Sommaire du dossier : Noé
- Pourquoi Noé ?
- Noé : Avenir- Diversité-Espérance
- Synthèse de la réflexion sur le thème « Noé, Avenir, Diversité et Espérance » par Abderrazak Sayadi Gric de Tunis
- Noé dans la Bible et le Coran M.J. Horchani, A. Sayadi GRIC Tunis
- Noé ou le vivre-ensemble cosmique par Nadia Ghrab-Morcos
- Noé dans le Coran. Un messager en soutien à un autre. K. Ifrak
- Noé Dans les traditions imamites Par Dr.Saeid Jaziri GRIC Paris
- NOE DANS LA TRADITION ECRITE ARABE par Inès Horchani-GRIC Tunis
- Commentaire du texte de Tabari sur Noé et le Déluge A. Sayadi
- Noé, figure du salut par Henri de la Hougue GRIC Paris
- Noé et la question de l’interprétation des textes bibliques par Henri de La Hougue Gric Paris
- Lire l’épisode de Noé avec Origène (185-254) par Marc Botzung, GRIC Paris
- Cycle de Noé :Essai d’exégèse et d’herméneutique par S.Amedro
- Noé ou la création restaurée par M de La Chevrelière GRIC-Tunis
- L’Alliance de Dieu avec Noé par Marie-Josèphe Horchani GRIC TUNIS
- Noé et Ibn ‘Arabi par Inès Horchani GRIC Tunis
- Noé :la tentation d’une nouvelle idolâtrie Samia Lajmi Gric Tunis
- Artistes de tradition musulmane et Noé: Ayssen Makni
Noé
Avenir- Diversité-Espérance
Pourquoi ce thème ?
Dans l’imagerie populaire musulmane, l’arche de Noé est souvent représentée dans la peinture sous verre, et dans le langage courant le Déluge est facilement évoqué : Noé occupe une place privilégiée dans la mémoire collective.
A l’origine de ce thème il y a la constatation que ce prénom, surtout sous la forme de Noah, est revenu à la mode.
La signification littérale de ce prénom est déjà une question : en hébreu Noah signifie repos ou consolation et en arabe Nuh signifie cris gémissements, plaintes. Cette opposition est-elle porteuse de sens ? Ou bien alors faut-il revoir l’étymologie du mot Nuh en prenant la racine n w kh et en tenant compte de la confusion possible de la prononciation du kh avec le h ? Le sens serait alors non pas ‘gémir’, mais ‘arriver à un endroit, faire halte’. Et dans ce sens Noé a bien trouvé une terre d’accueil.
Le personnage d’Abraham a fait et fait toujours l’objet de nombreuses études au service du dialogue islamo-chrétien. Noé est beaucoup moins nommé. Pourtant, c’est un personnage important dans le Premier Testament (Gn 6 à 9) et le Coran (la Sourate 71 porte son nom), avec des approches différentes, qu’il serait intéressant d’analyser : que nous apprennent les lectures conjointes du Noé de la Genèse et de celui du Coran ? On peut aussi se pencher sur la relation au fils (dans la Genèse et le Coran, problèmes différents avec le fils mais problèmes dans les deux cas) De plus, son fils Sem a donné leur nom aux peuples sémites qui rassemblent juifs et arabes.
Il nous parait intéressant de creuser le message de nos Ecritures pour découvrir à partir de leurs spécificités, ce qu’elles peuvent nous dire aujourd’hui. En particulier comment nos Textes Sacrés peuvent nous aider à trouver des dynamiques communes, puisque nos réflexions sont à deux voix et que leurs approches s’éclairent sans être réductrices.
Problématiques liées à ce thème.
Elles se situent sur différents registres :
1° au niveau de la foi :
a-L’Alliance entre Dieu et Noé :
Dans la Bible la première alliance a été faite entre Dieu et Noé, elle concerne la création toute entière et vaut pour l’ensemble de l’humanité, puisque Dieu précise qu’elle est conclue « avec vous et avec tous vos descendants après vous ». En particulier elle rassemble à égalité juifs, chrétiens et musulmans (contrairement à celle avec Abraham).
