Colloque des 2 et 3 mai 2014, au siège de la bibliothèque Nationale du Maroc à Rabat
Organisé par :Le collège des Bernardins, La fondation du Roi Abdul-Aziz-Casablanca et la bibliothèque nationale du Royaume du Maroc et avec la participation du GRIC
D’aucuns diront qu’il n’a jamais été autant question de dialogue des religions que depuis les tragiques évènements du 11 septembre 2001, que le sujet était devenu une sorte de rituel rhétorique récurrent propre au paysage international (médiatique, diplomatique et intellectuel) et qu’en fin de compte , tout cela n’aurait réduit nullement la tension ou la conflictualité qui marque les relations entre les adeptes des différentes traditions religieuses dans le monde contemporain.
A quoi servirait, donc, de tenir une rencontre supplémentaire sur le dialogue interreligieux ? Est –ce pour opposer, une nouvelle fois, aux prédicateurs d’un inéluctable choc planétaire des religions, la bonne parole des promoteurs professionnels des vertus d’un dialogue des religions qui, seul, saura dompter la sauvage mondialisation pour lui donner un visage humain ? Hans Küng n’a-t- il pas souligné, dès le début de son Projet d’éthique planétaire : « Pas de paix mondiale sans paix religieuse. Pas de paix religieuse sans dialogue entre les religions »1 ?
Le colloque de Rabat souhaite s’inscrire toutefois dans une direction différente :
– Elle consiste, en premier lieu, à poursuivre le travail de fond et de longue haleine que représente le séminaire 2012-2013 du Collège des Bernardins, « un dialogue islamo-chrétien ? » qui, sur plus de deux années, a mobilisé des chercheurs chrétiens et musulmans œuvrant dans des champs disciplinaires divers, dans le but d’approfondir la réflexion sur les conditions théologiques, philosophiques, historiques et anthropologiques susceptibles de mettre les deux traditions religieuses (l’islam et le christianisme) en situation de dialogue profond, réciproque et sincère.
– En portant le débat sur la rive sud de la Méditerranée, le colloque ambitionne de saisir la problématique du dialogue interreligieux dans toute sa complexité, à commencer par le questionnement critique des prémisses essentialistes des deux postures signalées plus haut : d’un côté, celle qui voit dans les religions, du seul fait de leur nature, des entités antagonistes condamnées à un perpétuel conflit. Et de l’autre, la posture théorique qui, tout en partageant la même conception essentialiste de la première, lui oppose la voie du dialoguedes religions comme condition d’une paix mondiale durable. Un telquestionnement suppose un examen critique de la vision monolithiqueet close des religions ; une prise en considération de leurs dynamismesinternes, de leurs identités plurielles et de la complexité des processusde modernisation et de sécularisation dans lesquels elles sont toutesengagées.
– Le colloque souhaite aussi faire le point sur un demi-siècle de dialogue interreligieux ; période durant laquelle se sont multipliées les initiatives musulmanes et chrétiennes émanant de divers milieux et instances (les autorités politiques et religieuses, les intellectuels ou chercheurs et les acteurs des sociétés civiles, etc.) Il s’agit de soumettre à une analyse lucide et sincère aussi bien les acquis et avancées que les échecs et entraves divers qui, d’un côté comme de l’autre revivifie les préjugés , attisent les peurs et provoquent une situation de tension dans laquelle certains voient surtout un « choc réciproque des ignorances ».
-Enfin le colloque de Rabat se veut surtout une fenêtre ouverte sur l’avenir, un pari sur la connaissance susceptible de faire triompher la « cause du dialogue ». Et pour sortir de l’aporie inhérente à tout dialogue interreligieux classique, que représente l’inévitable choc des vérités religieuses exclusives et absolues, le colloque analysera en profondeur les différentes dimensions du dialogue interreligieux. Les interventions porteront sur les aspects théologiques et philosophiques, mais aussi sur les dimensions historiques et anthropologiques, sans oublier l’analyse de l’impact des processus de modernisation et de mondialisation sur chacune des deux traditions religieuses chrétienne et musulmane.
A l’image de la traduction qui tisse les fils de circulation du sens entre les langues humaines, transformant ainsi le « désastre originel » de Babel en une bénédiction pour l’humanité une et plurielle2, le dialogue interreligieux, instruit par les savoirs modernes, serait ainsi cet effort (ijtihad) du cœur et de l’esprit qui rendrait possible l’horizon de compréhension et de fraternité humaine célébré notamment par le verset coranique : « Ô vous, les hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle. Nous vous avons constitués en peuples et en tribus pour que vous vous connaissiez entre vous »
Les intervenants seront :
-Abdelmajid Charfi Islamologue à l’Université de Tunis répondra à la question : Pourquoi parier sur le dialogue ?
-Fadi Daou Président de la Fondation Adyan, Beyrouth interrogera le dialogue islamo-chrétien dans le contexte des changements en cours dans le monde arabe
-Claude Geffré, Théologien français, ancien directeur de l’École biblique et archéologique de Jérusalem reviendra dans son intervention sur les thématiques développées dans son recueil intitulé « Le christianisme comme religion de l’Évangile ».
-Nayla Tabbara, Vice-Présidente de la Fondation Adyan, Beyrouth examinera une « Théologie renouvelée pour un renouveau du dialogue : la relation à l’autre dans l’enseignement du message coranique »
-Vincent Guibert, Théologien, Collège des Bernardins, Paris reviendra sur « Le séminaire de travail aux Bernardins au service du renouveau du dialogue islamo-chrétien : le point de vue d’un théologien catholique »
-Pascal Gollnisch, Directeur général de L’Œuvre d’Orient, Paris examinera « les dimensions historiques et anthropologiques du dialogue islamo-chrétien : Chrétiens et musulmans, compagnons de route au Proche-Orient »
-Amine Elias, Chercheur associé au Laboratoire CERHIO (Centre de recherches historiques de l’Ouest) – Le Mans, parlera du « Le Cénacle libanais (1946-1984) : un espace de dialogue islamo-chrétien Renouvelé »
– Abderrazaq Sayadi, Professeur à l’Université de Manouba, Tunis répondra à la question : Que devient le dialogue islamo-chrétien dans le contexte post-« printemps arabe » ?
– Abubaker Ahmed Bagader, Anthropologue et directeur des affaires culturelles et sociales, Organisation de la coopération islamique, Djedda rendra compte de « L’initiative d’Istanbul et les efforts de l’Observatoire de l’islamophobie et du dialogue interreligieux »
– Jean-Baptiste de Foucauld, Président de Démocratie et Spiritualité, Paris montrera que « Contribuer à des relations fécondes entre démocratie et spiritualité, est un enjeu pour les religions du Livre. »
– Mohamed Haddad, Islamologue et président de l’Observatoire arabe des religions et des libertés, Tunisie argumentera sur : « Le dialogue islamo-chrétien : une chance pour la modernisation »