Introduction
C’est devenu un lieu commun de l’affirmer : Depuis quelques décennies la société tunisienne n’a cessé d’être agitée de convulsions. De profonds bouleversements ont affecté l’ensemble de l’édifice social. Une crise profonde s’est progressivement installée et se décline comme une triple crise : crise du sens, du lien social et du projet de société. La crise de l’autorité, dit-on, est partout. Celle de l’autorité éducative n’est pas la moindre car elle mine la capacité à vivre ensemble.
Les formes d’autorité, traditionnellement considérées comme légitimes, sont de plus en plus remises en question : parents, enseignants et autres acteurs éducatifs ont de plus en plus de difficultés, à poser des limites aux jeunes.
L’érosion de la confiance s’est aggravée après la révolution. La classe politique s’est révélée incapable de prouver aux jeunes (meneurs de cette révolution) que les sacrifices d’aujourd’hui préparent les satisfactions de demain.
La crise du projet sociétal et la panne de futur se sont accompagnées par un phénomène sans précédent : on a vu naitre des lieux d’emprise, au sein desquels se sont développées des formes concurrentes d’autorité bien plus aliénantes que celles remises en question. Il s’agit essentiellement de la soumission des jeunes tunisiens à l’emprise de l’idéologie et des groupes djihadistes.
Bien que les groupes djihadistes soient largement vaincus en Syrie et Iraq, leur danger persiste[1]. Il est donc urgent de chercher des solutions à court terme, mais aussi, à long terme et de répondre à plusieurs questions parmi lesquelles :
- Comment agir face à l’assujettissement des jeunes tunisiens au radicalisme violent qui les enrôle au service de causes mortifères ?
- Par quels moyens les amener à contester« l’autorité- emprise »[2] des groupes djihadistes et à assumer la nécessité de l’existence d’une autorité légitime ?
Si on ne peut envisager la possibilité de se débarrasser des« autorités –emprises » des groupes djihadistes, comme on se débarrasse d’une tumeur, c’est qu’un travail fondamental et socialement structurant est nécessaire pour traiter efficacement ce problème. L’éducation est une voie à emprunter, sa contribution ne peut être que profitable. Réfléchir modestement sur quelques pistes dans ce domaine est l’objectif de ce texte.
Mon hypothèse est qu’une autorité éducative, à la fois légitime et contestable, a une fonction fondamentale dans la formation de futurs citoyens capables de résister aux différentes formes d’emprise et d’accéder à la vérité fondatrice de toute vie collective : « l’interdit qui autorise ».
I- De l’emprise à l’accompagnement éducatif structurant : un adulte et une autorité
1-Qu’est-ce que l’emprise ?
L’emprise décrit la façon dont un individu s’est construit ou reconstruit du fait d’un ensemble de pressions physiques ou psychologiques exercées par un groupe ou un individu. Elle traduit donc une tentative de contrôle le plus souvent psychique exercée sur autrui entraînant une déstabilisation des processus décisionnels et des capacités à juger. La construction de l’adhésion est progressive, de plus en plus large, sans violence et sans conflit apparent. La visée étant d’anéantir le «quant à soi» et de ramener l’autre à la fonction et au statut d’objet entièrement assimilable
Dans un précédent article[3], j’ai montré que le contenu des idéologies djihadistes fascine par sa prétention à apporter d’un coup, toutes les réponses aux difficultés de la vie. Tout en laissant croire en son pouvoir infini, cet univers idéologique installe chez le recruté une méfiance généralisée vis-à-vis de son entourage et de la société. Il en découle la rupture avec l’environnement familial et les conduites antérieures.
La vie affective, cognitive, relationnelle et sociale est remodelée par les injonctions et les doctrines du groupe. Cette main basse sur l’esprit s’établit sur la base d’un processus insidieux d’aliénation de la personne.
Par ailleurs, il faut noter que si la fréquentation du groupe expose davantage l’individu aux influences de nouveaux univers cognitif et social, la communauté virtuelle semble, elle aussi, pouvoir créer des affects très similaires. En effet, grâce aux réseaux sociaux, le lien avec le groupe ne s’interrompt jamais. Dans ce lien, qu’on peut aisément qualifier «d’inquisiteur», l’identification est beaucoup plus rapide et plus forte que dans les relations réelles, car ne se heurtant jamais à aucun obstacle matériel.
L’autorité-emprise du groupe comble « la quête de sens » en même temps qu’elle dispense de le chercher. Son mode de fonctionnement comporte des dangers majeurs : l’identification fusionnelle et l’hégémonie du «présent groupal» anéantissent ce qui fait l’humanité de l’homme, à savoir, sa conscience propre et ce qui lui permet de « faire société » et de se projeter dans le futur[4].
En ce sens, l’école qui participe à la socialisation et à la pleine conscience du futur citoyen responsable, à certes un rôle à jouer.
2-Pourquoi l’école ?
L’école et la classe sont des lieux structurants, ils permettent le greffage de n’importe quel enfant au savoir et le développement de son intelligence. En recevant l’inestimable héritage du savoir transmis par les générations précédentes, il s’éloigne de l’ignorance qui porte en germe l’injustice, l’obscurantisme et la dépendance et fait l’apprentissage du lien social.[5]
L’école est en fait un lieu qui fait passer le futur citoyen du cercle familial au monde social. Elle intervient à un moment clef de la formation de l’identité et de l’accès au concept et à la pensée critique.
L’école tunisienne, qui a été révolutionnaire à un moment de l’histoire, est aujourd’hui malade. Elle semble mal adaptée à la réalité sociale actuelle.
Jadis l’espoir, que les enfants puissent faire mieux que leurs parents, était grand et motivant car comme on disait « elle ouvrait des portes ». Même les perdants de cette école trouvaient une place dans la société. Ce n’est plus largement le cas aujourd’hui. Sans parler de ceux qui sont en échec à l’école, un nombre grandissant de diplômés n’a plus de place dans la société. Cela provoque un grand sentiment d’inutilité sociale. L’école crée désormais, du doute, de la peur et de l’humiliation, en un mot ce qui est défavorable à l’émergence du citoyen responsable et solidaire.
Il n’est pas de mon propos d’entrer dans l’analyse des facteurs qui ont contribué à cette crise. Mon attention sera axée sur une dimension pédagogique, en lien direct avec ma réflexion sur l’éducation scolaire et la résistance au phénomène d’emprise qu’est la relation enseignant-enseigné, précisément la relation d’autorité éducative.
Dans les premières décennies de l’indépendance, le statut d’enseignant était souvent suffisant pour obtenir le respect, une attitude obéissante chez les élèves et un soutien inconditionnel des parents. Or, aujourd’hui ce statut ne lui donne plus les mêmes droits qu’autrefois d’où un sentiment profond de perte de reconnaissance et d’impuissance à transmettre leurs savoirs.
En plus, le conflit qui sévit depuis les années 90 du siècle dernier entre ceux qui affirment qu’il faut se contenter de transmettre des savoirs avec les vieilles méthodes de l’enseignant autoritariste et ceux qui pensent que l’autorité n’est plus possible et qu’une pédagogie transmissive n’a plus lieu d’être, ne fait que maintenir les tensions.
Pourrait-on en finir avec cette opposition ? L’autorité dont a besoin tout acte éducatif n’est pas un juste milieu entre les deux positions citées. Elles sont deux manifestations du manque d’autorité.
3– L’autorité et l’entrée dans le monde
L’éducation est avant tout transmission. La centralité de cette fonction est clairement soulignée dans la célèbre définition que donne Durkheim [6].Sans socialisation aucun être humain ne peut parvenir au stade adulte. Elle est animée par un mouvement de reproduction et de transformation qui optimise la qualité de la vie et favorise l’adaptation à un environnement sans cesse changeant.
Éduquer est donc agir sur un être appelé à devenir adulte, responsable et solidaire. L’un des vecteurs de cette action qui tend à construire la libre disposition de soi, est l’autorité de l’adulte qui intervient pour orienter le jeune dans un sens jugé souhaitable. L’autorité ne se définit pas comme une caractéristique de l’éducation, elle en est une dimension essentielle car sans autorité, point d’éducation[7].
La situation éducative est, par essence, une situation où s’exerce une autorité. Le maître selon les termes de Reboul: «doit d’abord assurer l’ordre. L’ordre, sans lequel il n’existe ni liberté, ni justice, ni créativité; sans lequel la classe devient une foule aveugle, anxieuse, infantile, vouée à l’ennui et se livrant d’elle-même aux meneurs»[8].
Dire que l’autorité est nécessaire ne signifie pas en revanche qu’elle soit toujours bien employée. Pour cerner les contours de cette notion complexe et polysémique et mettre en évidence ce qui fonde l’autorité éducative et la rend vitale pour le lien éducatif il importe tout d’abord de montrer ce qu’elle n’est pas à savoir l’autoritarisme et la permissivité.
a- l’autoritarisme
C’est l’autorité dans son sens commun, définie comme un abus de pouvoir et une volonté de domination pour obtenir une obéissance inconditionnelle. L’autoritarisme s’impose dans un rapport de force : l’autre sous emprise totale, n’est pas considéré comme un sujet. L’autoritarisme a recours à différents moyens : usage de la force physique et pressions psychologiques diverses exercées sur l’individu pour obtenir sa soumission.
Dans le domaine de l’éducation, l’autoritarisme est l’hégémonie du modèle adulte en tant qu’être achevé à imiter, par opposition à l’éduqué qui serait fondamentalement inachevé. L’éducation autoritariste s’articule sur la domination et la punition. Le parent ou le maître ordonnent, prennent des décisions arbitraires, n’hésitent pas à menacer, humilier, exclure pour obtenir obéissance et conformité aux normes. Il y a là confusion entre éducation et dressage à la manière des éducateurs qui imaginent pouvoir, fabriquer l’élève selon leurs désirs. Celui-ci conçu comme une cire molle, ils n’auront qu’à apposer leur sceau, au point de douter de son existence. L’éducation dans ce cas n’est rien d’autre que l’apprentissage de l’obéissance. L’enfant obéit par peur, ment pour se couvrir et rejette la moindre responsabilité sur un autre. Incapable de favoriser l’intégration du sens et de la nécessité des règles imposées, l’autoritarisme génère culpabilité et ressentiment susceptibles de se traduire en fuite, rébellion ou violence.
b-La permissivité
Sur l’autre versant nous retrouvons le refus d’autorité et le laxisme. L’adulte dans ce cas tend à refuser l’idée même de l’autorité et son exercice, au nom de son caractère prétendument anti-éducatif. L’éducateur se défausse de sa responsabilité éducative envers l’éduqué, n’assume plus l’asymétrie inhérente à sa position générationnelle, les « frontières » enfants / adultes constitutives de l’acte éducatif sont brouillées et les places peuvent s’en trouver inversées, lorsque c’est l’enfant qui a le dernier mot[9].
