par Chantal Vankalck, sœur missionnaire de Notre-Dame d’Afrique.
L’annonce du décès de l’archevêque émérite d’Alger, Monseigneur Henri Teissier, le 1er décembre à l’âge de 91 ans, dans sa ville natale de Lyon, a suscité une très vive émotion. Les témoignages de sympathie, d’amitié se sont manifestés de part et d’autre de la méditerranée et notamment de France et d’Algérie.
Ordonné prêtre pour le diocèse d’Alger en 1955 par Mgr Duval, il part étudier l’arabe durant deux ans au Caire à l’Institut dominicain d’études orientales (IDEO). De retour à Alger, il exerce un ministère paroissial à Belcourt, ainsi que la responsabilité des mouvements et des œuvres. Au moment de l’indépendance de l’Algérie, en 1962, il fait le choix de rester et de demander la nationalité algérienne, comme Mgr Duval. Celui-ci lui confie la charge du Centre d’études diocésain de langues et de pastorale, à Kouba ensuite aux « Glycines » dont il est le principal fondateur avec Mgr Claverie et le premier directeur. Il fut évêque d’Oran de 1972 à 1980, évêque coadjuteur du Cardinal Duval à Alger de 1980 à 1988, puis archevêque d’Alger jusqu’en 2008. Il a su stimuler avec ses frères évêques la réflexion théologique et pastorale de l’Église d’Algérie, avec notamment la publication, en 1979, du document « Le sens de nos rencontres ».
Monseigneur Henri Teissier a eu le souci d’apporter à l’Église universelle l’unique contribution du « petit troupeau » de l’Eglise d’Algérie dans ce qu’elle a de fragile, mais aussi dans ce qu’elle vit au quotidien en partageant la vie et le destin de ce peuple marqué par l’islam. Il a publié un livre en 1984 « L’Église dans la maison de l’islam », qui fait comprendre aux nouveaux arrivés quelle est la vocation spécifique de cette Eglise. De même à travers ses conférences, il désirait avant tout servir le dialogue entre les hommes et les femmes vivants sur les deux rives de la Méditerranée.
Fortement engagé au service du peuple algérien, Monseigneur Henri Teissier, lors des années noires, qui ont provoqué la mort de plus de 150 000 personnes, a accompagné en pasteur, chacun et chacune dans le choix de rester ou de partir lorsque la violence tue des religieuses, religieux, puis des frères de la communauté monastique de Tibhirine, et enfin son frère et ami Pierre Claverie, assassiné avec son chauffeur Mohammed.
Après sa retraite, il était ainsi resté vivre en Algérie, entre Alger et Tlemcen avec de multiples engagements. Depuis deux ans, il s’était établi à Lyon pour des raisons de santé, tout en effectuant des séjours périodiques à Alger. Il s’est aussi beaucoup investi pour obtenir la béatification des dix-neuf martyrs qui a eu lieu à Oran, le 8 décembre 2018, au sanctuaire de Notre-Dame de Santa Cruz.
C’est le samedi 5 décembre qu’a eu lieu en la cathédrale Saint Jean de Lyon, la messe de funérailles, au cours de laquelle plusieurs vibrants hommages lui on été rendus. Sa dépouille arriva le 8 décembre à Alger où une autre messe d’obsèques a eu lieu à la basilique Notre-Dame d’Afrique. Le 9 décembre après d’autres moments forts d’hommages et de recueillements, Mgr Henri Teissier a été inhumé au sein de la basilique Notre-Dame d’Afrique à côté du cardinal Léon-Etienne Duval.
Les témoignages qui ont été fait de lui, les hommages rendus sont nombreux et se superposent laissant entrevoir un homme qu’on pourrait qualifier d’exceptionnel, même si dans son humilité, sa modestie, il aime de se faire appeler tout simplement Père Teissier ou Henri pour les plus proches.
Voici quelques extraits sortis du livre d’or du Centre d’Études Diocésain :
« J’ai eu le bonheur de partager des moments avec lui en 2012 et je n’oublierai jamais tout ce qu’il m’a fait découvrir et partager. Je garde le souvenir d’un homme libre. »
« C’était un homme d’exception. Homme de foi, de partage et d’espérance. Comme nombre d’entre nous et depuis des années, j’ai eu souvent l’occasion d’apprécier sa vaste culture (y compris dans le domaine de la culture arabe, spécialiste de l’histoire de l’Emir Abdelkader et de Saint Augustin), sa curiosité intellectuelle toujours en éveil, son sens de l’échange toujours chaleureux. Sans oublier son sens de l’humour !
Et comment ne pas évoquer aussi son amour de l’Algérie. Une passion humaine et éthique qui l’a conduit à s’engager de manière courageuse et déterminée dans les grands combats de son pays d’adoption, avant et après l’indépendance. Ainsi, à sa manière, il a su perpétuer, avec persévérance, humilité et une grande intelligence humaniste, une certaine tradition de l’Église d’Algérie ».
« Nous venons de perdre un père, un frère et un ami dont la vie entière a été dédiée à l’amour et à la fraternité entre les Hommes. Les enfants de cette terre d’Algérie qu’il a aimée et dont il a adopté toutes les causes ne l’oublieront jamais….nous en faisons partie et nous sommes fiers d’avoir croisé son chemin.
Ses mots, ses rires et plaisanteries raisonnent dans nos mémoires et ont imprégné l’esprit du centre des Glycines, cette maison qui était la sienne et qui est la nôtre et dont il constitue l’âme ».
Il reste pour nous tous un exemple, un guide. D’une culture impressionnante, d’une grande intelligence et d’une mémoire sans faille, ces qualités s’accordaient avec une profonde humanité, une qualité de présence, de relation.
Il était un pasteur courageux, solidaire du peuple algérien, dont il avait pris la nationalité, en y apprenant ses langues, ses cultures, son histoire et en y tissant des liens de convivialité, d’amitié et des relations fraternelles.
Il était un authentique serviteur de la Rencontre, ainsi qu’un artisan respecté du dialogue interreligieux dans la fidélité à l’Évangile et au peuple algérien. Il était attentif à chacun, chacune, aux plus pauvres, comme aux plus érudits, sachant voir en l’autre son mystère intérieur. « L’autre est pour moi, disait le Père Teissier, le visage de Dieu. En accueillant l’autre, c’est Dieu lui-même que j’accueille. »
Comme le disait Mrg Paul Desfarges, actuel archevêque d’Alger, lors d’une de ses homélies : L’Eglise dont le Père Teissier fut le pasteur infatigable était et est toujours une Eglise marquée par la spiritualité de Nazareth, celle d’une présence humble, celle qui dit Dieu dans l’humain. Frère Charles et le Père Teissier nous ont guidé et nous guident sur ce chemin d’une Eglise de la rencontre fraternelle avec tous.