Croyons-nous que Dieu fait Alliance avec l’humanité ?
Que signifie aujourd’hui pour les musulmans et les chrétiens : « Faire confiance ensemble à Dieu » ?
b-Dans le Coran, le personnage de Noé est lié à la foi, puisqu’il apparait dans des versets Mekkois qui concernent essentiellement la foi. Qu’est-ce que la foi dans le Coran à partir de ce personnage ? La foi n’est pas nécessairement rationnelle: les compatriotes de Noé ne le comprenaient pas, se riaient de lui et refusaient de l’écouter. La foi dépasse les liens du sang : Noé va sauver des êtres avec lui, dont sa famille, mais pas son fils rebelle. La foi nécessite la miséricorde: Noé sollicite l’anéantissement de tous, mais la réponse de Dieu est différente.
Dans la Bible, c’est Dieu qui décrète l’anéantissement des humains, mais Noé trouve grâce aux yeux de Dieu. Sa descendance repeuplera la terre et les problèmes viennent après le Déluge avec un de ses fils Cham.
c-Lecture littérale et symbolique d’un texte de foi, rattachée aux grands mythes : cette approche académique n’est pas inédite sauf si elle est faite par un regard croisé issu des deux traditions. A nous de bien distinguer l’enseignement de ces textes au-delà de la mise en scène due à des genres littéraires spécifiques.
2°au niveau symbolique
Que sont devenus les symboles de paix : l’olivier arraché en Palestine, le Mont Ararat qui compte les morts d’Irak, la colombe symbole de pureté ou de séparation et donc de désespoir, qui est prise pour un pigeon, ou un faucon, l’Arche où cohabitent toutes sortes d’espèces, le déluge à la fois anéantissement et renouveau…..
3° au niveau collectif
a-Notre responsabilité spécifique dans la préservation et le développement de la Création. Les contemporains de Noé refusaient de voir la gravité de leur situation. Aujourd’hui nous sommes concernés par tous les problèmes d’environnement à prendre au sérieux. Noé s’est déplacé et a trouvé une terre d’accueil. Aujourd’hui nous assistons à des déplacements forcés, comme celui des réfugiés climatiques dont le nombre ne pourra aller qu’en croissant. Trouveront-t-ils un terre d’accueil ? Faut-il des catastrophes pour que l’homme se responsabilise ? Le déluge, c’est l’abondance d’eau. Sera-t-elle un problème au XXI nième siècle ?
b-Sommes-nous après un nouveau déluge : 11 septembre, mondialisation, montée des intégrismes ou au contraire en pré-déluge avec des options économiques qui privilégient l’argent au détriment de l’homme ?
c-Nous pouvons également comparer notre terre à un bateau (l’arche) rassemblant toutes sortes de population. Noé va sauver des êtres avec lui grâce à sa détermination et son action. Nous sommes les hommes non pas d’avant Noé, mais d’après Noé .Que faisons-nous pour sauver notre bateau et l’avenir de nos enfants devant les dangers de la technicité, du nucléaire….
4° Au niveau individuel et collectif :
a-La reconstruction permanente de la vie après la disparition de tous les repères et à partir d’un petit reste est-elle possible ?
b-Noé pose le problème de la fraternité et de la différence dans la diversité. Quelle est notre responsabilité par rapport à la violence actuelle ? Peut-on être frères sans partager ?
c-Noé pose aussi le problème du mal, qui ne peut disparaitre complètement, et qui resurgit toujours. Les fils des hommes sauvés du déluge seront ceux qui construiront la tour de Babel (récit qui n’existe pas dans le Coran) symbole de l’incompréhension entre les hommes. Mais Noé nous renvoie aussi à l’espérance et donc à Dieu auteur du salut des hommes en rentrant dans leur histoire par l’évènement et en les délivrant de la désespérance.
Conclusion
L’actualisation du personnage de Noé, le faisceau de thématiques que nous avons essayé de soulever, montrent que ce thème n’est pas éloigné de nous et que la figure de Noé peut être parlante pour le chrétien le musulman aujourd’hui.