par la qualité des espaces. Recevoir l’autre chez soi entraîne généralement une hospitalité réciproque, qui favorise la convivialité. L’existence d’espaces publics agréables joue un rôle important. Dans nos pays méditerranéens, vivre en plein air est une chance ! Cela décloisonne les espaces festifs et facilite de manière naturelle le partage des joies.
Les fêtes religieuses représentent des temps forts dans la vie des croyants. Elles sont une « joie pour tout le peuple »[3]. La notion de peuple ici, doit-elle s’arrêter aux frontières d’une communauté de croyants ? Dieu est à l’origine de la joie qu’Il nous partage et Il nous invite à la partager à notre tour. Même si la fête religieuse de l’autre n’a pas la même signification pour moi que pour lui, le Seigneur m’invite à me réjouir de ce moment d’intimité qu’elle représente entre Dieu et mon voisin, moment de grâce, de lumière et de paix. Chrétienne, j’ai envie de participer à la beauté de la nuit du destin, célébrée par mes amis musulmans :
« Nous l’avons fait descendre durant la nuit de la destinée.
Qu’est-ce qui t’apprendra ce qu’est la nuit de la destinée ! La nuit de la destinée vaut mieux que mille mois.
Les anges et l’Esprit y descendent avec la permission de leur Seigneur, pour tout ordre.
Salut elle est jusqu’au lever de l’aube » [4].
L’inauguration d’un édifice religieux (mosquée, église, synagogue ou temple) pourrait être une source de joie pour l’ensemble des croyants de toute religion, parce qu’il s’agit d’un lieu de rencontre collective, privilégiée, entre les hommes (même s’ils sont d’une autre tradition) et le Dieu tout-puissant.
De même, l’entrée d’un enfant dans sa communauté religieuse, marquée par la circoncision pour un petit musulman ou par le baptême pour un petit chrétien, présente une occasion de réjouissance pour les croyants des deux communautés, puisque cette entrée signifie un « oui » d’adhésion à l’appel de Dieu.
Se réjouir du bonheur de l’autre… Ecoutons Jean-Baptiste :
« Celui qui a l’épouse est l’époux ;
quant à l’ami de l’époux, il se tient là, il l’écoute
et la voix de l’époux le comble de joie.
Telle est ma joie, elle est parfaite »[5].
Faire mienne la joie de l’autre ne vient pas toujours spontanément… mais cela permet d’atteindre la joie dans sa perfection. Faire mienne la joie de l’autre c’est l’aimer vraiment, et l’introduire dans mon cœur. L’amour et la joie, vont de pair et agrandissent le cœur :
« Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite.
Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » [6].
2. Quand l’autre est mon prochain
Devant la différence de l’Autre, la peur est souvent le premier mouvement ; elle est un des leviers du racisme et de la xénophobie. La tolérance, premier niveau du vivre-ensemble harmonieux, suppose une attitude plus sereine pour accepter la différence de l’autre, sans se laisser déstabiliser par elle. En allant plus loin, un regard plus attentif, plus profond sur l’autre permet de découvrir son humanité qui rejoint la mienne, faisant reculer la peur, sans annuler les dissemblances. On commence alors à s’intéresser à l’autre en respectant sa différence. Loin du modèle du « melting pot » [7], il s’agit d’accepter et d’apprécier le pluralisme culturel, religieux, linguistique. Dans ce verset bien connu, le Coran nous exhorte à cela :
« Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté. Mais il a voulu vous éprouver par le don qu’il vous a fait. Cherchez à vous surpasser les uns les autres dans les bonnes actions. Votre retour à tous se fera vers Dieu; il vous éclairera alors au sujet de vos différends » [8].
Jésus nous dit à ce sujet :
« Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon père » [9].
Nos textes sacrés nous montrent que Dieu ne souhaite pas trouver entre les hommes une uniformité qu’il n’y a pas mise. Saint Paul nous fait remarquer que dans le cosmos, même le semblable est différent[10].Cela conduit Christian de Chergé à parler d’une « mission quasi sacramentelle de la différence comme telle » ref]Christian de Chergé, Chrétiens et musulmans, nos différences ont-elles le sens d’une communion ? Revue Se comprendre, N° 85 – 04, Avril 1985 [/ref].
Le multiculturalisme en tant que projet politique risque d’enfermer les personnes dans des ghettos culturels. Alors que la diversité en tant qu’expérience vécue tisse des relations entre ceux qui sont de culture différente.
Quand celui qui croise mon chemin dans la vie de tous les jours appartient à une autre communauté, quel type de relation tisser avec lui ? Vivre à côté ou vivre ensemble ?
