En dépit de la condamnation de la figuration par certains théologiens musulmans, le prophète Noé a été représenté sur des fixés sous-verre, des miniatures, des peintures de manuscrits anciens et des tableaux contemporains, œuvres d’artistes de tradition ou de culture musulmane. Cet article, largement illustré, donne un aperçu de la variété et de l’actualité de ces belles représentations.
En train de feuilleter : Noé
Noé ou prophète de la repentance, qui prêcha durant 950 ans, fut le premier à donner l’exemple de l’homme persévérant et patient dans les épreuves.
Dieu l’a envoyé pour appeler son peuple dépravé à abandonner l’idolâtrie (shirk en arabe) et lui rappeler la nécessité de vouer un culte sincère, reconnaissant l’unicité de Dieu dans Sa seigneurie et dans Son adoration après que la confusion et la perversion se soient insinuées parmi l’humanité. Ainsi commença la mission de Noé comme prophète réformateur et avertisseur.
Mais en dépit des siècles qui se sont écoulés et des progrès prodigieux qu’a connus l’humanité, l’homme n’a que peu changé en esprit. Ses dérives idolâtres, certes moins grossières que celles du peuple de Noé et plus « civilisées » peut-être, sont tout aussi dangereuses. Ainsi le message de Noé demeure d’une actualité brûlante.
Quelles sont donc les origines de l’idolâtrie? Quelles formes peut-elle revêtir dans les sociétés modernes? Pourquoi nous obstinons-nous dans une conduite trompeuse et irresponsable ?
Petite méditation d’ontologie divine : Dans Fuçûç al-hikam, Ibn Arabî consacre un chapitre à Noé. Cet ouvrage, connu en français sous le titre La Sagesse des Prophètes, est ardu, à la fois poétique et hermétique. C’est un véritable manuel d’initiation à la mystique musulmane, qui ne peut être résumé, mais demande à être médité.
Cet article rappelle les termes de l’Alliance entre Dieu et Noé et pose quelques questions en particulier : Quel sens peut-on donner au choix de l’arc en ciel comme signe de l’Alliance ? Quel est le Dieu de Noé ? Et si nous sommes tous fils de Noé, sommes-nous frères?
Dans la tradition catholique, un texte décrit la porte située sur le côté de l’arche (Gen. 6,16) qui s’ouvre pour laisser passer tous ceux qui ne devaient pas périr dans le déluge comme une préfiguration du côté ouvert du Christ en croix
Il ne faut pas réduire le récit de Noé au seul récit du Déluge. Ce n’est, en fait, qu’un épisode qui se situe au cœur d’un cycle plus large qui concerne Noé et qui couvre les chapitres 5 à 10 de la Genèse voire jusqu’au chapitre 12 si l’on suit la tradition juive (qui intègre le récit de Babel et la généalogie de Sem à Abraham). Nous proposons d’essayer de travailler le cycle de Noé globalement pour découvrir la place et la fonction particulière qu’il occupe, à savoir un véritable récit de « médiation » à l’articulation de plusieurs problématiques herméneutiques :
– articulation entre un récit babylonien préexistant et une intention théologique du ou des auteurs qui affrontent cette situation et confessent la présence et l’intervention de Dieu dans l’histoire (le Déluge comme figure de l’Exil, Noé comme figure de restauration et image d’un Dieu qui console de la malédiction de la terre, théologie de l’Alliance conclue avec l’humanité tout entière). Il est sans doute possible de comprendre ce récit comme une herméneutique théologique de la culture et de l’histoire portée par la question fondamentale : est-ce que Dieu intervient dans notre histoire ?
– articulation dans un récit mythologique unique de deux traditions théologiques différentes qui tentent d’appréhender le scandale du mal chacun de leur manière. Il est alors possible de relire le récit mythologique comme une herméneutique philosophique (et non plus théologique) de l’espérance : face au mal (moral autant que radical), que m’est-il permis d’espérer ?
– enfin, en choisissant le récit mythologique comme support d’une réflexion aussi bien théologique (comment Dieu intervient dans l’histoire ?) que philosophique (que m’est-il permis d’espérer ?), le cycle de Noé se trouve de facto à l’articulation d’une problématique herméneutique fondamentale entre « histoire » et « vérité ».
Comment lire l’épisode de Noé (Gn 6,1-9,17) aujourd’hui et comment le comprendre ?
Dans cette étude le choix a été fait de se laisser guider par un auteur ancien : Origène. Il est souvent considéré comme le Père de l’exégèse chrétienne tant son talent et sa richesse de pensée vont être fondateurs pour les commentaires de l’Écriture dans les siècles ultérieurs.
Après une rapide présentation d’Origène lui-même, l’auteur cherche à distinguer les niveaux de lecture qu’il opère en spécifiant à chaque fois les enjeux et les buts de ces interprétations . La richesse de la réflexion d’Origène et de son commentaire s’est déployée à travers une attention au texte interprété selon trois niveaux de lecture, excellente antidote à tout fondamentalisme ! La tradition chrétienne retiendra d’ailleurs jusqu’à nos jours la légitimité de cette pluralité d’approches, en les systématisant voire en les développant. Ainsi en plus des interprétations littérale, spirituelle et morale, exposées, une interprétation anagogique, c’est-à-dire visant les fins dernières, sera encore rajoutée parfois. L’auteur s’interroge aussi sur l’éventuelle actualité de telles lectures.
Lors des premières discussions sur Noé dans les traditions musulmanes et chrétiennes sont apparues des divergences sur l’interprétation des écritures : à quel genre littéraire appartient le récit de Noé ? Le personnage de Noé a-t-il existé ? Si oui, quel est le lien entre ce personnage historique et le texte ? Si non, quel est le sens de ce récit pour les rédacteurs du livre de la genèse et pour les lecteurs actuels de ce texte. Comment faut-il interpréter les différents éléments de ce récit : métaphoriquement ou comme points d’ancrage historiques ?
Comment interpréter la perversion du peuple avant le déluge : faut-il y voir, comme le fait spontanément l’islam, les conséquences d’une perversion du monothéisme voulu originellement par Dieu ? Ou bien faut-il y voir une réflexion plus générale sur la justice et le mal dans le monde, indépendamment de la question monothéiste, laquelle se serait posée plus tardivement ?
L’articulation entre l’appartenance à un peuple à qui Dieu s’est révélé de manière particulière et la conscience d’être inscrit dans un plan de Dieu plus large qui s’adresse à l’ensemble de l’humanité est fort complexe. La figure de Noé est une clef incontournable de cette articulation, puisque qu’elle représente symboliquement la première alliance avec l’humanité après la chute. Noé tient un rôle tout particulier, d’une part grâce à sa sainteté, d’autre part grâce à la première alliance conclue entre Dieu et l’humanité par son intermédiaire.
Il constitue donc pour la théologie chrétienne du pluralisme religieux un élément charnière.
Si la Bible contient un message universel et valable pour tous les temps, il nous appartient d’en faire une lecture nouvelle, adaptée aux réalités de notre époque. Au temps de Noé, la nature représentait une puissance terrible qui menaçait la vie de l’homme. De nos jours, l’homme a acquis une puissance technologique qui menace sérieusement la nature. Qu’est-ce que l’histoire de Noé peut nous dire concernant la relation entre Dieu, l’homme et la nature ?