Aujourd’hui, en ces premières années du XXI° siècle, le monde est marqué par la globalisation et affronté à la multiplicité des modèles proposées au public par les cultures, les médias et même les manuels scolaires. Dans un tel contexte, l’image du croyant est souvent déformée par la partialité, les préjugés et les clichés, mais de manière différente suivant les sociétés. Omniprésente dans certaines parties du monde – une omniprésence qui peut même être totalitaire -, elle est occultée ou estompée dans d’autres.
Aussi, chez certains, au nom du rationnel, la religion, point d’appui normal du croyant, est considérée comme un épiphénomène, voire perçue comme une non-valeur. Il en résulte chez un grand nombre de personnes, qu’elles appartiennent à des sociétés laïques ou non, les réactions que l’on sait : exclusion, agressivité, révolte, violence, condescendance… Parfois, pourtant, apparaît une pointe d’intérêt, du fait d’une perception renouvelée de la notion de religion. C’est que, même à l’heure de la globalisation, la question du croire reste présente, enracinée depuis les origines dans le coeur de l’homme et surgissant ex abrupto dans les débats de société.
Aussi, nous membres du GRIC (Groupe de Recherches Islamo-Chrétien), à Beyrouth, Paris, Rabat,Tunis et Barcelone [1], souhaitons partager une réflexion commune sur ce défi posé aux croyants : professer aujourd’hui, dans un monde pluriel, une foi enracinée au coeur même de la vie.
I. UN MONDE EN MUTATION RADICALE ET ACCELEREE
Constatons d’abord que, en ce début de troisième millénaire, le monde contemporain est en mutation radicale et accélérée dans un contexte de mondialisation.
I. 1 Le fort développement des moyens de communication
L’élément qui semble être à la fois la première cause et la première conséquence de ce fait[2] est le développement sans précédent des moyens de communication :
· rapidité des déplacements, généralisation du transport aérien, transports terrestres de plus en plus rapides, premier touriste de l’espace en 2001…
· extension des moyens de communication qui font éclater les frontières politiques et géographiques : la télévision par satellite, la généralisation des téléphones portables et le formidable développement d’Internet[3] permettant une communication peu onéreuse et difficilement régulable par une autorité politique quelconque.
Une telle situation a un impact considérable sur la vie en société.
I. 2 L’éthique et les sciences de la vie
Un deuxième élément de cette mutation radicale est la puissante avancée des sciences de la vie. Surgissent ainsi des problèmes de conscience inconnus des ères précédentes : statut des embryons surnuméraires issus des fécondations médicalement assistées, manipulations génétiques, clonage humain, mères porteuses… Des comités de bioéthique ont été constitués pour élaborer une sorte de code d’emploi des découvertes biologiques. Leur tâche est bien difficile. Certes, ils interpellent fréquemment les communautés scientifiques internationales et les pouvoirs politiques. Mais ils ne peuvent guère interdire, instaurer des moratoires ou limiter dans le monde entier l’essor de certaines recherches, face à l’existence de quelques manipulateurs sans scrupules, avides d’argent ou de gloire et prêts à jouer aux apprentis-sorciers. Les hommes sont donc, aujourd’hui, en mesure d’agir sur les lois du vivant, alors même qu’ils sont incapables de fixer d’un commun accord les règles de cette liberté nouvelle qui supposerait au p réalable une conception commune minimale de l’être humain.
I. 3 Les formes nouvelles d’expression de la religiosité
Autre caractéristique de notre époque, une crise fondamentale du religieux, en monde tant chrétien que musulman. La recherche d’une foi apportant des réponses claires et précises aux problèmes d’aujourd’hui amène les individus à s’investir dans de nouvelles formes de religiosité et à aspirer à une instrumentalisation de celle-ci.
Nous pouvons ainsi percevoir en monde musulman le surgissement de groupes religieux extrémistes prônant une identité combattante, dans une perspective politique.
Dans les sociétés occidentales d’origine chrétienne, beaucoup aspirent à une religion garantissant des valeurs, tout en refusant la contrainte d’un dogme et des obligations cultuelles. Ils sont ainsi tentés de se fabriquer leur propre religion à partir de ce qui est proposé.
Certains mêmes rejoignent des sectes, qui nous apparaissent comme des déviances de religions traditionnelles ou des fruits de réflexions fondées sur des réalités pseudo-scientifiques. Celles-ci se sont développées sur tous les continents et même dans les sociétés où les valeurs religieuses sont fortement ancrées. Jeunes et moins jeunes y trouvent un refuge contre le monde, une chaleur communautaire, une vie spirituelle simplifiée et un remède à leur désarroi existentiel au prix le plus souvent d’un renoncement à leur propre liberté de pensée, à un cheminement vraiment personnel et à une réelle autonomie de vie.
