Fin avril 2008, un groupe d’étudiants du Certificat pour la Pastorale du dialogue Islamo-Chrétien à l’Institut Catholique de Paris s’est rendu en Algérie pendant dix jours pour rencontrer des chrétiens et des musulmans d’Algérie. En traversant tout le Nord et en rencontrant dans chaque grande villes (Oran, Tlemcen, Mascara, Alger, Tizi Ouzou, Bejaia, Constantine, Annaba) des chrétiens et musulmans engagés dans la reconstruction de l’Algérie après les dix années de guerre civile, le groupe est revenu avec une image extrêmement positive de l’Algérie, loin de celle souvent véhiculée dans les médias. L’Algérie est dynamique, le peuple y est très accueillant, heureux de recevoir de la visite. Les paysages entre mer et montagnes sont magnifiques
– La rencontre avec les responsables de l’Église et de nombreux chrétiens engagés ont aidé à comprendre la vocation spécifique de l’Église d’Algérie : une Église qui vit pour les Algériens qui partage avec le peuple les joies et les épreuves de son histoire : les années de construction du pays après l’indépendance, les difficultés économiques, l’épreuve des années noires de la guerre civile, et la reconstruction qui se fait progressivement.
L’Église, par sa dimension internationale, montre que dans un monde pluraliste, on peut vivre ensemble sans être d’accord sur tout. Elle tache d’être un signe d’ouverture pour le peuple confronté à la mondialisation et, comme d’autres, au risque du repli identitaire. C’est une Église de la rencontre : la rencontre y a une dimension quasi sacramentelle, au sens où l’Eglise croit que quelque chose de l’ordre du salut est en jeux : le témoignage d’un amour et d’un service désintéressé vécu au nom de Dieu. Elle cherche aussi à témoigner que dans les moments difficiles, il y a toujours l’espérance d’une renaissance voulue par Dieu. L’Église est peu visible, elle est petite, mais elle agit « comme un acuponcteur » dit Mgr Piroird, évêque de Constantine, « avec peu de moyens, elle agit sur le bien être du peuple entier ». Par son souci d’éveiller, de susciter la vie autour d’elle, elle a invité chacun d’entre nous à réfléchir sur la gratuité de nos engagements de foi, elle nous a encouragés à voir le meilleur de l’homme à chaque occasion, à nous en émerveiller, et à nous engager à nous mettre à son service pour répondre au quotidien à la responsabilité que Dieu nous confie de faire avancer son règne.
– La rencontre avec des économistes, sociologues ou anthropologues algériens ont aidé à mieux comprendre la situation de l’Algérie aujourd’hui : la démographie qui à triplé en 30 ans (33 millions aujourd’hui), une population très jeune, un taux d’urbanisation passé de 30% à 60% dans la même période. Alors qu’il y a 30 ans les filles étaient peu éduquées, elles sont aujourd’hui présentes dans la Magistrature, l’enseignement, la santé… jusqu’à un certain niveau. Les études constituent pour elles une garantie de liberté dans une société encore très marquée par une culture traditionnelle où les femmes doivent rester à la maison.
Économiquement, la hausse du pétrole a permis l’assainissement de l’économie algérienne. Le pays a même des réserves importantes. Des investissements sont faits de toute urgence pour construire des routes et des logements, mais la rapidité avec laquelle l’Algérie veut construire empêche le peuple Algérien d’y participer vraiment. Ce sont des entreprises étrangères qui travaillent, parfois en 3/8, Les retombées ne sont donc pas toujours assez forte pour l’économie du pays qui connaît un fort taux de chômage.
La mondialisation effrite le monolithisme État-Religion. Même si l’État n’est pas statutairement religieux, tout le monde a une appartenance culturelle et sociale musulmane. Le gouvernement essaie de sauvegarder cette identité. L’indépendance est encore toute récente et tout ce qui semble toucher au nationalisme ou à l’islam est vu comme une menace contre l’unité du peuple. D’où la très grande méfiance vis-à-vis des mouvements évangéliques. Le départ de nombreux intellectuels après les attentats donc beaucoup furent victimes dans la dernière décennie, n’aide pas à prendre le recul nécessaire.
– Le dialogue islamo-chrétien est d’abord un dialogue de vie avant d’être un dialogue organisé. Chrétiens et musulmans vivent ensemble au service du peuple algérien. De temps en temps, des représentants de l’Église sont invités ès qualité… par des institutions civiles ou religieuses et c’est important d’y être, mais la rencontre est surtout faite de petites choses vécues ensemble au quotidien. On parle peu de religion. Pour beaucoup de jeunes algériens qui n’ont pas connu d’étrangers, l’intérêt de la rencontre n’est pas spontanément évident. Il y a beaucoup de préliminaires à faire pour découvrir que l’Église est autre chose que l’image qu’en donnent souvent les médias. Les imams que nous avons rencontrés ont souligné l’importance de l’ouverture et du dialogue, surtout dans la période de reconstruction après les années noires. L’islam ne peut pas se vivre sans le respect de tout homme. Les membres de zaouïas, notamment à Annaba, ont pris le temps de bien nous accueillir et ont partagé avec nous leur désir de transmettre au peuple un souffle, une vitalité spirituelle qui permet à chaque musulman d’avancer avec confiance sur le chemin de Dieu avec le souci de l’autre.