Dès lors, l’éduqué qui ne rencontre rien pour se structurer, est dans une situation d’abandon éducatif. La permissivité génère donc une crise de transmission et une abstention éducative de la part des adultes. Ceux-ci ne veulent(ou ne peuvent) assumer leur place de garant de la loi symbolique, dans sa double dimension éducative et limitante. Les risques sont considérables pour l’éduqué. Considéré comme sujet prématurément responsable, on fait peser sur ses épaules un poids qu’il ne peut porter et qui l’abandonne à son angoisse.
Privé de cadres structurants, il aura tendance à aller les chercher chez des personnes ou des structures autres, et du coup, à prendre des risques majeurs qui peuvent compromettre gravement son développement et son avenir. En cherchant à sauvegarder la liberté des sujets, l’éducateur empêche en réalité l’éduqué d’accéder à l’autonomie.
Si l’éducation est forcément une question d’autorité, il semble légitime de penser, qu’autoritarisme et permissivité reviennent à renoncer à la possibilité même de l’éducation.
4-L’autorité éducative : maintenir la relation éducative et engager le processus d’autonomisation
Il est à noter qu’il n’existe pas une forme d’autorité éducative idéale, mais bien des pratiques, toujours singulières, qui s’élaborent avec les éduqués en contexte et en relation. En plus, cette autorité n’est pas réductible aux actes d’autorité et leurs résultats qui se donnent à voir. L’autorité est aussi ce qui ne se voit pas[10]
- L’ autorité éducative est une relation
La crise de l’autorité autoritariste et la prise de conscience de l’illusion d’un affranchissement de tout interdit dans l’acte éducatif sont la preuve de l’incapacité de ces deux formes de pratiques à relever les défis de l’éducation dans une société démocratique
L’absence d’échange avec l’éduqué dans le premier cas et l’indifférence à son égard dans le second ne sont qu’abandon de la relation éducative. L’enjeu de l’exercice d’une autorité éducative consiste à maintenir, quoiqu’il arrive, la relation d’éducation sans que l’apprenant soit soumis ou livré à lui-même dans la démarche de construction et d’appropriation du savoir[11].
En conséquence, l’autorité éducative est, comme l’a défini pertinemment B.Robbes,« une relation statutairement asymétrique dans laquelle l’auteur, disposant de savoirs qu’il met en action dans un contexte spécifié, manifeste la volonté d’exercer une influence sur l’autre reconnu comme sujet, en vue d’obtenir de sa part et sans recours à la contrainte physique une reconnaissance que cette influence lui permet d’être à son tour auteur de lui-même »[12].
Ainsi envisagée, l’autorité est par essence éducative : il est impensable que la relation éducative se passe d’un engagement fort de la part de l’éducateur. Il est celui qui accueille le nouveau venu et l’introduit dans l’ordre symbolique de l’humain. Donc, ce qui fonde son autorité c’est le savoir-faire, le savoir-être, l’expérience et les connaissances, d’où sa position de médiateur. Rappelons, encore une fois, qu’on ne peut minorer l’enjeu anthropologique qui est au cœur du processus éducatif : on ne s’autorise jamais seul à être contemporain du monde[13].
Il convient de déconstruire l’idée très répandue que l’autorité serait une capacité innée. Une telle idée clôt le débat et nous empêche d’agir. L’autorité éducative est une capacité fonctionnelle, elle s’observe, s’analyse et s’apprend.
- L’autorité éducative est un construit
L’autorité éducative n’est pas naturelle. Elle ne correspond pas à des traits de personnalité que certains auraient et d’autres pas. Son détenteur n’est pas une personnalité charismatique, car autorité autoritariste et autorité charismatique sont du même ordre : il s’agit d’individu aux qualités exceptionnelles, qui prend le pas sur les objectifs d’autonomisation des sujets. Toutes deux confondent autorité et pouvoir, l’une en utilisant la force, l’autre au moyen de la séduction et de l’amour[14].
De même, l’autorité éducative n’est pas une pratique de recettes. C’est un équilibre-instable qui se construit, en contexte et en situation, avec des apprenants dont les comportements ne sont pas toujours prévisibles. Cependant on ne peut prétendre que tous les individus sont égaux devant l’épreuve d’acquisition de cette compétence. Les gestes professionnels ne sont pas suffisants. Dans l’intériorisation de la posture d’autorité il y a tout le travail sur soi-même que l’enseignant doit effectuer.
L’autorité éducative se construirait au centre de gravité de trois verbes : être l’autorité, avoir de l’autorité et faire autorité[15].
–Etre l’autorité, correspond à l’autorité déléguée : c’est le statut de l’enseignant. Cette autorité précède l’enseignant et lui assigne une place et une fonction spécifiques. Elle est nécessaire mais non suffisante pour accompagner le processus d’apprentissage.
–Avoir de l’autorité, indique la part subjective de l’autorité de l’enseignant qui a suffisamment confiance en soi pour accéder à la responsabilité individuelle, afin de pouvoir autoriser son élève à être auteur de lui-même.
– Faire autorité c’est l’autorité en tant que capacité fonctionnelle. Elle réfère à la mobilisation par l’enseignant de savoir, d’actions qui se traduisent dans l’acte éducatif par des compétences didactiques et communicationnelles.
Ainsi conçue, l’autorité de l’enseignant est un construit .Elle ne fonctionne réellement qu’à partir d’un ensemble de processus d’institutionnalisation, de processus internes (les savoir-être), et de processus externes (les savoir-faire).
- L’autorité éducative est articulation entre asymétrie et symétrie
L’asymétrie est inhérente à la relation éducative. En effet, un traitement d’égal à égal est impossible dans l’acte éducatif. L’asymétrie est donc assumée. Elle est statutaire et générationnelle.
–L’asymétrie statutaire désigne l’indispensable distinction des fonctions et des places, justifiée par la différence de responsabilité. Sans asymétrie, on quitte l’éducation intentionnelle.
–L’asymétrie générationnelle signifie l’antériorité qui permet la transmission de la culture et la pérennité de la société. [16]
Indispensable, l’asymétrie vise le bien de l’élève en l’accompagnant dans son développement, dans l’appropriation des savoirs et dans l’accès à l’autonomie. C’est ce qu’il ne peut pas faire tout seul.
Toutefois l’asymétrie éducative (légitime et nécessaire) n’est ni hiérarchie, ni rapport de domination : l’enseignant ne détient qu’un pouvoir d’éduquer. La limite de l’asymétrie éducative se trouve dans l’obligation de reconnaitre l’élève comme un égal en droits fondamentaux. Cela garantit une symétrie entre l’enseignant et l’élève et invite l’enseignant à considérer l’élève comme un semblable, sans que cela signifie pour autant une égalité.
L’enseignant est appelé à reconnaitre l’élève comme une personne en devenir. Son pouvoir d’agir sur lui doit se transformer en devoir d’agir pour lui. Semblable, L’apprenant a droit au même respect que toute autre personne. Ceci dit, sa nature d’enfant établit son besoin d’une prise en charge spécifique, afin qu’il devienne autonome. Cette spécificité rend, ainsi, légitime son accompagnement par l’enseignant, et son inscription dans une relation d’autorité éducative.
L’autorité éducative est liée à un pouvoir d’éduquer qui installe l’enseignant en position de supériorité non hiérarchique dans sa relation à l’apprenant[17] L’enseignant n’est pas « au-dessus », mais « en avance » sur l’élève.
- L’autorité éducative n’est pas une relation duelle
Contrairement au pouvoir, l’autorité éducative est un phénomène personnel. C’est une responsabilité qui ne se délègue pas. Aucune personne ne peut faire autorité à la place d’une autre, sinon l’autorité éducative de celle-ci disparaît[18]. L’autorité éducative ne peut être conçue en soi. Elle ne peut être définie que dans la relation à l’autre : sans destinataire, il n’y a pas d’autorité.
C’est toujours dans l’intersubjectivité et dans l’interaction que l’autorité s’exerce, car plus qu’un récepteur passif, l’apprenant est actif dans l’élaboration de cette relation. Elle ne peut, en fait, être définie et reconnue que par lui.
Mais loin d’être duelle, la spécificité de la relation d’autorité éducative impose que soit défini un référent extérieur et en même temps, la conscience partagée que l’élève et le professeur ne se trouvent pas à la même distance de cette référence idéale ; « elle n’a de sens à s’exercer qu’au nom de, elle n’a de consistance qu’en faisant signe vers autre chose. »[19].C’est parce qu’elle est représentative que l’autorité doit être incarnée.
Là réside la différence entre la tyrannie et l’autorité : le tyran gouverne conformément à sa volonté et à son intérêt, tandis que l’autorité de l’enseignant s’exerce en référence à des règles. Il agit toujours « en tant que ». Ceci revêt une importance éducative capitale, l’élève ne régule plus son comportement à partir de références se rapportant à la personnalité du maître, mais à son propre rôle dans la classe et à celui tenu par le professeur[20].
- L’autorité éducative est basée sur le consentement
La reconnaissance est la clé du processus de légitimation de l’autorité de l’enseignant. Mais la reconnaissance d’un élève n’implique pas nécessairement son obéissance à la demande de l’enseignant, ce serait une posture de soumission. S’il ne peut y avoir obéissance sans reconnaissance, à l’inverse la reconnaissance n’entraine pas nécessairement l’obéissance. «L’autorité implique une obéissance dans laquelle les hommes gardent leur liberté»[21]. Résistance et obéissance sont paradoxalement les deux vertus de l’autonomie de l’apprenant et du futur citoyen.