I. 4 Un déséquilibre croissant entre riches et pauvres
Dans le même temps, le fossé entre riches et pauvres continue à se creuser. Il peut s’expliquer par l’essor des multinationales, la mondialisation de l’économie et des rapports Nord-Sud et Est-Ouest en continuel déséquilibre. Mais il est clair que pour de nombreux pays, le problème n’est pas tant de bien communiquer, de faire de la recherche génétique ou de gérer un mal-être, que de ne pas mourir de faim, de soif ou de froid. Le colonialisme a laissé la place à une mainmise politico-économique des pays riches sur les pays pauvres, mainmise permettant aux riches de continuer à accroître leur pouvoir.
I. 5 Une réalité conflictuelle chaotique et violente
Ces dernières années ont été marquées par une réelle accélération de phénomènes politiques récurrents depuis le début du XX° siècle. A la période de la décolonisation et de la guerre froide a succédé une ère où la non-résolution de très vives tensions tant au Proche Orient qu’en Europe de l’Est, en Afrique, en Amérique centrale ou en Asie amène bien des peuples à s’enfermer dans une spirale de la violence sans autre issue que de faire grandir haine et refus de l’autre. Le sentiment de haine de nombreuses populations vis-à-vis des Etats-Unis en est une illustration parmi d’autres.
Une telle évolution n’est pas sans conséquence sur la vie des croyants. Elle peut être, en effet, source de solidarités ou d’antagonismes entre communautés croyantes, quels que soient leur histoire et leur contexte culturel.
II. « CROIRE » DANS LE VOCABULAIRE RELIGIEUX
Aussi est-il nécessaire au préalable de se rappeler quelques éléments de l’histoire des mots et de leur devenir lexical.
II. 1 En contexte biblique
Dans la Bible, il n’y a pas un vocabulaire religieux spécial pour la notion de « croire », ni dans la Bible en hébreu, ni dans la traduction grecque des Septante ou dans les livres écrits en grec. Le sens de certaines racines de la langue générale a été élargi pour dénoter aussi la notion de « croire ».
On trouve ainsi entre autres les racines bth, qui signifie “faire confiance”, et hsh, qui signifie “trouver refuge”. Mais la racine clef dans ce domaine sémantique est ’mn qui signifie au départ “être solide, soutenir” ; cela est par exemple dit de ce qu’une mère représente et fait pour son enfant. Les différentes formes de cette racine vont alors signifier – tant dans le domaine profane que religieux – “être sûr, faire confiance, croire, certitude, vérité, fidélité”. Cette racine n’est pas la plus utilisée dans la Bible hébraïque, mais c’est celle qui, par son sens originel assez large, a pu accommoder le mieux cet élargissement de sens pour couvrir ainsi tout le domaine de la foi. D’ailleurs la Septante, et plus tard le Nouveau Testament, ont exclusivement retenu en grec l’équivalent de l’hébreu ’mn pour rendre le domaine sémantique de “croire”, à savoir pistós et les mots qui lui sont apparentés : ’mn désigne “ce qui est solide, sûr, fiable”, pistós signifie “celui qui se fie à, qui croit”.
Ces éléments de philologie ne suffisent pas pour saisir le sens de “croire” dans la Bible : il faut situer les mots dans leur contexte, à savoir l’histoire des hommes faisant l’expérience de Dieu dans leur vie. L’initiative vient, bien sûr, de Dieu ; la réaction de l’homme est d’abord un mélange de crainte et de foi, avant que ne vienne la foi confiante. Cette histoire dans la Bible hébraïque – appelée Ancien Testament par les chrétiens – connaît trois événements fondateurs de l’acte de “croire” :
· l’appel adressé à Abraham avec l’invitation de tout quitter et de partir pour l’aventure de la foi ;
· la conclusion de l’alliance avec Moïse, au Mont Sinaï, quand Dieu dicta ses conditions pour ce rapport spécial et révéla sa Loi ;
· la promesse faite par Dieu à David et à toute sa descendance, dans une perspective messianique, quand l’humanité tout entière sera unie en adorant Dieu.