La tolérance n’est pas suffisante[/ref].Cela conduit Christian de Chergé à parler d’une « mission quasi sacramentelle de la différence comme telle » ref]Marius Garau, La rose de l’imam. « Ce n’est pas seulement à la tolérance que nous sommes conviés, mais à reconnaître en l’autre les traits d’un frère en humanité, un frère aimé de Dieu, promis à un destin prodigieux dans la joie de Dieu qui ne connait pas de déclin » [/ref] ;il faut s’engager pour l’autre, avec l’autre.
Dans la culture arabo-musulmane, les penseurs ont conçu la « falsafa » qui permet d’accueillir l’autre, en tant qu’autre, l’étranger avec l’étrangeté de la différence. Pour Averroès, l’ouverture à l’autre est indispensable pour le vivre ensemble. Mustapha Chérif[/ref].Cela conduit Christian de Chergé à parler d’une « mission quasi sacramentelle de la différence comme telle » ref]Mustapha Chérif, Qui se souvient de la falsafa ? Janvier 2008, www.mustapha-cherif.com [/ref] nous explique que pour ce penseur, l’ouverture ne consiste pas à « rechercher le consensus à tout prix », mais « à saisir et maîtriser le lien et la tension entre les différentes visions politiques et dimensions du vivre ensemble où l’autre doit avoir une place, sans que l’on en devienne pour autant l’otage ». Ibn Rochd, d’après le même auteur, a précisé l’importance du lien entre les deux niveaux, le politique et l’autre différent: «L’homme a besoin de l’autre pour acquérir la vertu. C’est pourquoi il est un être politique par nature.»
Dans l’actualité de ces dernières années, le Synode des Chrétiens d’Orient[11] nous engage à consolider « la culture de la convivialité ». Dans un esprit totalement opposé à celui du choc des civilisations, les évêques déclarent vouloir offrir à l’Orient et à l’Occident un modèle de convivialité entre les différentes religions et de collaboration positive entre les civilisations. Pouvait-on rêver plus belle illustration de ce souhait que les images de fraternisation des Chrétiens et des Musulmans à Midan El Tahrir pendant la Révolution Egyptienne de 2011 ? Les Coptes formant un cordon autour des musulmans pour les protéger durant la prière du vendredi sur la place, et les musulmans faisant de même pendant la messe du dimanche … Ou encore, les uns et les autres, se tenant par la main, autour d’un Coran et d’une Croix et scandant d’une même voix : « Une seule main, une seule main ! » en signe d’union profonde…
Il s’agit donc de dépasser la simple tolérance pour construire ensemble une fraternité humaine plus étendue, diversifiée, universelle …
Dans la parabole du Bon Samaritain[12], Jésus nous donne l’exemple d’un étranger, un samaritain qui vient au secours d’un juif qu’il ne connait pas, et qu’il trouve sur sa route, blessé et abandonné par des brigands. Deux juifs qui passaient par là ne s’en étaient pas préoccupés. Et Jésus de dire : Le prochain de cet homme ; c’est celui qui a fait preuve de bonté envers lui. Ce qui nous rend proches de l’autre, ce n’est pas forcément notre ressemblance avec lui, mais notre attitude envers lui. Vivre-ensemble en harmonie, c’est aimer l’autre tel qu’il est, avec ses qualités et ses défauts, avec sa grandeur et ses petitesses, avec sa vulnérabilité et sa fragilité.
« Tu aimeras ton prochain comme toi-même » nous dit Jésus [13]. Commandement que nous retrouvons dans un hadith du Prophète Mohamed : «Aucun d’entre vous n’est véritable croyant tant qu’il n’aimera pas pour son frère ce qu’il aime pour lui-même» [14].
Et Ibn ‘Arabi confie : « Je professe la religion de l’amour, quel que soit le lieu vers lequel se dirigent ses caravanes, et l’amour est ma loi et ma foi » [15].
L’amour de l’autre nous conduit très naturellement à l’aider, à partager notre pain avec lui.
Un autre hadith dit :
« Il n’est pas musulman, celui qui va dormir rassasié
alors que son voisin va dormir le ventre creux ». [16].
Et un imam de Gafsa, dans le sud de la Tunisie, de commenter :
« Il ne s’agit pas seulement du voisin musulman mais
de tout voisin, car tout homme est mon frère » [17].
Dans le prolongement de l’hospitalité abrahamique, l’Evangile [18]. et le Coran[19] nous exhortent à venir en aide au voyageur, généralement un étranger, Autre par excellence.