- L’autorité éducative permet de rendre autonome.[22]
Comme indiqué précédemment, la légitimité de l’autorité éducative ne s’édifie qu’à partir de ses finalités, d’où le lien structurel entre la fonction de cette autorité et le projet éducatif. L’enseignant qui se place au service des apprentissages de l’élève, est appelé à assumer le devoir de transmission et à endosser la responsabilité de former l’apprenant à s’émanciper de ce qu’il lui a transmis et à exercer progressivement son jugement.
II- Résister à l’emprise djihadiste : Autorité éducative et émergence du sujet autonome
Partant de ce qui précède, rendre auteur est la finalité de la relation d’autorité éducative. Au terme de son exercice, ce qui était à l’origine une relation asymétrique tend à produire une relation de réciprocité. En l’aidant à incorporer un héritage, l’enseignant l’incite à le dépasser et à développer la capacité de résister. C’est en autorisant une telle résistance que l’autorité éducative est constructive des conditions de l’émergence du soi comme sujet autonome.
Face à la radicalisation violente des jeunes Tunisiens, le défi de l’éducation dans le système éducatif tunisien est d’aider les jeunes à devenir autonomes et capables de contester toute forme d’autorité aliénante. Une telle éducation requiert bien un ensemble d’interventions. Je limite ma réflexion à quelques-unes d’entre elles, en rapport avec la responsabilité de l’autorité éducative..
1-Délivrer l’apprenant de l’infantile
Qu’est-ce que l’infantile ?
L’infantile est un passage obligé pour le petit humain vue sa prématurité. L’infantile n’est pas l’enfance. L’enfance renvoie à une période réelle, une réalité événementielle et matérielle. L’infantile renvoie à une fiction issue d’un refoulé et qui réfère à un lieu psychique et non pas à un temps historique. L’infantile « concerne le travail de mise en sens de l’histoire plus que l’histoire elle-même »[23].
De nos jours, l’enfant est désiré. Investi par une charge affective considérable, il ne tarde pas à être installé par ses parents dans le rôle d’un roi. Sans se rendre compte, ils l’amarrent au monde de la puérilité, avec toutes les répercussions néfastes sur son avenir.
En plus de leur amour qui fait de l’enfant l’objet de toutes les projections, les parents exigent aussi d’être aimés par lui, ce qui lui confère un pouvoir extraordinaire. La tendance parentale à retirer le « non » de leur boite à outils éducative ne va pas sans incidences psychiques.
Faute d’interdictions structurantes, il est maintenu dans l’illusion de la toute-puissance : Il étend son emprise sur tout et ne supporte aucune indifférence à son égard. On parle alors d’égocentrisme infantile.
Extraordinairement fantasmatique, ce pouvoir de la toute-puissance est immanquablement voué à l’échec, d’où l’urgence de sortir de l’infantile. Or, sortir de l’infantile tout seul est inconcevable. Découvrir la résistance des êtres et des choses à la puissance de ses fantasmes, prendre en compte la volonté de l’autre, faire le deuil du «tout-tout de suite » et accéder à la satisfaction différée des désirs ne peuvent se réaliser sans la présence d’une autorité éducative qui s’entend. Elle accompagne l’enfant dans l’apprentissage des limites et de la ferme obligation de surseoir au passage à l’acte[24].
Pour se construire, l’enfant a besoin d’un cadre structuré et structurant, de repères et de limites claires pour se sentir reconnu, considéré, mais aussi « contenu » et rassuré. « Le « non » entre dans la fonction de l’autorité d’autoriser, de dire « oui » à bon escient[25]. »
L’intériorisation des interdits au cours de l’enfance est indispensable pour le développement du préadolescent, puis de l’adolescent. Pour être capable de se fixer lui-même les limites et de contrôler ses pulsions pubertaires, l’expérience de la confrontation à la frustration et à des adultes capables de se contenir eux-mêmes est essentielle[26].
Dans un contexte consumériste marqué par l’absence de points d’appuis aidant l’enfant à se dégager de l’infantile, la tâche de l’école et précisément de l’enseignant devient de plus en plus complexe. Faire preuve d’autorité est aujourd‘hui capital dans le métier d’enseignant pour confronter l’apprenant et lui résister afin de forcer l’écart propice à l’autonomisation. Sortir de soi, construire une résistance à l’immédiateté est la condition de l’apprentissage et du devenir adulte.
Apprendre c’est précisément se soumettre au décentrement : il n’y a pas d’accès à l’humanité sans heurt avec l’extériorité d’une organisation dont la cohérence nous précède. Ne pas l‘admettre c’est commettre une erreur sur la nature des savoirs et sur les conditions subjectives de l’accès à ceux-ci. L’enseignement lui-même n’est que décentrement et mise en relation avec un au-delà des possibilités du sujet[27].
2-Apprendre à penser et à être un « Je » dans un collectif
Vygotsky disait « Ce que sait faire l’enfant aujourd’hui en collaboration, il saura le faire tout seul demain. »[28].Cette citation résume bien l’un des objectifs finaux de l’école : l’apprentissage de l’autonomie.
En effet l’école ne peut plus se contenter de faire réussir dans la vie ou de favoriser l’intégration à la société. Préparer les jeunes à la citoyenneté, en leur apprenant à devenir des êtres autonomes capables de réfléchir par eux-mêmes est une priorité.
Au temps où il est devenu commode de suivre la foule, de se soumettre à des « autorités » effrayantes et vraiment tyranniques, de croire et d’agir aveuglément, former au « comment penser » plutôt qu’au « quoi penser »est un défi à relever pour le système éducatif tunisien.
La Tunisie s’est toujours enorgueillie d’avoir un véritable système éducatif qui a fait ses preuves depuis l’indépendance. L’école pour tous, gratuite et obligatoire jusqu’à 16 ans, est une réalité. La réduction de l’inégalité des chances devant l’enseignement a toujours constitué la finalité première de toutes les réformes .Mais en dépit des moyens importants mis en œuvre, l’école tunisienne s’est progressivement essoufflée face aux défis d’une mondialisation galopante, aux difficultés internes et aux réalités propres à l’école.
Les objectifs louables se sont malheureusement vite traduits en termes de diplômes, de droits de réussite, et non pas tellement en termes d’amour du savoir, goût de l’excellence, soif de liberté et d’esprit critique.
Il n’est aucunement dans mon intention de minimiser les résultats louables du système éducatif tunisien, mais je veux attirer l’attention sur les impacts de cette dérive sur les compétences des apprenants. La majorité de ceux-ci est incapable de résister aux difficultés d’apprentissages scolaires, de faire des recherches, d’entreprendre des démarches analytiques, de présenter des critiques et de produire des pensées [29].
Il n’est donc plus pertinent de multiplier les réformes pour essayer de «faire mieux» ,il faut s’engager à «faire autrement» en vue de préparer le futur .Apprendre aux élèves à penser et éveiller progressivement leur jugement critique, sont pour la Tunisie confrontée au péril djihadiste, des critères pour l’éducation de futurs adultes pleinement responsables et conscients de l’être[30].
Même si l’émergence de ces compétences est de la responsabilité de chacun, nul ne doute que l’école, comme lieu particulier, y joue un rôle privilégié. Dans ses propos, Alain opposait l’école aux exigences productivistes du monde du travail qui étouffent toute pensée. L’école est vouée au travail de la pensée, lequel exige tâtonnements et recherches[31]. Son temps est le temps de l’essai et de la possibilité de recommencer. Elle offre à l’enseignant un cadre favorable pour initier l’entrée progressive de l’apprenant dans la réflexion.
Notons que dans l’apprentissage il y a toujours deux choses à la fois : d’un côté, des ressources extérieures à la personne, de l’autre l’activité par laquelle elle se les approprie et en fait quelque chose. C’est entre ces deux termes que l’autorité éducative est condamnée à se mouvoir. Il lui appartient de rechercher les pratiques pédagogiques qui réalisent cet équilibre difficile et central pour entrer dans la pensée comme une aventure émancipatrice permettant à l’apprenant de sortir de son univers mental, des limites de son propre territoire, et de se confronter à l’altérité[32].Penser en fait, n’est pas un exercice personnel et solitaire, même si la solitude est propice à la rigueur de la pensée. Celui qui pense est un être en débat avec lui-même parce qu’il est en débat avec les autres, même physiquement absents.
Apprendre à penser n’est pas à considérer comme un bénéfice qui s’acquiert par les années de formation, il est essentiel d’admettre qu’il s’agit d’une discipline propédeutique qui accorde aux apprenants la possibilité de parvenir graduellement à penser par eux-mêmes.
Amener l’apprenant à se soumettre aux propriétés des objets, à utiliser correctement des outils théoriques, à respecter les normes et les règles de la pensée c’est l’aider à se décentrer et à penser avec d’autres de manière réflexive.
Contrairement à une pensée dogmatique[33], la pensée réflexive se construit par la recherche de contre-évidences. Il s’agit «d’initier une entrée dans la réflexion par le questionnement, la clarification de ses opinions, la conscience de leur origine, leur mise en question en tant que préjugés, la formulation de questions pertinentes, d’ouverture sur une pluralité de solutions possibles, de tentatives de réponses argumentées »[34]. Ainsi décrite la pensée réflexive correspond à l’adoption d’une attitude critique à l’égard de soi-même pour évaluer la pertinence de ses propos, de ses comportements ou de ses pensées. Vigilante, elle ajoute à la pensée de la distance sur elle-même.[35]
La formation de la pensée réflexive ne peut faire l’économie d’un examen du statut de l’erreur dans le système éducatif tunisien. Les enseignants tunisiens ont beaucoup de mal à se libérer de l’attitude négative face à la production des erreurs. Permettre à l’apprenant d’errer, sans que l’erreur commise soit assimilée à l’échec et son auteur au mauvais élève, aide à développer chez lui une sécurité cognitive. Basée sur un mode de traitement non-dogmatique des informations, cette sécurité encourage la capacité à modéliser réversiblement la réalité pour mieux se la représenter ou pour pouvoir agir plus efficacement[36].