La réponse de la foi est avant tout obéissance – soumission de la volonté – et confiance – adhésion du coeur – ; avec le temps, surtout lors de la confrontation avec l’hellénisme, elle devient aussi adhésion de l’intellect, même si la compréhension intellectuelle reste difficile, voire insuffisante, devant le mystère. La foi est donc confiance en Dieu et obéissance à Dieu, et – en tant que confiance dans les promesses de Dieu – elle est proche de l’espérance.
Il s’agit d’une relation personnelle avec Dieu, d’abord en tant que groupe mais par la suite de plus en plus en tant qu’individus. Le lien avec l’alliance et ses lois fait que la foi s’exprime de manière spéciale à travers l’observance de la Torah.
Dans le Nouveau Testament, il y a continuité quant au vocabulaire grec utilisé. Il y a également continuité quant au contenu : appel, alliance et promesse qui demandent l’adhésion de tout l’homme – volonté, coeur et intellect – au Dieu qui s’est révélé, et cela dans une relation personnelle très marquée. La foi chrétienne implique en outre la foi en Jésus le Christ comme Messie et Sauveur, celui en qui les promesses sont accomplies bien que pas encore dans leur plénitude (le “déjà mais pas encore”). L’obéissance et la confiance d’un chrétien s’adressent ainsi aussi à lui, dans la foi et la confiance et selon son commandement de l’amour.
II. 2 En contexte coranique
Tournons-nous maintenant vers le texte coranique où la racine amana du terme īmān – foi en Dieu – connote l’idée d’être fidèle, d’avoir confiance, d’être pieux. De cette même racine amana dérivent des substantifs comme amānah (fidélité, loyauté) ou aman (sauvegarde accordée). Notons toutefois que dans le lexique coranique, īmān désigne tantôt l’acte de croire, tantôt le contenu de la foi, tantôt les deux ensemble. Rappelons aussi que le prophète Muhammad est surnommé al-amīn, c’est-à-dire quelqu’un de sûr et à qui on peut se fier ou à qui l’on peut confier une charge. De même, l’ange Gabriel est appelé amīn al-Wahī – celui qui a reçu la charge de la Révélation – et Dieu lui-même se voit désigné comme mu’min…
Pour un musulman, croire est une trajectoire dynamique qui se situe à trois niveaux :
· islām : c’est la proclamation de l’unicité divine et de la mission prophétique de Muhammad. Il s’agit donc d’une manifestation extérieure.
· l’īmān : ce niveau englobe la notion précédente et va même au-delà puisqu’il s’agit d’une adhésion volontaire et consciente qui se consolide avec les bonnes oeuvres.
· ihsān : il s’agit d’un dépassement de soi continuel, en se considérant toujours sous le regard de Dieu.
C’est donc une dynamique qui permet au musulman de fonder ses actes et d’agir en conséquence. C’est ainsi que l’accent est mis sur la précellence de la foi : le croyant vient honorer un pacte scellé entre Dieu et l’humanité depuis l’éternité.
II. 3 En contexte contemporain
Dans les pays francophones de tradition chrétienne, les termes du vocabulaire religieux courant, tels les mots croyant, foi et religion, sont reçus et compris avec toute l’histoire sémantique dont ils sont porteurs. Leur compréhension a évolué. Des nuances, fondamentales à l’origine, se sont estompées ; des significations marginales ou ambiguës ont pu être introduites et devenir premières… Aussi, peut-on constater que l’emploi du binôme croyant – incroyant, apte à identifier deux groupes sociaux bien définis, ne rend pas compte d’un troisième ensemble, à savoir celui des « mal-croyants » et des personne « en recherche » ou « en marge », désireuses de ne pas être inclues dans l’une ou l’autre des deux premières catégories.
Prenons maintenant le verbe croire. Dans le langage courant, je crois équivaut à je pense avec une nuance d’incertitude, exprimant le probable : « Je crois qu’il va pleuvoir ». Néanmoins, qu’il exprime une adhésion ou une connaissance assurée ou hésitante, le mot croire implique dans tous les cas non seulement une intervention personnelle de celui qui croit mais encore un investissement de sa subjectivité. Il peut aussi exprimer le crédit accordé à une personne : « Je te crois ». Il indique la confiance donnée à quelqu’un et témoigne d’une attitude humaine fondamentale, puisque l’on ne peut vivre sans faire crédit à certaines personnes.