Aussi bien Jésus, dans la scène du lavement des pieds[20], que Mohamed dans son enseignement, nous exhorte à nous mettre au service de l’autre.
« Le plus élevé des hommes est leur serviteur » [21],
Quelles sont les valeurs universelles qui régissent notre relation à l’autre ? La liberté ? L’individualisme ? La solidarité ? La liberté est une valeur humanisante, inséparable de la dignité de tout homme ; mais, mal comprise, elle peut entraîner une attitude individualiste. Au nom de la totale liberté que j’accorde à l’autre, je me désintéresse de son sort. Il est plus difficile, mais plus intéressant, d’accorder la liberté totale à l’autre, tout en me sentant responsable de lui. On entre au pays de la solidarité, valeur indispensable à un vivre-ensemble véritablement humain.
Fethi Triki [22], s’est intéressé à la philosophie du vivre-ensemble chez les penseurs aussi bien occidentaux, qu’arabo-musulmans. Il souligne chez Miskawayh la primauté de la notion de justice qui se réalise par al ouns wa’l mahabba, la socialité et l’amour ou la charité. Il note aussi que ce que Tawhidi désigne par mu’ânasa, ou Miskawayh par al ouns wa’l mu’ânasa traduisent ce caractère agréable du vivre-ensemble qui permet de cheminer avec l’ami vers la perfection, et de prétendre à l’amitié de Dieu, à la manière d’Abraham devenu khalil Allah. L’ihsan selon Kamel Meziti [23], marque le summum de la foi, et rejoint la charité chrétienne et la reconnaissance du prochain dans un univers humanisé.
On ne peut vraiment aimer l’Autre sans être curieux de lui, désireux de le connaître, de partir à la découverte de sa vérité profonde. Cela demande de l’écoute, et de taire un peu son moi, pour écouter l’autre sans préjugé, ni prisme déformant. Et à partir de là, de nouer un dialogue, une relation à laquelle la différence donne tout son sens. Cette relation peut devenir une vraie rencontre interpersonnelle. Connaître l’autre dans sa profondeur me conduit à retrouver l’image de Dieu qui est enfouie en lui. Ce qui me rend plus sensible l’image de Dieu en moi. C’est alors un moment béni, rare et précieux, où chaque personne est entièrement présente à l’autre, à l’écoute de son être profond. Il en résulte une grâce particulière qui circule de l’un à l’autre.
Connaître l’autre suppose de l’apprivoiser petit à petit. Edgar Morin[24], plaide pour une éthique de la compréhension d’autrui, seule capable de nous permettre de vivre ensemble, en évitant certains écueils. Reconnaître et respecter le mystère de l’autre, qui fonde l’inviolabilité de sa conscience, nous aide à éviter toute relation de possession, de pouvoir ou de manipulation.
Respecter ce mystère ne m’empêche pas d’accueillir l’autre au-dedans de moi, avec ses différences ; de lui donner un espace dans mon intériorité, de pratiquer l’hospitalité du cœur ;
« Donne-nous d’élargir la tente du cœur aux hommes
de l’Orient et de l’Occident » [25].
Dialoguer avec l’autre dans une rencontre interpersonnelle, c’est aussi accepter de me remettre en question, prendre le risque merveilleux de me laisser transformer par lui, comme le fait remarquer J. Vanier [26]. Les penseurs musulmans ont insisté sur cela. Ibn Rochd dit : « L’homme a besoin de l’autre pour acquérir la vertu ». Miskawayh [27] considère que l’amour des autres contribue à l’élévation des sentiments en créant un espace où peuvent se réaliser les différentes vertus.
3. Vivre les blessures de l’autre
Les considérations précédentes ne peuvent justifier une attitude d’angélisme. Il nous faut bien reconnaître que le vivre-ensemble ne se fait pas toujours dans l’harmonie. Il est souvent empreint de violence, et cause de blessures. Dans des contrées où des communautés différentes étaient habituées à coexister dans la paix, voire la convivialité, la montée des intégrismes, des politiques malsaines et des facteurs exogènes induits par la mondialisation viennent perturber cette qualité du vivre-ensemble. Dans d’autres régions, la proximité nouvelle, induite par les flux migratoires est source de tensions, voire de violences. La diffusion de l’information en temps réel ne permet plus de prendre le recul nécessaire, et exacerbe les passions. La montée croissante des intégrismes de tout bord, tend à nous entraîner dans une spirale infernale. En ne portant sur l’autre qu’un regard externe, on risque de ne percevoir que sa violence sans en saisir les raisons.