Il ne semble pas abusif d’affirmer avec les dernières recherches de la neuroscience qu’un cerveau performant est un cerveau qui fait des erreurs. Traiter l’erreur sous cet angle nécessite un changement culturel majeur que l’école toute seule ne peut assumer. En revanche l’enseignant en tant que détenteur de l’autorité éducative peut à titre individuel apporter une contribution.
En changeant sa relation à l’erreur, en autorisant l’élève à se tromper et en faisant de l’erreur une occasion d’apprentissage intelligent,[37] l’autorité éducative cesse de considérer l’élève comme objet à mesurer, et substitue au modèle de l’adulte infaillible difficile à incarner, un modèle d’adulte plausible auquel l’apprenant peut s’identifier.
Passer d’une évaluation orientée vers la mesure, à une évaluation orientée vers la régulation et la communication est urgent. L’élève affaibli et en échec scolaire risque, en effet, de devenir affaiblissant pour les autres, à moins qu’il ne retourne cette violence contre lui-même.
Engager les apprenants dans des processus réflexifs, évaluatifs, autocorrectifs, ce serait leur donner la possibilité de parvenir graduellement à penser par eux-mêmes et à s’interroger sur la pertinence de leurs actes afin de n’être soumis à aucune contrainte ni celle des puissants ni celle des avis des plus influents en un mot devenir un « je ».
Ceci dit, la véritable autorité éducative n’est pas seulement celle qui libère par le développement des compétences réflexives. L’autonomie se développe aussi et surtout dans une dimension collective. L’acquisition des aptitudes à entrer en relation avec d’autres et «faire ensemble» pour vivre ensemble sont deux autres objectifs de l’exercice de l’autorité éducative.
3-Apprendre à faire ensemble pour vivre ensemble
En Tunisie, la perception de l’école comme lieu de socialisation et d’apprentissage des normes nécessaires à renforcer la cohésion sociale dans le contexte national tunisien remonte à plus de deux décennies. Un décret[38] définit la vie scolaire comme un lieu privilégié de l’apprentissage du «vivre-ensemble» et de l’exercice pratique de la citoyenneté par les occasions qu’elle offre au débat et à la participation des élèves à la vie de l’établissement.[39]
En dépit de ces objectifs ambitieux, l’écart est resté considérable entre les textes et les pratiques. Les lacunes pèsent négativement sur l’éducation à la citoyenneté dans nos écoles. Même les programmes d’éducation civique sont loin de développer le sens civique[40].
En fait, l’exercice pratique de la citoyenneté ne s’acquiert pas automatiquement à travers la vie de la classe et les quelques heures d’instruction civique. Consolider la démocratie par l’éducation à la citoyenneté, implique des transformations au niveau de l’organisation des espaces scolaires (intérieurs et extérieurs), des contenus des programmes, du choix des méthodes pédagogiques sans oublier la multiplication des structures pour l’apprentissage et l’exercice des responsabilités. Ces procédures et bien d’autres, font partie du dispositif, qui tout en permettant à l’apprenant d’exercer son « métier d’élève », servira de prélude à son futur « métier de citoyen » capable de s’engager avec d’autres dans la construction d’un avenir commun et d’un monde plus juste.
En outre, l’élève ne peut s’approprier le «vivre ensemble» comme il apprend une récitation. Pour l’éducation qui doit amener l’apprenant à se percevoir comme membre de collectifs de plus en plus larges, le défi n’est pas seulement apprendre «le vivre-ensemble». Aujourd’hui les exemples de «vivre-ensemble» n’ayant en commun que le «chacun pour soi» et ceux du «vivre-ensemble» autosuffisant et fusionnel aux effets mortifères(les groupes djihadistes) disent haut et fort qu’on doit aller plus loin et apprendre «le faire-ensemble».
Mais cela ne pourra apparaître spontanément .En plus des dispositifs institutionnels et pédagogiques cités plus haut, le rôle de l’autorité éducative favorisant cet apprentissage et ses exigences est considérable. Même si la tâche est loin d’être facile dans le contexte actuel c’est une raison de plus pour que l’enseignant mobilise son autorité et ses énergies sur cet objectif à travers les pratiques suivantes.
a- Les rituels scolaires[41]
Apprendre c’est assumer un rôle social qui a ses exigences, mais qui en même temps, donne une place et une identité dans la société : c’est le « métier d’élève » qui se consacre entièrement aux études, car personne ne nait élève , il faut le devenir.
Parmi les cadres d’action qui contribuent à instituer l’enfant comme élève figurent les rituels scolaires. Ils constituent des moments-clés dans l’apprentissage du «métier d’élève»[42].
L’école tunisienne des premières décennies de l’indépendance était régie par un certain nombre de rituels : port d’uniforme, respect d’un code de mouvement dans l’espace scolaire, rites d’entrée et de sortie, les cérémonies d’attribution de prix etc. Tout cela rythme le quotidien des élèves sous le regard attentif d’un personnel exigeant. Des changements sont venus affecter ce paysage faisant qu’une telle charpente du système éducatif se délite. Progressivement les grands rituels scolaires se sont vidés de leur substance surtout dans les lycées, car accordés à une autre époque et en phase avec ce qu’on attendait comme comportement social. Aujourd’hui les comportements contestataires et désobéissants ne manquent pas, nos élèves sont démotivés, les professeurs sont à bout de nerfs et une violence accrue s’installe dans les établissements scolaires tunisiens.
Devant ce tableau, les paramètres budgétaires et pédagogiques ne suffisent pas. Sans un consensus sur ce que devrait être une communauté studieuse, l’école sera dans l’incapacité d’agir comme communauté éducative. La mise en place de rituels de structuration du collectif apprenant pourrait être une piste fructueuse. Loin de traduire une simple nostalgie aux rituels traditionnels, ce qui est visé est un travail d’instauration de rituels éducatifs formateurs, structurants et signifiants. Même s’ils parlent peu, les rituels scolaires font beaucoup essentiellement sur les deux plans cognitif et social.
-sur le plan cognitif, il n’y a pas d’apprentissages cognitifs sans rituels qui rendent visibles les césures nécessaires à l’organisation du travail et la vie collective au sein de la classe. Amener l’apprenant à attendre, à différer et à se contrôler de l’intérieur autorise la réflexion, la pensée et l’inscription dans un collectif solidaire[43].
– sur le plan social, les rituels «réfèrent les professeurs et les élèves les uns aux autres, les lient dans un agir commun et créent une communauté scolaire où chacun sait ce qu’on attend de lui»[44] L’accompagnement d’une autorité éducative engagée à prendre ses responsabilités et la mise en place de conditions pédagogiques rigoureuses sont indispensables dans ce processus de construction du collectif, où on sait ce qu’on doit faire, comment et quand. L’action collective induit des règles de conduite pour continuer à travailler.
Par sa dimension symbolique, le rituel crée une vision du monde partagée par le collectif apprenant. Elle donne du sens, marque une place pour chacun[45], instaure des rôles dans le rapport au savoir qui peuvent changer et évoluer, installe la certitude que chacun peut se confronter aux autres dans un espace partagé et protégé et en même temps développer sa liberté [46].
C’est ce jeu double d’implication-rétractation qui marque la différence entre les rituels pédagogiques dans le groupe-classe(ou ceux propre à la communauté scolaire en général) et les rituels dans les groupes fusionnels tels que les groupes djihadistes. Dans ces derniers règnent le mimétisme et l’hégémonie du « présent groupal »frappant d’interdit toute perspective d’autonomie[47].
Des rituels continuellement réajustés et reformulés font perdurer l’ordre scolaire. Cet ordre est essentiel pour l’apprenant en vue de se dégager progressivement de la socialisation primaire, s’engager dans un collectif apprenant, s’approprier progressivement les multiples formes de civilité et appréhender le pouvoir libérateur de la loi. Une socialisation secondaire qui ne reconnait que les affinités qui régissent le collectif apprenant, contribue à empêcher nos jeunes de se précipiter dans une appartenance-enfermement où la socialité est réduite à l’emprise ou détruite par la violence.
b-Faire l’expérience de la solidarité
Face au développement de l’individualisme et l’acceptation accrue de la débrouillardise et la recherche exclusive de l’intérêt personnel, faire de futurs adultes solidaires, éveiller en eux la préoccupation du Bien commun est de nos jours un impératif pour le système éducation tunisien.
Durkheim disait que pour goûter la vie en commun «au point de ne pouvoir s’en passer, il faut avoir pris l’habitude d’agir et de penser en commun»[48] chose dont l’Ecole tunisienne n’a pas su profiter comme moyen fondamental pour le progrès intellectuel et social des élèves.
Il est clair que la communication, le partage et le «faire-ensemble» à l’école ne se font pas spontanément. Mais enseigner les valeurs de la participation, de la solidarité, du respect, de la diversité, sans avoir l’occasion de les vivre, est aussi très artificiel et peu efficace. Le travail en groupe structuré est un espace où l’élève se rend compte qu’il n’est pas tout seul, qu’il y a d’autres élèves qui sont au même niveau, et qui recherchent la même chose que lui.
D’habitués à interagir par affinité affective, les élèves sont amenés dans ce cas à accepter de faire équipe avec n’importe quels membres de la classe et admettre qu’ils peuvent apprendre avec l’autre (et non pas toujours contre lui), pour se réaliser ensemble. Le savoir est la chose grandit, après l’avoir partagée avec quelqu’un d’autre.
La gestion des groupes ne peut se passer d’une autorité éducative qui prépare minutieusement les situations d’apprentissage, fait respecter les règles de leur fonctionnement et établit une rotation des rôles avec des consignes précises, car la tâche commune n’est possible que par la participation et l’apport de chacun. Dans ce cas précis, le faire-ensemble exige des groupes suffisamment homogènes pour permettre les échanges, et suffisamment hétérogènes pour que des positions différentes puissent s’affronter.