Il reste que certains accusent la croyance d’être un enfermement et donc une corruption de l’individu par rapport à une aspiration première qui est la quête de soi et du Divin. Ces mêmes personnes ne veulent surtout pas s’enfermer dans un dogme car, pour eux, les voies de la spiritualité fleurissent de rencontres et de portes à ouvrir sur de nouveaux horizons. Ils parlent alors de l’acte de foi où l’homme oeuvre pour croire, laissant à son être les potentialités d’évoluer et à son regard la possibilité de se réorienter. L’acte de croire inscrit ainsi l’individu et l’objet de sa croyance dans le temps et dans un devenir.
D’ailleurs, à l’intérieur même du champ sémantique du croire, l’acception actuelle permet de déceler des résonances distinctes[4]. Le terme croyant – et surtout l’expression “les croyants” – prend une connotation statique. Ainsi “être croyant” apparaît comme un fait accompli, voire hérité, traînant derrière lui les séquelles de l’histoire, alors que croire est un processus dynamique (“work in progress”) et interactif. A première vue, nous pourrions penser que nous parlons de la même chose. Mais croire suppose que le doute soit installé quelque part. Il en résulte un travail et un effort pour vaincre le doute présent en soi – en l’autre – ou installé dans une relation. C’est donc une projection en avant de toute la substance de l’être pour asseoir ce en quoi l’on croit ou pour éviter sa perte.
Croire en Dieu ne se limite pas à croire que Dieu existe ou que Dieu a parlé à l’humanité. C’est aussi un mouvement vers Dieu où le vrai croyant apprend à s’abandonner pour se laisser atteindre existentiellement par la Parole vivante de Dieu avec toutes les conséquences qui vont en découler. Dans ce sens, on n’a jamais fini d’être croyant et de se laisser guérir de sa mal-croyance qui, parfois, est source de graves erreurs individuelles ou collectives, pouvant aller jusqu’à associer religion, violence et exclusion. Il est vrai qu’aujourd’hui, le Divin et l’humain sont trop souvent scandaleusement reniés. Ils sont écrasés sous le poids de la politique, de l’économie et des armes, parfois même au nom même des religions !
Or, pour nous, chrétiens et musulmans s’exprimant d’une seule voix, l’acte de croire est appelé à se renouveler sans cesse dans une quête incessante de soi et du Divin. Cela est d’autant plus urgent en ce début du troisième millénaire qu’un certain nombre d’entre nous se sentent, dans leur rapport au monde et à leur agir, plus proches d’agnostiques que de leur propres coreligionnaires. En outre, bien de nos contemporains ne peuvent plus croire suivant des formes de religiosité pratiquées dans le passé, en des siècles qui se voulaient religieux. Quelques-uns se posent même la question d’une foi sans religion, lieu d’une quête spirituelle et d’une relation intime entre le Créateur et la créature.
Aussi, face à toutes ces interrogations, nous, membres du GRIC, souhaitons faire part de notre regard de croyant sur cet aujourd’hui, avec une contribution enracinée dans notre expérience de vingt ans de dialogue, de recherche et de confrontation.
III UN DEFI POUR LE CROYANT
La situation dans laquelle nous vivons marque tous les croyants, comme l’ensemble des humains, quel que soit leur pays, et quels que soient les domaines de leur vie : social, économique, politique, culturel, religieux. Cette situation peut être pour le croyant aussi riche de possibilités que de risques. Aussi voulons-nous porter sur notre monde un regard délibérément positif, même s’il nous dérange. Nous voulons nous laisser interroger par ce temps présent, pour pouvoir l’interroger à notre tour, à partir de notre foi. Chacun des aspects positifs de cette situation, qui peut être une chance pour les croyants et une interrogation pour eux, peut également comporter des aspects dangereux, sur lesquels nous souhaitons attirer l’attention. La perception de ces risques ne nous fait pas remettre en question les aspects positifs, mais nous rend vigilants et nous invite à proposer à tous cette vigilance. Nous assistons à l’émergence d’un monde qui se voudrait universel à travers le partage des mêmes valeurs, des même s pratiques économiques, des mêmes institutions scientifiques, sociales et politiques. Tout cela crée un sentiment de proximité entre les nations et les peuples, même si, çà et là, se manifestent des résistances. C’est qu’une mutation aussi radicale a d’importantes conséquences sur la vie des six milliards d’habitants de la planète Terre[5]..
III. 1 Tradition et choix personnel
Là où il y a la possibilité de vivre dans un régime démocratique où le débat est permis et la libre expression des opinions encouragée, se manifeste une réelle valeur pour chacun et donc pour le croyant. Tout homme peut ainsi exprimer ses idées et le croyant sa foi. Le débat est une occasion d’ouverture et le croyant est provoqué à entendre des points de vue auxquels il n’était pas forcément sensible.