S’il est indispensable d’analyser objectivement les causes de la violence (travail de la raison qui fait l’objet de nombreux travaux), il me semble nécessaire de sentir avec l’autre (travail du cœur) les injustices et les préjugés qui le blessent, afin de désamorcer la haine, qui pourrait naître en moi devant la violence de l’autre.
Les nombreuses injustices et humiliations subies par les Arabes et les Musulmans, alimentent un sentiment profond de colère chez nombre d’entre eux. Au quotidien, les discriminations subies par ceux qui vivent en Europe créent une irritation perpétuelle. A une toute autre échelle, la violence des puissants s’exerce dans des guerres (du Golfe ou d’Afghanistan), où ils s’arrogent le droit absolu d’imposer par les armes, leur loi et leurs normes aux pays moins puissants. La loi du plus fort s’exprime aussi à travers le traité de non prolifération nucléaire, traité présenté comme objet de consensus, mais qui est en réalité, profondément injuste. Les media influents nous habituent à considérer qu’une victime occidentale a bien plus de poids qu’une victime arabe ou musulmane, etc
Mais l’injustice la plus criante est celle que le peuple palestinien subit dans sa chair. Malgré les multiples concessions palestiniennes, Israël poursuit sa politique de bombardements, d’exclusion et d’implantation de nouvelles colonies, bravant en toute impunité tous les décrets des Nations Unies … L’Occident ne réalise pas à quel point l’ensemble des Arabes et des Musulmans sont ulcérés par cette politique des deux poids deux mesures, politique qui est à l’origine d’un sentiment de désespoir profond chez les Palestiniens. Vues de l’extérieur, les mères qui poussent des youyous à la mort de leur fils kamikaze paraissent inhumaines. Mais la perception du drame intérieur de ces femmes, de leur désespérance, permettrait loin de tout jugement, positif ou négatif, de compatir (au sens premier du terme) à leur souffrance collective et individuelle et d’entrevoir la dimension humaine de leur réaction, dans un esprit plus fraternel, indispensable à un cheminement vers la paix.
Aux exactions commises à l’encontre des immigrés musulmans en Europe, répondent des injustices perpétrées par les Musulmans (pouvoir et groupes de personnes) envers les communautés chrétiennes au Moyen-Orient. Là aussi, on rencontre d’innombrables petites injustices dans la vie quotidienne. Dans des contextes de grande tension, comme en Irak ces dernières années ou en Egypte depuis 2011, on assiste à des actes de violence très graves entraînant de nombreuses pertes humaines. On entend souvent des musulmans [28] dire que les causes des problèmes que vivent les chrétiens d’Orient ne sont pas religieuses, mais politiques : la colonisation en Palestine, l’invasion de l’Irak, la politique des deux poids deux mesures … Cependant, on voit mal pourquoi les Chrétiens arabes d’Orient devraient payer les erreurs et les fautes politiques des Occidentaux alors qu’ils réprouvent ces crimes et en sont eux-mêmes victimes … Les sentiments d’angoisse et de désespoir induit par ces violences conduisent parfois à un durcissement, d’autres fois au départ de familles entières en exil. Qui connait l’attachement viscéral des chrétiens d’Orient à leur pays natal et l’importance de la famille pour eux, peut imaginer le déchirement des familles dispersées sur différents continents… De très nombreux musulmans ressentent douloureusement les blessures des chrétiens, ce qui permet de faire vivre malgré tout les liens de fraternité entre les deux communautés. Je n’oublierai jamais ce journaliste tunisien musulman, venu assister à la messe à l’église Jeanne-d’Arc de Tunis pour témoigner de sa solidarité et partager la douleur des chrétiens après les attentats de Bagdad du 31 octobre 2010.
