L’abrogation, qui consiste à remplacer ou annuler des lois ou pratiques antérieures, est un concept présent dans les trois religions monothéistes. Cependant, sa manifestation diffère d’une religion à l’autre, principalement en raison de la nature distincte de leurs textes fondateurs et de l’interprétation qui en est faite. Les conceptions du « texte sacré » dans les trois religions monothéistes présentent des nuances théologiques et herméneutiques propres à chacune, reflétant leur évolution historique distincte.
En train de feuilleter : herméneutique
Il ne faut pas réduire le récit de Noé au seul récit du Déluge. Ce n’est, en fait, qu’un épisode qui se situe au cœur d’un cycle plus large qui concerne Noé et qui couvre les chapitres 5 à 10 de la Genèse voire jusqu’au chapitre 12 si l’on suit la tradition juive (qui intègre le récit de Babel et la généalogie de Sem à Abraham). Nous proposons d’essayer de travailler le cycle de Noé globalement pour découvrir la place et la fonction particulière qu’il occupe, à savoir un véritable récit de « médiation » à l’articulation de plusieurs problématiques herméneutiques :
– articulation entre un récit babylonien préexistant et une intention théologique du ou des auteurs qui affrontent cette situation et confessent la présence et l’intervention de Dieu dans l’histoire (le Déluge comme figure de l’Exil, Noé comme figure de restauration et image d’un Dieu qui console de la malédiction de la terre, théologie de l’Alliance conclue avec l’humanité tout entière). Il est sans doute possible de comprendre ce récit comme une herméneutique théologique de la culture et de l’histoire portée par la question fondamentale : est-ce que Dieu intervient dans notre histoire ?
– articulation dans un récit mythologique unique de deux traditions théologiques différentes qui tentent d’appréhender le scandale du mal chacun de leur manière. Il est alors possible de relire le récit mythologique comme une herméneutique philosophique (et non plus théologique) de l’espérance : face au mal (moral autant que radical), que m’est-il permis d’espérer ?
– enfin, en choisissant le récit mythologique comme support d’une réflexion aussi bien théologique (comment Dieu intervient dans l’histoire ?) que philosophique (que m’est-il permis d’espérer ?), le cycle de Noé se trouve de facto à l’articulation d’une problématique herméneutique fondamentale entre « histoire » et « vérité ».