Tata Kahenga Pontien, prêtre congolais, évoque l’histoire et les perspectives de dialogue islamo-chrétien dans son diocèse.
Introduction
Le 19 mars 2003, le diocèse de Kasongo, en République démocratique du Congo, célébrait, dans le contexte de la guerre, le premier centenaire de son évangélisation par des missionnaires d’Afrique (Pères Blancs), lesquels fondèrent en mars 1903 la première mission catholique (Sainte Pauline) à KASONGO – LAMBA située sur la rive droite du fleuve Congo.
Quarante années avant l’arrivée des premiers missionnaires catholiques, Kasongo était occupé par des Zanzibarites, arabisés de souche omanienne ou yéménite métissés, dont les pères avaient épousé des femmes autochtones de la côte orientale africaine et spécialement de Zanzibar. Ils pénétrèrent vers 1860 dans l’Est de l’actuelle République démocratique du Congo et bâtirent de grandes cités telles que : Kasongo, Kabambare, Nyangwe, Kisangoni, Ubundu et Lomami. Leur couleur noire facilitait leur intégration auprès des populations autochtones et leur mariage avec les femmes locales ajoutait un plus à leur implantation dans la région. Et les populations de cette région orientale du Congo furent ainsi engagées, de gré ou de force, dans un processus d’acculturation au sein d’une nouvelle Communauté dont la religion était l’islam et la langue le swahili, de souche bantoue mais intensément arabisée pour de nombreux termes de culture.
L’une des principales raisons qui poussèrent Mgr. Victor ROELENS, premier évêque du Vicariat Apostolique du Haut Congo, à envoyer des missionnaires pour fonder la mission de Kasongo, fut la lutte contre l’islam, sa civilisation et des diverses influences. Mais au terme du premier centenaire de l’évangélisation de l’Eglise particulière de Kasongo, tirant les leçons de l’expérience du passé et annonçant les priorités pastorales pour la seconde étape de l’évangélisation de Kasongo, l’actuel évêque de Kasongo, Mgr. Théophile KABOY écrivait ceci : « Le diocèse de Kasongo ne saurait vivre en ignorant l’islam du fait de l’importance numérique des musulmans qui sont majoritaires à Kasongo même et dans la partie sud, du fait aussi qu’au cours de l’histoire des rapports entre catholiques et musulmans ont connu des hauts et des bas et qu’aujourd’hui il s’est instauré un climat d’estime et de respect mutuel … Dans le souci pastoral du dialogue entre croyants et à l’exemple de Jean Paul II pour ses rencontres d’Assise, le diocèse de Kasongo aura à se pencher encore davantage sur la question de chercher « les clés » pour savoir, pour comprendre et pour vire avec l’islam »
Le présent travail répond à cette préoccupation pastorale de l’évêque de Kasongo. Bien de raisons nous ont poussés à nous y engager. Il y a tout d’abord la découverte de l’islam que l’étude de cette religion à l’ISTR nous a permis de faire. Il y a ensuite le constat des efforts menés par l’Eglise de France pour mieux connaître et mieux vivre avec la Communauté musulmane qui devient de plus en plus importante dans ce pays tout comme en Europe et en Amérique. Il y a enfin notre propre implication dans le vivre-ensemble entre chrétiens et musulmans au sein de notre terroir. En effet, prêtre du diocèse de Kasongo, nous sommes issu d’une famille musulmane convertie au catholicisme et qui a toujours vécu dans l’entente et le respect avec les autres membres de famille demeurés dans l’islam. Cette expérience familiale de tolérance et de cohabitation pacifique montre qu’il est possible de l’étendre à une échelle plus vaste. De nombreux chrétiens de Kasongo vivent avec des parents musulmans, se marient avec des musulmans, étudient dans des écoles où les musulmans sont parfois majoritaires, etc… Ce travail est par conséquent destiné aux diocésains de Kasongo : prêtres, religieux, religieuses et tous les chrétiens de ce diocèse qui vivent au quotidien avec les musulmans sans vraiment les connaître. Et il en est de même des musulmans. Permettre la connaissance mutuelle entre les fidèles de ces deux traditions religieuses c’est ouvrir une nouvelle page de l’histoire et favoriser la compréhension réciproque et le dialogue fructueux. Un tel contexte socio-religieux appelle l’Eglise concernée à s’interroger sur l’esprit évangélique qui doit la caractériser dans cette ère nouvelle post conciliaire où la mission se définit par l’écoute fraternelle de l’homme et du monde créé par Dieu ainsi que le dialogue avec les autres croyants, notamment ceux de l’islam.
Le présent travail veut s’articuler autour de trois principaux axes : L’axe rétrospectif qui consiste à mieux appréhender l’islam de Kasongo dans sa spécificité et ses rapports passés avec le christianisme ; L’axe de l’état actuel de l’islam : sa nouvelle vitalité, ses stratégies ainsi que l’attitude actuelle des évêques de Kasongo envers la communauté musulmane. Enfin, les deux éléments dicteront l’axe prospectif de la mission de l’Eglise à savoir comment construire des rapports interreligieux positifs et constructifs avec des personnes et des Communautés de diverses croyances, afin d’apprendre à se connaître et à s’enrichir les uns les autres, tout en obéissant à la vérité et en respectant la liberté religieuse de chacun.
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