Les injustices s’alimentent de préjugés malveillants des uns contre les autres. L’islamophobie, renforcée par le besoin d’identifier un nouvel ennemi après la chute du mur de Berlin, s’acharne à présenter l’islam comme une religion intolérante, contenant des germes de fondamentalisme, incompatible avec les concepts de démocratie, de droits de l’homme et plus généralement avec les valeurs universelles de modernité. [29]
La vie politique est alors dominée par une culture de la peur et la haine de l’autre. [30]
A l’islamophobie, répond pour une part de l’opinion des pays arabo-musulmans, une stigmatisation de l’Occident considéré comme un bloc monolithique, impérialiste sur le plan politique, matérialiste, individualiste et immoral sur le plan des comportements et des mœurs. Dans un mouvement de confusion entre les dimensions religieuse et géopolitique, cette stigmatisation rejaillit sur le christianisme dans son ensemble, y compris dans les pays du Moyen-Orient. A la culture de la peur de l’autre, cultivée dans les pays du Nord, répond une culture de la colère contre l’autre dans une partie des pays du Sud, colère contre laquelle le Coran met en garde :
« O vous qui croyez, tenez-vous droits devant Allah, en témoins de l’équité, que la haine pour un peuple ne vous porte point à n’être pas justes ! Soyez justes ! C’est l’acte le plus proche de la piété » [31]
L’exemple de Jésus est une source d’inspiration pour le chrétien, dans sa façon de regarder l’autre. Les Evangiles nous relatent une série de rencontres entre Jésus et des personnes « pas comme les autres », portant chacune une blessure particulière. Jésus regarde chacun comme un être unique et très précieux. La Samaritaine (Jn, 4, 1-43), la femme adultère (Jn 8, 1-11) , Zachée (Luc 19, 1-10) , le jeune homme riche (Marc 10,17-27):
« Jésus fixa sur lui son regard et l’aima » [32]
Ce regard profond de Jésus voit l’image de Dieu en chaque homme, sa bonne volonté, son aspiration au beau et au bien, à l’union avec le Seigneur de l’univers. Il voit en même temps ses blessures, ses frustrations, les violences qu’il a subies. Et avec ce regard qui englobe tous les aspects de la personne, Jésus l’aime d’un amour unique, particulier, sans bornes, d’un amour régénérateur, lui révélant sa propre beauté, sa valeur et lui offrant ainsi une chance de redevenir source de vie.
La méditation sur les injustices et les préjugés subis par l’autre, me conduisent à lui ménager un espace dans mon cœur, où il se sait accepté, avec ses blessures et ses dons [33]. Avec ces blessés que sont les pauvres, les faibles, les dominés, ce regard aimant permet de développer, au-delà du respect et de la confiance, une attitude d’espérance en leurs potentialités créatrices, comme le suggère Jean-Paul II[34]
Il existe de même, une attitude à développer vis-à-vis des minorités, qui est porteuse d’espoir et de dynamique de développement, pour l’ensemble de l’humanité :
« Valorisant la figure d’une conscience universelle minoritaire, on s’adresse à des puissances de devenir qui relèvent d’un autre domaine que celui du Pouvoir ou de la Domination. On invente de l’inédit. Si le majoritaire se tient du côté du « chez soi », du « bon droit », de la certitude de la force, le « vouloir être minoritaire » vise à libérer la vie là où elle est emprisonnée. » [35]
Et le Coran promet le salut à tous les hommes de bien
« Ceux qui sont chrétiens ou Sabéens, ceux qui croient en Dieu et au dernier jour, ceux qui font le bien : voilà ceux qui trouveront leur récompense auprès de leur Seigneur » [41] Coran 2, 62 [/ref ]
En réalité, Dieu veut faire sauter nos pauvres frontières pour nous faire entrer dans un dessein d’amour bien plus vaste que celui de nos communautés verrouillées. Récusant la polémique sur le lieu saint, qui opposait juifs et samaritains, Jésus répond :
« Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne, ni à Jérusalem, que vous adorerez le Père… L’heure vient, et c’est maintenant, où les vrais adorateurs adoreront en esprit et en vérité » [42] Jn 4, 21 [/ref ]
Dans le Coran, l’un des plus beaux noms de Dieu manifeste clairement cette intention : le « rassembleur » (al-Jâmi’)
« Notre Seigneur! Tu es en vérité Celui-qui-réunira les hommes un jour; nul doute n’est permis à ce sujet, car Dieu ne manque pas à sa promesse » [43] Coran 3, 9. [/ref ]
Avec Christian de Chergé, nous pouvons affirmer que « Nous sommes promis à une unité profonde de tous les croyants. Si cette unité est différée dans le temps, elle se propose dès maintenant à tout croyant comme un dynamisme propre à la foi, efficace contre tout cloisonnement ». [44] Christian de Chergé, Chrétiens et musulmans, nos différences ont-elles le sens d’une communion ? Revue Se comprendre, N° 85 – 04, Avril 1985 [/ref ]
Ce dynamisme peut nous donner le désir sincère de prier ensemble, avec des croyants d’autres traditions. Vatican II a mis l’accent sur l’efficacité de la prière commune comme élément de rassemblement autour des différentes religions. Le prieur des moines de Thibirine (Christian de Chergé) qui ont pratiqué cette prière commune avec une confrérie soufie de leur voisinage, nous confie à ce sujet :
« Se goûte alors une authentique communion dans la différence intégrée, célébration polyphonique des innombrables merveilles et miséricordes où l’Unique de toutes nos ressemblances a laissé sa trace inimitable » [45] Idem [/ref ]
Pour Marius Garau, prêtre à Gafsa, qui avait tissé une amitié solide et profonde avec l’imam de cette localité, il s’agit de témoigner ensemble du Dieu vivant et de sa passion pour l’homme.