L’importance du faire-ensemble en groupe réside dans l’opérationnalisation des conflits sociocognitifs [49]. Il ne fait plus de doute que le travail en groupe est très fréquemment à l’origine de dynamiques de confrontations inter et intra-individuelles, favorisant le développement des connaissances et des compétences cognitives des apprenants. La pensée critique se construit au sein de situations d’interactions entre pairs : au sein d’un espace « hors-menace » qu’est le groupe, les participants sont conduits à des conflits d’idées sans risquer les conflits des personnes. La régulation du conflit ne s’effectue plus simplement par un changement de réponses socialement manifestes assurant la réduction du conflit, mais par un changement plus fondamental résultant d’un processus de déconstruction/reconstruction d’avis, d’une réorganisation cognitive de l’un ou de plusieurs membres du groupe. Déstabilisés, ils doivent parvenir à coordonner leurs points de vue initialement opposés et trouver un accord afin de produire une réponse commune, obtenir un nouvel équilibre majoré et accepter une nécessaire incertitude[50].
Se décentrer, interagir, contester, argumenter, confronter les points de vue, développer un sens critique et une remise en cause des conceptions personnelles sont parmi les implications bénéfiques des conflits sociocognitifs au sein du groupe. C’est parce qu’il y a volonté de fédérer leurs énergies et dépasser les blocages que les participants sont amenés dans un débat critique à dépasser leurs représentations initiales et à élaborer une conception plus pertinente : Coopération et conflits sociocognitifs sont deux facettes d’une seule médaille.[51]
Au-delà des aspects cognitifs cités, il s’agit aussi de «laisser place» à l’autre pour admettre sa présence, l’expression de sa parole et de sa différence en plus de tolérer un silence provisoire, une divergence. Ces gestes qui peuvent être frustrants conduisent l’apprenant à se dégager progressivement de ses velléités narcissiques, à surseoir à son impulsivité, à prendre le temps pour accepter de s’inscrire dans une tâche collective et construire ensemble une culture d’action commune.
Le travail en groupe structuré est un espace de responsabilisation qui rend capable d’aller au-delà de l’égo, des intérêts personnels et des soucis individuels, pour avoir le souci des autres.
Responsabiliser[52]. les différents membres du groupe en tenant compte à la fois des désirs et des possibilités de chacun est un geste qu’on ne peut omettre sans induire, des relations et des comportements aptes à nuire à la progression individuelle des membres comme à celle du groupe : la responsabilité, parce qu’elle profite au groupe, valorise l’individu.
Que chacun ait une responsabilité et une place, est selon les termes de Meirieu vital, aussi bien pour se mettre « en jeu » et« en je », que pour pouvoir «dire» et «se dire» et être en situation d’agir plutôt que de subir. En fait, «ce sont ceux à qui l’on n’a pas donné de place qui veulent prendre toute la place et font voler en éclats bien des intentions générales et généreuses»[53]
L’élève responsable est ainsi celui qui fait des choix informés et qui se montre capable d’agir au sein de la classe et de l’école, en conformité avec les normes scolaires. Or, un tel changement nécessite précisément ce qui ne change pas, c’est-à-dire un cadre institué et entretenu : le cadre scolaire.
4-Construire un cadre scolaire contenant et facilitateur
Selon Ginet, le cadre scolaire peut-être décrit comme « un ensemble de règles, de limites, d’interdits, de normes, d’us et de coutumes, d’habitudes et de d’attitudes, prescrites aux enseignés par les enseignants et autres personnels de l’institution scolaire, afin de fournir un « conteneur » aux processus psychiques qui sont mis en jeu par la « tâche primaire » de l’institution, soit transmettre les savoirs et la Loi»[54].
L’apprentissage, comme indiqué plus haut, a besoin d’un espace hors-menace .Le cadre est ce qui procure une suffisante sécurité psychique pour que le sujet puisse assumer l’incertitude du changement auquel il a à se confronter pour grandir et se former.
Ces deux fonctions de contenant pour le désordre psychique interne relatif aux changements que vivent les apprenants, et de facilitateur du processus d’apprentissage, sont ceux qui justifient sa nécessité. Proposer un cadre externe structuré est une aide pour retrouver une structure interne.
Ne perdons pas de vue qu’un cadre trop rigide risque de se transformer en encadrement disciplinaire visant la normalisation et exerçant une forme d’emprise. Un cadre défaillant ou fluctuant selon les situations met en danger le sentiment de continuité chez l’apprenant. Les attaques qui ciblent le cadre scolaire traduisent en fait, l’angoisse que suscite sa faiblesse et son manque de fiabilité. En manquant à leur devoir de mise en place de cadre contenant, les adultes ne font qu’offrir aux élèves l’occasion pour s’emparer de l’espace et du temps et par là-même imposer leur rapport aux autres et aux activités. Dans ce cas le risque de se construire de façon égocentrée, dans un rapport de force ou de soumission à l’environnement est grand. Pour un retour au climat scolaire studieux, les élèves ont besoin de se sentir suffisamment rassurés sur l’existence d’un cadre ferme et résistant.[55]
Rencontrer la loi, pour un adolescent, c’est rencontrer des adultes qui l’énoncent et la font respecter. En conséquence, l’autorité éducative doit travailler à la construction du cadre « psychique » représentant de la loi et celui qui tient lieu de support pour les apprentissages.
L’apprenant ne se structure psychiquement qu’au prix de se confrontation à un ordre social et symbolique(la loi) qui lui interdit de prendre les affects pour les seuls et ultimes régulateurs de la vie dans la classe et dans l’école en général. La loi est ce tiers qui a comme fonction psychologique fondamentale de délivrer du chaos des pulsions, du mimétisme et du désir de la toute-puissance : il ne peut y avoir de «vivre-avec» (autrui) qui ne soit articulé à un «vivre-devant» (la loi).[56].
En vue de créer un tel cadre il est indispensable de faire la distinction entre lois et règles de vie :
- Les lois ne se justifient pas, ne se discutent pas. Ce sont elles qui permettent à l’humanité de se vivre..Bien qu’impératives, elles doivent être bien expliquées aux élèves pour comprendre que leur espace de liberté est délimité et savoir en quoi les interdits fondamentaux (et ce qui gêne les apprentissages ou les met en danger) autorisent. Ils constituent le tiers indispensable pour pouvoir parler de justice. Le maître, lui-même, n’agit pas pour imposer son pouvoir, il applique ce que l’Institution lui demande.
- Les règles pratiques sont les règles de vie et de fonctionnement concret de la classe que l’enseignant peut discuter avec ses élèves et même les inviter à participer à leur élaboration. Il s’agit de définir ce que les élèves peuvent faire ou non. Ces règles définissent également les droits et les devoirs des élèves. Construire les règles avec les élèves permet de vivre ensemble et de favoriser l’entrée dans les savoirs. La règle est ce qui contraint et ce qui interdit, mais elle est aussi ce qui protège du plus fort que soi, en cela elle est protectrice.
Il est absolument indispensable d’assurer avec fermeté la permanence du cadre. L’enseignant, en tant que responsable et gardien de la discipline, est tenu d’expliquer aux élèves qu’il assumera le devoir de faire respecter les lois et les règles et sanctionnera sans hésitation toute transgression.
Sanctionner c’est faire preuve d’autorité en confrontant l’élève à la réalité qui l’entoure. L’autorité n’a de sens que si elle inclut la sanction, sinon la notion même d’interdit n’est que parole vide. Lisible et visible, la sanction[57] est une belle contrainte. Elle est à penser en tant qu’occasion que l’enseignant doit saisir pour éduquer : orientée vers l’avenir, la sanction est mise en œuvre pour que l’agression ne soit plus commise. En «sujet de droit», l’élève est amené à apprendre la loi, la responsabilité du dommage qu’il a causé et la réparation.
Sanctionner en cas de transgression et demander aussi réparation font partie du rôle de l’enseignant. Accomplir cette tâche avec calme, respect et bienveillance, tout en étant ferme et déterminé, est un acte éducatif car régi par l’intention d’aider l’élève à mieux se comporter. Ce n’est nullement sa personne (humiliation/ dégradation) qui est visée mais son comportement et la prise de conscience de la portée d’une transgression[58].
C’est pour cette raison que toute sanction prononcée devrait être accompagnée d’une parole qui l’explique, c’est celle de l’enseignant et de sa position d’autorité. Parole qui rassure, qui libère, qui tient la violence à distance et permet à l’élève d’accéder au don de la parole. La sanction éducative vise à révéler les potentialités de l’enfant à se dépasser et à respecter une loi qui garantit l’établissement de bonnes relations entre les êtres et le bon fonctionnement de la société. Le travail éducatif qui l’accompagne pour réfléchir sur l’acte commis, sur son implication chez la victime et comment pouvoir réparer, empêche l’éventuelle révolte de l’apprenant contre les limites imposées et pointe la prise de conscience du bien-fondé de la loi et une meilleure réintégration de l’apprenant dans le groupe classe [59].
Encore une fois, l’autorité éducative n’est pas une fin en soi. Elle ne peut être mesurée par l’obéissance des apprenants, mais par le fait de parvenir à réaliser ce au nom de quoi elle s’exerce. Sa légitimité est intrinsèquement liée à la responsabilité de l’enseignant qui l’exerce «en tant que» et réalise les conditions qui aident l’apprenant à se construire en «Je» capable de vivre dans un collectif.
Certes, l’école n’est pas le monde, mais un lieu pour essayer, s’essayer, où l’on a droit à l’erreur (aussi bien au niveau des apprentissages qu’au niveau du comportement).Partant de là, la sanction n’est pas punition, elle est du registre de la responsabilité.
En effet punir, c’est faire preuve de puissance en plaçant l’élève dans l’impuissance et la soumission. La punition exprime la colère de l’enseignant et peut être des formes de transgression. Quand on ne peut s’émanciper par le savoir, on est toujours tenté source de violence, surtout si elle est minée par un désir de revanche. Même si les tentatives pour faire sortir l’enseignant de sa posture d’adulte sont multiples, les élèves de tout âge ont toujours exprimé une forte attente pour que ce dernier tienne son rôle de détenteur d’autorité. Ce rôle devrait être de l’ordre de l’immuable et du permanent sinon, les élèves chercheront à «se libérer »par de s’émanciper par la transgression sociale sous toutes ses formes.[60].