Nous avons parlé plus haut du partage des blessures qui permet de comprendre un peu la violence de l’autre, et de cheminer ensemble vers la paix. La prière avec celui qui appartient à « l’autre camp » permet d’accueillir ensemble Dieu, qui nous aime tellement qu’Il fait briller son soleil « sur les bons et sur les méchants », introduisant non seulement la paix, mais aussi la joie et le soleil au cœur des blessures.
Sur le plan du vivre-ensemble au quotidien, la différence ne pose pas de problème entre personnes de bonne volonté. Elle s’intègre harmonieusement à la vie qui, par essence, est belle de par sa diversité. Sur le plan du dogme, les différences de révélation posent des questions indéniables. Celle qui se pose à moi, en tant que simple croyante est celle-ci : comment accueillir en moi l’Autre, avec sa tradition différente, tout en gardant mon unité ? En d’autres termes, l’unité peut-elle contenir les différences ? En nous dévoilant son intuition de Dieu, l’Emir Abd El Kader nous offre une voie pour cela:
« Il me dit : « Et moi, qui suis-je ? » Je répondis : « Tu es le Parfait,
le Transcendant à l’égard de tout ce qui peut venir à l’esprit »
Il me répondit : « Tu ne me connais pas ! ».
Je lui dis sans craindre de manquer au respect :
» Tu es le Seigneur et le serviteur, l’Un et le multiple (…)
En Toi se conjuguent les contraires et les opposés (…). »
Il me dit : « Cela suffit. Tu me connais ! » » [46] Mawkif 30 de l’Emir Abdel Kader dans Kitab al Mawakif, Ecrits spirituels, Seuil, 1994 [/ref ]
Avec le P. Labarrière, je tâcherai alors d’arriver à cette « unité plurielle » qui est articulation de différences. [47] Le vrai problème posé par la notion de différence, c’est celui de l’unité (…), de cette « unité plurielle » qui est justement en elle-même articulation de différences. Ce qui est premier, en régime humain, c’est toujours la relation, unité de l’unité et des différences. Ainsi du rapport qui unit et qui oppose l’homme et la femme ». P. Pierre Jean Labarrière, cité par Christian de Chergé, id. [/ref ]
Le mystère de Dieu qui associe l’Un et le Multiple nous est révélé par l’arc-en-ciel qu’Il fit briller après le déluge, en signe d’alliance avec l’humanité, représentée par Noé. La diversité des couleurs reflète la richesse infinie de Sa nature, mais leur union en une seule courbe exprime Son unité. A l’image de Dieu, la communauté des hommes est appelée à une union qui contient la diversité. Le mystère de Dieu étant trop grand pour être exprimé par une seule couleur ou une seule tradition, nos différences nous sont peut-être proposées comme thème de méditation sur l’infinie richesse de la nature de Dieu.
Si nous gardons à l’esprit que dire Dieu autrement n’est pas dire un autre Dieu, nous pouvons alors recevoir la différence comme la foi elle-même, c’est-à-dire comme un don de Dieu. [48] Christian de Chergé, id. [/ref ]
Conclusion
Dieu est infiniment grand, l’homme très petit… Prisonnière des murailles de son ego, son âme reste souvent atrophiée. Pourtant l’homme est créé à l’image de Dieu. Il est donc appelé à grandir, à élargir son âme, jusqu’aux confins de l’universel …
La raison peut quelquefois vaciller devant les antagonismes apparents des croyances. Mais le cœur a une telle puissance d’amour qu’il peut faire patienter la raison, et ouvrir sa tente à l’Autre, avant de le soumettre à un interrogatoire, méticuleux et stérile. En effet, accueillir l’autre dans l’intériorité de son âme, ne serait-il pas un chemin pour élargir celle-ci ?
Dieu est le Tout-Autre et le Tout-Proche. Si l’homme est quelquefois tellement étranger à Dieu, c’est parce qu’il est loin de lui-même et donc loin de ce Tout-Proche. Un moyen de s’en rapprocher est peut-être de se mettre en chemin pour recevoir l’homme-Autre comme mon prochain tout proche.
Nadia Ghrab-Morcos est Egyptienne, chrétienne (copte catholique), épouse de Tunisien, vivant et travaillant en Tunisie depuis 1981, Professeur à l’Université Tunis – El Manar.
- [1] Angela Merkel en octobre 2010, David Cameron en janvier 2011↩
- [2] Voir l’intervention du patriarche copte-catholique Antonios Naguib au Synode Le rapport des chrétiens avec les musulmans au Moyen-Orient, Rome, octobre 2010↩
- [3] (Luc 2, 10)↩
- [4] Jn 3, 29 ↩
- [5] Jn 3, 29↩
- [6] Jn 15, 11-12 ↩
- [7] Les pionniers du multiculturalisme aux USA récusaient la notion de « melting pot » lui préférant l’idée d’un pluralisme culturel qui permettrait à chaque minorité ethnique de conserver sa singularité tout en faisant partie intégrante de la culture américaine ↩
- [8]Jn 14, 2 ↩
- [9] Jn 14, 2 ↩
- [10] « A ce que tu sèmes, Dieu donne corps comme il le veut, et à chaque semence de façon particulière. Aucune chair n’est identique à une autre… Il y a des corps célestes et des corps terrestres, et ils n’ont pas le même éclat: autre est l’éclat du soleil, autre celui de la lune… Une étoile même diffère en éclat d’une autre étoile » (1 Co 15, 38-41) ↩
- [11] Synode qui s’est tenu à Rome en octobre 2010 ↩
- [12] Luc 10, 29-37 ↩
- [13] Mt 22, 39 ↩
- [14] Sahih Al-Bukhari, Kitab al-Iman, Hadith no.13 ↩
- [15] Tarjumân al-ashwâq, Beyrouth, 1961, cité par Khaled Roumo in Le Coran déchiffré selon l’amour, Alphée, 2009 ↩
- [16] D’après Ibn ‘Abbas qui informa Ibn az-Zubayr↩
- [17] Marius Garau, La rose de l’imam, Le Cerf, p.357 ↩
- [18] « Venez à moi les bénis de mon Père … car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, … j’étais un étranger et vous m’avez recueilli » Mt (25, 34-35) ↩
- [19] « Donne ce qui leur est dû au parent, au pauvre, au voyageur » Coran 30, 38 ↩
- [20] Jn 13, 1-17 ↩
- [21] « Makârim al-Akhlâq » d’al-Tabarsî, éd. Mo’assasat al-A’lamî il-l-Matbû’ât, Beyrouth, Liban p. 137. ↩
- [22] Fethi Triki, Le vivre-ensemble harmonieux, http://www.mafhoum.com/press4/116C33.htm ↩
- [23] Kamel Meziti, « Si Dieu l’avait voulu …. » Vivre en harmonie avec l’autre, avec ses différences… , http://www.gric.asso.fr/spip.php?article270 ↩
- [24] In Catherine Rouhier, Construire du lien entre les être humains; Construire la paix à petits pas, http://www.irenees.net/fr/fiches/analyse/fiche-analyse-123.html ↩
- [25] Is 54, 2-4 ; Lc 13, 29 ↩
- [26] Jean Vanier : « Accueillir, c’est donner de l’espace à l’autre à l’intérieur de moi, pour qu’il puisse m’apporter quelque chose et, par le fait même, me transformer un peu. (…) Accueillir c’est s’exposer à un risque.» ↩
- [27]Nadia Gamal al-Din, Miskawayh, Perspectives, Revue de l’Unesco, vol. XXIV, n° 1-2, 1994, p. 135-156 ↩
- [28] Mustapha Chérif, Musulmans et Chrétiens face aux injustices, in L’expression, journal algérien, 28 octobre 2010 ↩
- [29]« Des courants tentent de cibler autrui différent comme ennemi, afin que les pulsions de violence qui sommeillent en chacun exacerbées par les misères économiques, psychiques, culturelles, les injustices, les inégalités et l’oppression, se déversent dans une autre direction que celle des systèmes en place. C’est la politique du bouc émissaire, de la culture de la peur, qui désigne l’autre comme une menace. » Mustapha Chérif, Choc ou Alliance des civilisations in Colloque La Culture au coeur de la Méditerranée organisé à Nice par l’IRIS, le 28 avril 2010 ↩
- [30] A titre d’exemples : en France, le débat sur l’identité culturelle et le Ministère (heureusement disparu) de l’Immigration et de l’Identité culturelle ; en Suisse, le référendum refusant la construction de mosquées pourvues de minarets. ↩
- [31] Coran 5, 8. ↩
- [32] Mc 10,21. ↩
- [33] « Dans toute relation, je ne me trouve pas devant un être bon ou mauvais, mais devant un être souffrant, car nous sommes tous des blessés », Jean Vanier ↩
- [34] « Il faudra abandonner la mentalité qui considère les pauvres – personnes et peuples – presque comme un fardeau, comme d’ennuyeux importuns qui prétendent consommer ce que d’autres ont produit. Les pauvres revendiquent le droit d’avoir leur part des biens matériels et de mettre à profit leur capacité de travail afin de créer un monde plus juste et plus prospère pour tous. Le progrès des pauvres est une grande chance pour la croissance morale, culturelle et même économique de toute l’humanité» ↩
- [36]↩
- [37]↩
- [38]↩
- [39]↩
- [40]↩
- [35] Fred Poché, Le « vivre ensemble », le « globalisme » et notre rapport aux savoirs. Intervention lors de la célébration du 130e anniversaire de la Faculté de théologie de l’UCO (Angers), le 8 décembre 2009. [/ref ]
Cet amour de l’autre, qui s’inspire de la miséricorde divine, exige beaucoup de celui qui aime :
« L’amour excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout » [36] 1 Corinthiens, 13, 7 [/ref ]
A quoi répond une réflexion soufie sur l’amitié spirituelle :
« Recherche pour ton frère soixante-dix excuses, et si tu ne les trouves pas, reviens vers ton âme avec suspicion et dis-lui : ce que tu vois en ton frère, c’est ce qui est caché en toi ! »
Quelles sont les frontières de la communauté de personnes que nous devons aimer ?
« Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous persécutent » [37] Luc 6, 27. [/ref ]
A quoi fait écho un hadith du Prophète Mohamed :
« Renoue avec celui qui a coupé les liens avec toi, fais le bien envers celui qui t’a fait mal» [38] Luc 6, 27. [/ref ]
Ce n’est pas facile … Un moyen d’arriver à aimer son ennemi (ou simplement celui qui me semble être dans un autre camp) est de partager ses blessures ; partage qui entraîne naturellement l’amour…
4. S’ouvrir à la spiritualité de l’autre
Si les dimensions identitaire ou socio-politique des religions peuvent être source de divisions, la dimension spirituelle, bien comprise, ne peut être que facteur d’union, puisque le Seigneur qui fonde ces spiritualités est le même, l’unique. Le Mystère de Dieu étant bien trop grand pour être contenu dans une tradition, la fréquentation d’autres traditions constitue un enrichissement précieux.
« Celui qui est fixé sur telle adoration particulière ignore nécessairement la vérité intrinsèque d’autres croyances … C’est qu’il n’a pas la connaissance de Dieu, mais se fonde uniquement sur l’opinion (zann) … La Divinité absolue ne peut être contenue par aucune chose, puisqu’Elle est l’essence même des choses et sa propre essence … » [39] Ibn Arabi, La Sagesse des prophètes, pp. 220-221, Albin Michel, 1974, cité par Khaled Roumo in Le Coran déchiffré selon l’amour, Alphée, 2009 [/ref ]
Un attachement excessif à ses dogmes et à ses rites conduit le croyant à un assèchement qui se traduit par le rejet de l’autre et l’édification de frontières. A l’inverse, celui qui est sensible à la résonance subtile entre chaque message prophétique et le patrimoine spirituel universel, enrichit sa propre foi en avançant dans l’intuition du mystère de Dieu.
Hanté par Al-Hallâj qui le ramène dans la foi au Christ, Louis Massignon illustre bien l’enrichissement que peut trouver un croyant chrétien dans la spiritualité musulmane.
Chrétienne, dans ma vie quotidienne, l’appel à la prière et le chant du muezzin (quand il est bien chanté), ou encore la visite d’une mosquée aux belles lignes pures me plongent dans le ravissement et tissent un lien supplémentaire entre moi et l’Unique vers lequel ma foi chrétienne m’ouvre un chemin merveilleux. La méditation sur les 99 noms de Dieu peut être une source d’inspiration et d’approfondissement pour le chrétien. Réciproquement, un musulman peut enrichir sa foi par la connaissance des pratiques chrétiennes.
Pour grandir en humanité, il nous appartient de tisser des liens profonds avec ceux qui sont d’une autre tradition. Déjà dans l’Ancien testament, Isaïe avait pressenti que la notion de « peuple élu » était appelée à s’élargir à tous les peuples, « l’étranger », de tradition autre, étant accueilli au sein d’une communauté devenue plurielle.
Jésus est venu confirmer l’universalité de l’histoire du salut :
« En vérité, en vérité, je vous le dis, je n’ai jamais trouvé autant de foi en Israël … C’est pourquoi beaucoup viendront d’Orient et d’Occident s’asseoir à la table du royaume ». [40]Mt 8, 10-12↩
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