Par conséquent, être un enseignant qui assume sa position d’autorité présuppose un adulte suffisamment consistant contre lequel l’apprenant puisse s’appuyer et se confronter.
5-Entre dépression et répression, un enseignant consistant
A maintes reprises, j’ai dis qu’éduquer est pour l’enseignant assumer son autorité d’adulte. Or qu’est-ce qu’un adulte ?
Question importante car comme l’indiquait Olivier Reboul, on s’est tellement tournés vers l’enfance qu’on est arrivé à oublier ce qu’est être adulte, or «les concepts d’enfants et d’adulte s’impliquent réciproquement. En omettant le second, on perd toute intelligence du premier. Et là où l’adulte échoue à trouver son statut, l’enfant est en péril de perdre le sien. »[61].
Sans redire ce qui a été écrit plus haut, il suffit d’indiquer ici qu’être infantile « c’est se conduire comme un enfant quand on a cessé de l’être : c’est être irresponsable »[62].
Enseigner est avant tout un métier relationnel où se rencontrent des êtres humains, donc s’efforcer d’être et de rester maître de soi est la première condition pour réaliser l’ambition d’être un maitre de savoir. Il n’est pas inutile d’insister sur cette idée car il y a de l’affectif dans chaque relation, y compris la relation d’autorité.
L’exercice de l’autorité éducative réside dans l’art de maitrise de soi vue que la relation éducative ne se situe pas seulement au niveau visible de la communication interpersonnelle, mais se déroule aussi au niveau des affects et des fantasmes[63] Donc l’inconscient comme le montre pertinemment Imbert est dans la classe, il parle et il vaut mieux vaut l’entendre que le subir [64]. Il suffit de prendre comme exemple de cette présence la dynamique transférentielle et contre-transférentielle .Celle-ci nous aidera à saisir l’importance de la maturité du détenteur de l’autorité éducative.
Le transfert arrive dans toutes les professions où l’autre est à une place enviable donc susceptible de donner ce qu’on n’a pas[65].L’enseignant en tant que détenteur de l’autorité n’échappera pas aux mécanismes transférentiels.
Le transfert dans la relation pédagogique est un déplacement d’affects positifs ou négatifs provenant de l’histoire antérieure de l’apprenant sur la personne de l’enseignant[66]. Ces affects ne sont pas originellement destinés à lui et ne concernent pas directement sa personne. Il est «pris pour quelqu’un d’autre».
Contrairement à l’élève qui n’a pas la maturité pour comprendre ce qui se passe chez lui, l’enseignant de son côté est appelé à être conscient de la part subjective de lui-même.
Nul ne peut nier que l’enseignant est un être humain, un sujet qui va être convoqué avec son psychisme, son histoire inconsciente dans la relation qu’il tissera avec les apprenants. Ses affects jouent un rôle considérable dans leur accompagnement. Dans son rapport à l’élève, il n’interagit pas seulement avec celui qui est devant lui mais aussi l’enfant/adolescent que lui-même a été. Sans s’en rendre compte, l’enseignant peut faire revivre à l’apprenant des choses qu’il a vécues lui-même. D’ou l’importance d’un travail sérieux sur soi.
Travailler ses propres angoisses, prendre de la distance par rapport à ses propres affects et avoir conscience de l’inconscient qui l’anime fait partie de la responsabilité de l’enseignant. Maitriser sa vie intérieure est fondamental pour pouvoir s’exposer aux épreuves relatives à sa position d’autorité, pour percevoir la demande du jeune, décoder ses réactions et être plus disponible à son égard.[67].
Dans notre exemple il doit rester vigilant quelle que soit la nature du transfert, positif ou négatif[68]. Il ne doit ni s’identifier à ce qui se joue ni agir comme s’il était réellement la cause des débordements émotionnels de l’apprenant. Autrement dit éviter lecontre-transfert
Le contre-transfert désigne l’ensemble des réponses émotionnelles et affectives de l’enseignant aux transferts des apprenants sur sa personne .Dans ce cas l’enseignant est Trop rivé sur ses propres blessures, ce qui rend difficile de trouver des solutions professionnelles adaptées. L’enseignant ,dans son rôle de passeur, est tenu de rester engagé par sa présence, de poser les limites et de rappeler l’interdit tout en refusant les jeux de séduction ou les rapports de forces .
Agir pour déplacer peu à peu les sentiments réactualisés dans la relation pédagogique et canaliser cette énergie et la déplacer sur d’autres objets qui favorisent le développement intellectuel de l’apprenant, est le geste éducatif qui servira d’appui pour qu’il arrive à dépasser sa difficulté et continuer à avancer. L’enseignant dans sa posture d’adulte doit trouver une juste distance : ni trop proche ni trop loin, mais toujours respectueuse toujours de l’apprenant.
Que l’enseignant exige le respect c’est une évidence, mais pour être respecté il doit être respectueux et il ne peut l’être sans reconnaitre la résistance de l’apprenant comme nécessaire pour grandir et se confronter à un ordre social[69].
Percevoir l’apprenant comme une personne, accepter sa résistance sans l’interpréter comme un échec personnel ou un signe d’impuissance[70] est un positionnement d’adulte responsable[71].
En plus d’être un droit du futur citoyen, ce «non» si important dans la psychogénèse du jeune[72], représente aussi une occasion qui évite à l’enseignant le piège de tester son autorité à la capacité de soumettre ses élèves, s’autorisant ainsi à être sous leur emprise car dépendant d’eux pour se sentir bien.
Une autorité fondée sur la domination-soumission (autoritarisme) rend celui qui l’exerce très vulnérable. Elle est le masque de la peur qui l’amène à fonctionner de manière dogmatique ne pouvant reconnaitre que l’apprenant a des raisons valables pour être ce qu’il est.
Bien accueilli par l’enseignant, le conflit empêche son agressivité de s’éveiller. Non régulée par un travail sur soi, cette agressivité peut se retourner contre le jeune (répression) ou encore contre l’enseignant lui-même (dépression).
Quand l’enseignant ne peut se déplacer pour regarder avec son élève dans la même direction, l’autorité éducative manque à sa tâche d’accompagner le jeune dans la construction et l’usage du «je» conscient de soi et responsable. Ce je est indispensable à la reconnaissance du «tu» et de la construction du «nous».
Transmettre, cadrer les élèves à se positionner, à risquer le «non» et conduire ceux qui résistent aux apprentissages comme ceux qui y collaborent vers plus d’autonomie est le devoir de toute autorité éducative qui se veut légitime
Il reste une question qu’on ne peut omettre de poser : est-ce qu’une autorité éducative légitime est envisageable sans promesse tenue?
La réponse est qu’une autorité éducative se base structurellement sur le projet que la société a pour sa jeunesse. Sans ce projet la société n’est ni dans la capacité d’accueillir sa jeunesse ni de conférer à ses enseignants une autorité qui autorise et engage à réussir[73]. La perte de crédibilité de l’école comme instance de promotion sociale, amplifie chez les jeunes le sentiment d’avoir été trompés. Bien que nos enseignants continuent d’affirmer «travaillez et vous réussirez», un nombre grandissant d’élèves n’y croient vraiment pas. Dans le contexte où ils vivent, rien ne peut le prouver. Sans projet mobilisateur la révolution tunisienne s’est trouvée dans l’incapacité d’empêcher les jeunes de succomber à l’emprise des groupes djihadiste .Le temps est venu pour agir autrement.
Conclusion :
Le présent document s’est attaché à montrer que l’éducation scolaire est une voie à emprunter dans la lutte contre l’emprise djihadiste .Il n’a pas pour vocation d’épuiser le sujet mais, offre une réflexion pour saisir cet apport fondamental.
Dans ce modeste travail, une évidence s’est imposée : ce qui est mis en œuvre dans l’école tunisienne, ne permet plus aujourd’hui de guider les élèves dans le sens d’une réussite scolaire qui se continue dans une réussite professionnelle et sociale, d’où le rejet de l’école et de son autorité. Le vide laissé s’est vite transformé en un lieu pour la naissance d’une radicalité mortifère et le développement des groupes djihadistes .Ceux-ci, à l’image des « Ogres » mythiques et des « joueurs de flûte », sont d’autant plus dangereux qu’ils charment d’abord leurs victimes.
Dans la tentative de dévoiler l’autorité éducative comme atout dans l’apprentissage de la contestation des formes d’autorité aliénantes, mon approche a conduit dans une première partie à envisager la relation d’autorité éducative comme un système relationnel dynamique, donnant une place à celui sur lequel elle s’exerce.
Passant entre les deux écueils de l’autoritarisme et de la permissivité, l’autorité éducative se construit au service de sa propre disparition : elle rend autonome.
La deuxième partie a été l’occasion de montrer que, face à l’emprise djihadiste, le défi à relever dans le système éducatif tunisien est de «transmettre et émanciper » en même temps pour construire de l’unité et permettre d’exister en tant que sujet.
Dans ce métier ardu, le rôle de l’enseignant comme éveilleur des esprits est considérable. La mobilisation de son autorité sur les objectifs récapitulés ci-dessous n’est qu’une infime partie d’un chantier plus vaste :
-Poser les limites, initier l’entrée progressive dans la réflexion, sont des moyens pour aider l’apprenant à sortir de son égocentrisme infantile pour se confronter à l’altérité.
-Engager l’apprenant dans des processus évaluatifs et autocorrectifs, c’est lui donner la possibilité de parvenir graduellement à penser par « soi-même », à s’interroger sur la pertinence de ses idées et de ses actes et de devenir un « je » capable de résister aux stratégies manipulatoires de toute autorité – emprise.
-Instaurer des rituels éducatifs formateurs, structurants et signifiants est essentiel pour se dégager progressivement de la socialisation primaire, s’engager dans un collectif apprenant, s’approprier progressivement les multiples formes de civilité et appréhender le pouvoir libérateur de la loi.
-Constituer des groupes de travail ne reconnaissant que les affinités du collectif,c’est constituer un espace de responsabilisation éveillant chez l’apprenant la préoccupation du Bien commun et admettre l’intérêt d’apprendre avec l’autre.Ce « faire ensemble » est primordial pour « se réaliser ensemble » et « vivre ensemble ».
-Rencontrer la loi dans un cadre scolaire contenant et ferme, c’est rencontrer des adultes qui l’énoncent, la font respecter et n’hésitent pas à sanctionner et à demander réparation en cas de transgression. Dans cet espace hors menace, l’appropriation progressive des multiples formes de civilité et la perception du pouvoir libérateur de la loi sont aussi capitales, pour empêcher les jeunes de se précipiter dans une appartenance-enfermement où la socialité est réduite à l’emprise ou anéantie par la violence.
-Donner aux jeunes tunisiens des éducateurs qui pratiquent les vertus propres au travail intellectuel, capables d’être et rester maître d’eux-mêmes, engagés à mieux accepter la résistance des apprenants et à gérer leurs éventuels débordements émotionnels, est indispensable pour amener ces jeunes à trouver l’autorité en eux même et les préparer à leur futur « métier de citoyen » apte à contester toute forme d’emprise .
A ce niveau de la réflexion s’impose la question lancinante du « comment faire ? » Cette question préoccupe non seulement les novices sans connaissances pratiques, mais aussi les enseignants expérimentés qui déclarent souffrir dans l’exercice de leur métier.
La souffrance psychique est certes une composante essentielle du métier d’enseignant, la négliger ou la réduire à l’incompétence, (comme c’est le cas actuellement) diminue la capacité d’agir. L’autorité de l’enseignant est un « art de faire » qui exige une formation initiale soutenue par une formation continue focalisée non seulement sur les savoirs utiles à la maitrise didactique, mais aussi sur des thèmes relevant de la psychologie de l’enfant et de l’adolescent, de la communication , de la gestion des conflits, et sur d’autres compétences aidant à retrouver une véritable posture d’enseignant qui éprouve du plaisir à exercer son métier .
En outre, faire l’expérience d’un lieu où il est possible de parler et de se dégager de ses émotions est, sans aucun doute, profitable pour faire entrer cette souffrance dans la signification et penser avec d’autres ce « métier de lien ».
Il n’est point d’autorité, quelle que soit sa nature, dont l’exercice ne soit plus ou moins impacté par un contexte, une situation ou un cadre .Or, rien (ou peu ) n’est dit des climats et des conditions pratiques d’exercice de l’autorité éducative.
Allant à contre-courant, l’enseignant se trouve confronté à des difficultés que l’école, qui est loin de se trouver en situation de monopole, n’est pas en mesure de juguler. C’est un sujet vaste, je me limite ici à soulever quelques interrogations :
Est-ce facile pour un enseignant d’exercer son autorité, de mettre les élèves au travail et d’imposer le respect du règlement, quand dans la société règne une fascination pour le consumérisme et les « succès » faciles, s’exprime ouvertement une sympathie vis à vis la débrouille au moindre coût et se constate au quotidien l’impunité des arnaques et des escroqueries ?
Est-il possible pour l’enseignant (surtout novice) de s’affirmer quand des parents mécontents s’en prennent à lui? Peut-il légitimer sérieusement et durablement son autorité quand le système éducatif tombe dans la routine, perd son pouvoir de changer la société, génère des déceptions et des promesses non tenues et devient otage de la superpuissance des syndicats ?
Est-il aisé pour l’enseignant de faire preuve d’autorité quand, non seulement le simple citoyen n’accorde aucune attention aux lieux du Savoir, mais les autorités elles-mêmes, semblent totalement indifférentes à la dégradation de l’infrastructure scolaire dans plusieurs régions du pays ?
Il est clair que l’exercice de l’autorité éducative ne va pas de soi surtout en ce temps du numérique, tendant à abolir la verticalité et à compromettre la mission de l’école dans l’acquisition de la pensée critique.
Que la suspicion s’est installée entre la famille tunisienne et l’école, c’est un fait qu’on ne peut plus nier. Des parents, de plus en plus inquiets du rendement de l’école, n’ont plus confiance dans l’enseignement public. Plusieurs facteurs[74] ont terni l’image des enseignants .Les divers épisodes de violences à leur encontre en disent long sur la dégradation de leur image et celle de l’école publique. Avec l’avènement du Covid19 les inquiétudes du corps enseignant et des parents se multiplient. L’absence de structures d’encadrement du temps libre consécutif au nouveau rythme des cours (un jour sur deux) ne fait qu’amplifier davantage le phénomène de violence scolaire. Les élèves apprennent également à fumer et à consommer des drogues [75]
L’enseignement privé, qui était auparavant considéré comme refuge des élèves en échec scolaire, se présente aujourd’hui comme alternative que tout bon parent doit offrir à ses enfants au prix de lourds sacrifices. L’engouement pour le privé n’est pas sans risques. C’est pourquoi il est du devoir de l’État de conserver le pouvoir en matière éducative.
Pour que la lutte contre l’emprise djihadiste ne se transforme pas avec le temps en un vœu pieux, un engagement collectif pour faire autrement ce qu’on fait et une prise de responsabilité à l’égard du futur, sont plus qu’urgents.
Certes, l’école en tant que vecteur de socialisation, d’apprentissage et de transmission de valeurs communes, doit constituer un rempart contre tous les extrémismes. Mais on ne peut faire peser sur l’école toute la responsabilité de cette tâche. En fait, l’éducation est un enjeu de société, l’enjeu citoyen par excellence. La société toute entière est concernée.
De même l’exercice d’une autorité éducative n’est pas la responsabilité de l’enseignant à lui seul .Elle doit être une autorité distribuée .Chacun est appelé à s’impliquer et à prendre ses responsabilités.
Les parents sont nombreux à se trouver dans une posture de méconnaissance des médias sociaux ce qui entrave fondamentalement leur rôle éducatif. Sensibiliser les parents aux risques des réseaux sociaux et les informer sur le sujet du numérique est crucial pour l’accompagnement de leur progéniture et sa protection de la propagande terroriste. Les agressions qui guettent les enfants en permanences par le biais de ces médias les plongent dans les peur et les angoisses du monde adulte avec tous les effets néfastes sur leurs psychismes.
Eduquer les jeunes aux médias et faire émerger des initiatives d’exploitation éducative de ceux-ci est indispensable dans la lutte contre le phénomène d’emprise djihadiste. Le jeune tunisien doit être capable de comprendre et de s’approprier l’environnement médiatique dans lequel il évolue et apte à adopter une attitude critique face à la masse d’informations et de contenus auxquels il a accès.
L’idéalisme , la créativité et l’énergie des jeunes doivent être mis à profit pour en faire le meilleur allié dans un combat qui ne fait que commencer mais encore, faut-il que le pouvoir politique s’y inscrive de façon claire et assumée ,avec des outils de travail de grande qualité, des écoles de la deuxième chance et un principe structurant « pas un seul jeune tunisien sans formation ni emploi». L’exclusion, quelle que soit sa forme, ne serait que suicidaire pour la société elle -même.
- [1] A nos frontières, la Libye est désormais la nouvelle destination des combattants de l’organisation terroriste Daech .Ils fuient les zones de conflit en Syrie, en Irak, en Somalie et au Sahel. Parmi eux figure un grand nombre de tunisiens↩
- [2] Terme de Philippe Meirieu dont les travaux très instructifs ont inspiré le choix du sujet de cet article. ↩
- [3] « Nouvelles formes de religiosité et radicalisation violente des jeunes tunisiens »
[en ligne] https://gric-international.org/2019/approfondir-le-dialogue/nouvelles-formes-de-religiosite-et-radicalisation- violente-des-jeunes-tunisiens-par-lajmi-chabchoub-samia-gric-tunis/ ↩
- [4] Voir Merieu Philippe, Pédagogie : le devoir de résister– 10 ans après !, ESF 2018↩
- [5] Voir Merieu Philippe, Pédagogie : le devoir de résister– 10 ans après !, ESF 2018↩
- [6] « L’éducation est l’action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l’enfant un certain nombre d’états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné » Durkheim Émile ,Éducation et sociologie, PUF. 1989, p. 51.↩
- [7] voir Drouin-Hans Anne –Marie, L’éducation au cœur de l’autorité, Le Télématique2009/1,n°35,p.p 41.48.↩
- [8] Reboul Olivier, Qu’est-ce qu’apprendre ? Pour une philosophie de l’enseignement, PUF, 2010, p 134.↩
- [9] Voir Marcelli Daniel, l’enfant chef de famille, Essai (Poche), 2006.↩
- [10] Voir Beretti Marie, « L’autorité à l’école : entre enseignants et élèves, une norme relationnelle ? » [en ligne] http://journals.openedition.org/ree/1212↩
- [11] Voir Robbes Bruno, L’autorité éducative, la construire, l’exercer, coll Repères pour agir ,2014. ↩
- [12] Robbes Bruno, L’autorité de l’enseignant comme savoir d’action, nouvelle prévention des violences en milieu scolaire, in Revue de recherches en éducation n°37/ 2006 P115↩
- [13] Voir Prairat Eirick, L’autorité éducative au risque de la modernité, in Recherche et formation n°71, aout 2012, p13-28.↩
- [14] Robbes, Bruno , Les trois conceptions actuelles de l’autorité, in Cahiers pédagogiques [en ligne] http://www.cahiers-pedagogiques.com/spip.php?article2283↩
- [15] Robbes, Bruno, Se défaire de l’autoritaire, in L’autorité. Paris : Cahiers pédagogique, n°426, Septembre 2004.↩
- [16] Pour savoir plus sur la question de l’asymétrie/symétrie, voir Robbes Bruno, L’autorité enseignante Approche clinique, ed Champs social, 2016, chap2. ↩
- [17] Voir Marcelli, Daniel& Prairat Eric L’autorité éducative : fondements, enjeux et perspectives. [en ligne] http://h.20-bal.com/law/724/index.html↩
- [18] Robbes Bruno, Pour y voir clair à propos de l’autorité. [en ligne] http://39.snuipp.fr/IMG/pdf/Pour_y_voir_plus_clair_a_propos_de_l_autorite_-janvier_2018.pdf↩
- [19] Gauchet Marcel& Ottavio Dominique, Blais Marie-Claude Condition de l’éducation, Stock,2008p156.↩
- [20] LebrunBernard, Autorité de l’enseignant, autonomie de l’élève, Les cahiers EPS, n°38, Juin 2008.↩
- [21] Hannah Arendt, La Crise de la culture, Folio, 2001, p. 140 ↩
- [22] Ce thème sera largement développé dans la deuxième partie de ce travail.↩
- [23] René Roussillon. Choix d’un référentiel théorique : réalité psychique et métapsychologique, in Manuel de psychologie et de psychopathologie clinique générale, Elsevier Masson ,3ème éd, 2018, p14.↩
- [24] Voir Meirieu Philippe , le monde n’est pas un jouet, Desclée de Brouwer,2004 ,partie 2.↩
- [25] Carel André, « Le processus d’autorité », Revue française de psychanalyse, 2002/1, vol 66, p33.↩
- [26] Pour plus de détails, voir -Marcelli D, L’enfant chef de la famille, l’autorité de l’infantile, Albin Michel, 2003.↩
- [27] Gauchet L’école à l’école d’elle-même, in Le Débat n°37 Mai 1985 p.p55-86. ↩
- [28] Vigotski lev, Pensée et langage, Edition La Dispute 2003 p. 356.↩
- [29] Parmi les phénomènes qui sont venus miner le système éducatif, les cours particuliers qui progressivement ont évolué dans une démarche clientéliste produisant des apprenants passifs ↩
- [30] Je cible dans ce travail l’autonomie intellectuelle et morale : la capacité des élèves à penser seul, à utiliser ce qu’ils ont appris et à faire preuve d’esprit critique ↩
- [31] Voir Alain, Propos sur l’éducation, P.U.F, 1986.↩
- [32] Voir Haché Étienne, Comment concilier autorité et liberté ? Au sujet de la crise de l’éducation vue par Hannah Arendt.,in Revue Laval théologique et philosophique, 61 (1), 21–62. ↩
- [33] entendue comme une organisation cognitive produisant des généralisations abusives, formée de croyances résistantes à toute remise en question. ↩
- [34] Tozzi Michel, Nouvelles pratiques philosophiques. Répondre à une demande sociale et scolaire Chroniques sociales2012 p261. ↩
- [35] Voir Connac Sylvain, Pensée critique ou pensée réflexive ?,in Revue Diotime, n°77 juillet 2018.↩
- [36] Voir Favre Daniel, Conception de l’erreur et rupture épistémologique ?,in Revue française de pédagogie,
n°111, Avril-Mai-Juin1995, pp85-94 ↩
- [37] L’erreur a toute sa place dans les processus d’apprentissage: « erreurs reconnues, erreurs rectifiées, vérité
conquises ». Voir Gaston Bachelard , La formation de l’esprit scientifique, Vrin, 1971.↩
- [38] Decret n° 2437 du 19 octobre 2004 relatif à l’organisation de la vie scolaire.↩
- [39] L’article 8 de la loi d’orientation énumère et confirme l’importance de certaines normes et valeurs que l’école est appelée à développer chez les élèves ‘’ respect des bonnes mœurs et des règles de bonne conduite, et au sens de la responsabilité et de l’initiative », ainsi que de « développer (leur) sens civique (…) ; les éduquer aux valeurs de citoyenneté les préparer à prendre part à la consolidation des assises d’une société solidaire fondée sur la justice » Selon cet article, la fonction de l’école consiste donc à « développer la personnalité de l’individu dans toutes ses dimensions’’ . Ce développement personnel devrait contribuer à préparer l’élève aux différentes formes de participation dans l’espace scolaire, en vue de son futur rôle de citoyen’’. A ce propos, les articles 5 et 15 dudit décret définissent les dispositifs et le fonctionnement de cette participation : il s’agit d’exercer son droit de choisir ses représentants, de siéger dans les structures représentatives et de participer à de participer à l’élaboration de projets touchant à son espace scolaire.↩
- [40] voir Ali Hammam, Education et cohésion sociale en Tunisie, in African Sociological Review n° 16 ,fevrier 2012.↩
- [41] L’anthropologie comme la sociologie nous enseignent qu’il ne peut y avoir de société ni d’institution sans rituels .Les rituels traduisent ce qui unit pour « faire société » et instituent concrètement « ce qui fait tenir les humains ensemble ».↩
- [42] Marchive Aain, Le rituel, la règle et les savoirs, in Ethnologie francaise, 2007/4(vol 37), p.p597-604.↩
- [43] Meirieu Philippe ,Quels rituels pour aujourd’hui ? ,in dossier A l’école ,ces entre-temps pleins d’apprentissages,
Animation §Education, Novembre-Décembre2018n°267 PP14-15 . ↩
- [44] Christophe Wulf Le rituel : formation sociale de l’individu et de la communauté ,in Revue de recherches en éducation,2003,n°3p69. ↩
- [45] Cette attribution de place fait courir le risque d’assigner les apprenants à des places étroitement définis, d’où
l’importance d’occuper ces places de manière tournante.↩
- [46] Voir Dumas Catherine, Construire des rituels à la maternelle, .Retz ,2009.↩
- [47] Philippe Meirieu, Quelle autorité pour quelle éducation ? [en ligne] https://www.crefe38.fr/IMG/pdf/Meirieu_autorite_2005.pdf ↩
- [48] Durkheim Emile, L’éducation morale ,(version électronique) p162.
[En ligne] http://s565272296.onlinehome.us/bibliotheque/DURKHEIM/L’Education%20Morale.doc,↩
- [49] Le conflit sociocognitif est un mécanisme de la construction cognitive qui se déclenche quand il y a un conflit de réponses lors d’une interaction sociale avec un partenaire en présence de pairs↩
- [50] Voir Doise Willem & Mugny Gabriel, Psychologie sociale et développement cognitif, Armand Colin.1997 ↩
- [51] Voir, Perrenoud, Philippe, Qu’est-ce qu’apprendre ?Enfance & Psy, n° 24,2004, 9-17.↩
- [52] Responsabiliser l’apprenant c’est le rendre capable de tenir ses engagements au sein du groupe. Ceci s’apprend par une participation active à la bonne marche et à la réalisation de la tache collective↩
- [53] Meirieu Philippe, Des rituels, oui… mais lesquels ?,in Revue Du SIA, n°1,Janvier2015, p13.↩
- [54] Ginet Dominique, L’école en tant que « cadre » pour les élèves et les professeurs, in Obin, J.-P. Enseigner, un métier pour demain. Rapport au ministre de l’Education Nationale. La Documentation Française.2002 p187.↩
- [55] GINET Dominique parle du processus psychique inconscient de la recherche d’un manque .↩
- [56] Voir Ginet Dominique. Pour mettre enfin l’affect à sa place !, In La dimension affective dans l’apprentissage et la formation, sous la direction de Georges Chappaz, Équipe Hermès, Université de Provence, Aix-Marseille, 2000. ↩
- [57] la mise en œuvre des sanctions nécessite ,selon Prairat, justice, graduation, contextualisation, conscientisation et proportionnalité. Pour savoir plus sur la sanction éducative, voir Prairat Erick ,La sanction en éducation, Que sais –je ?, puf ,2011. ↩
- [58] Prairat ,ibid.↩
- [59] Prairat Eirick .Penser la sanction, in Revue française de pédagogie, n°127, avril-mai-juin 1999, p113.↩
- [60] Philippe Meirieu .L’École est obligatoire, mais l’apprentissage ne se décrète pas. https://digital-learning-academy.com/philippe-meirieu-lecole-obligatoire-lapprentissage-ne-se-decrete/↩
- [61] Reboul Olivier. Devenir adulte ? [en ligne] http://agora.qc.ca/documents/ladulte_mythe_ou_realite ↩
- [62] ibid.↩
- [63] Voir Postic Marcel. La relation éducative, puf ,1990 .↩
- [64] Imbert Francis, L’inconscient dans la classe : Transferts et contre-transferts, ESF ,2005.↩
- [65] Voir Cifali Mireille .Le lien éducatif :Contre-jour psychanalytique , puf , 2005,chap7et chap8.↩
- [66] Dans la classe, amour, haine, agression, violence ou attachement, sympathie ne peuvent pas être dans tous les cas des phénomènes transférentiels.↩
- [67] Marcel Postic, op.cit, p 221↩
- [68] Un transfert positif induit un excès d’amour la personne de l’enseignant .Elle est désirable, non pour elle-même, mais
pour ce qu’elle apporte et pour ce à quoi elle renvoie ↩
- [69] Hélou Christophe Résister pour exister : le défi des élèves, in EDUCATION ET SOCIETE, n° 25 2010 /1 , p.p51 -63.↩
- [70] Ce « non » ne porte ni sur le choix du programme, ni sur celui des enseignants, ou des autres élèves, ou des horaires, ou de l’établissement parce que tout cela lui est imposé.↩
- [71] Généralement quand le « non » est accueilli sereinement, tout en l’assortissant des inconvénients que ce choix représente
pour l’élève, l’élève se remettra au travail un peu plus tard.↩
- [72] Bien que l’école doit contribuer à la formation du citoyen tunisien, il n’y a pas de cadre légitime à l’école où l’élève pourrait dire « non »↩
- [73] Voir Meirieu Philippe Crise de l’autorité, Reconstruire la promesse scolaire, in Autorité et force du dire ,Sous la direction de Kostas Nassikas ,puf ,2016 ,p.p63-90 . ↩
- [74] Parmi ces facteurs l’introduction en masse des cours particuliers, la baisse du niveau de certains enseignants n’ayant pas sciemment choisi ce métier et l’intégration des suppléants pour des raisons plutôt sociales et politiques que pédagogiques.↩
- [75] La presse tunisienne ne cesse de signaler l’amplification du phénomène autour des lycées. Voir Sabrine Ahmed, Violence devant les établissements scolaires :un phénomène qui se banalise,
[en ligne], https://lapresse.tn/74657/violence-devant-les-etablissements-scolaires-un-phenomene-qui-se- banalise/↩