Nous sommes ainsi amenés à côtoyer des personnes qui ne partagent pas nos croyances, et à exprimer notre foi dans des contextes culturels où elle n’avait pas eu l’occasion de s’exprimer. Nous pensons que cela peut contribuer à bâtir la paix qui est l’une de ces grandes valeurs auxquelles sont attachées nos traditions religieuses.
Mais n’oublions pas que nous avons été habitués à ce que, dans chaque famille, le message religieux soit transmis d’une génération à l’autre. Même si, dans nos traditions religieuses, on fait toujours appel à l’engagement personnel dans la profession de foi, il faut bien reconnaître que beaucoup de nos coreligionnaires se reconnaissent chrétiens ou musulmans, dans la tradition de leur famille et de leur pays, sans forcément faire une démarche très personnelle, portés qu’ils sont par le milieu culturel et social dans lequel ils baignent. La dimension religieuse, qu’on pourrait dire “héritée”, fait ainsi partie de notre identité.
Or, dans certaines situations, l’identité religieuse n’est plus donnée au départ et la transmission familiale de la foi n’est plus la seule. La rencontre, à l’école, dans les quartiers ou par les médias, de personnes ayant des croyances fort différentes, avec lesquelles nous essayons d’entretenir des rapports positifs et amicaux, risque de poser des questions à un certain nombre d’entre nous sur leur identité. Est-il alors encore nécessaire de se rattacher à une tradition religieuse précise ? Puisqu’il y a des choses positives dans toutes les traditions religieuses, ne pourrait-on pas dire que toutes les positions sont crédibles et que l’essentiel est d’être sincère avec soi-même ?
III. 2 Liberté religieuse et valeurs traditionnelles Nos textes fondateurs et traditions religieuses comportent des affirmations de principe très fortes sur l’importance de la liberté, valeur à laquelle nous tenons. On pourrait citer, par exemple, le passage de la sourate II, 256 : “Pas de contrainte en religion, la voie droite se distingue de l’erreur”. Et le texte de Vatican II sur la liberté religieuse : “Qu’en matière religieuse, nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience” (Dignitatis Humanae n° 2). Sur ces points, la liberté rejoint l’amour fraternel. Il est donc clair que paix, convivialité et amour fraternel ne s’accommodent pas de la contrainte et de la force.
Reconnaissons cependant qu’il y a là un véritable défi pour le croyant. En effet, force est de constater qu’il y a un fossé entre l’affirmation exprimée et la réalité vécue. De fortes différences apparaissent entre ce que clame le juridique et ce que promeut le politique, entre ce que dit le texte sacré et l’interprétation qui en est faite. Il ne peut être question de le nier. Aussi, le rôle des hommes de foi est-il de lutter pour mettre en pratique cette valeur de la liberté.
De plus les revendications de liberté et de choix personnel, en domaine religieux comme en d’autres domaines, ouvrent la porte à des options très diverses. Le fait qu’une valeur soit “traditionnelle” ne suffit pas pour qu’elle inspire le respect. Au contraire ! Peut-être ces valeurs “traditionnelles” n’ont-elles pas été présentées jadis avec suffisamment d’appel à la réflexion, se contentant d’être imposées avec autorité. Est-ce une raison suffisante pour ne plus du tout en tenir compte aujourd’hui ? Des évolutions sont en effet possibles.
III. 3 Droit à la différence et repli sur soi Dans une société de débat, toute opinion peut revendiquer d’être écoutée. Nous apprécions donc que les sociétés dans lesquelles nous vivons reconnaissent une place à ceux dont la culture ou la religion n’est pas dominante dans le pays où ils vivent. En effet, dans divers pays et à diverses époques, nos coreligionnaires ont souffert d’être persécutés pour des idées religieuses qui n’étaient pas celles de la majorité des gens du pays où ils vivaient. Dans ce regard sur notre passé commun, nous reconnaissons que nos traditions religieuses ont pratiqué des persécutions inter- ou intra-communautaires. Nous voulons tourner ces pages peu glorieuses de notre histoire et reconnaître à notre tour le droit à la différence, comme nous demandons qu’il soit, le cas échéant, reconnu pour nous.
Mais, malgré cette évolution positive, un risque demeure. En effet, quand on durcit les différences ou quand on a l’impression qu’on n’est pas suffisamment reconnu dans sa différence, on se replie, personnellement ou en groupe, en estimant que “les autres” ne peuvent nous comprendre, voire que nous n’avons pas grand chose en commun avec eux… Aussi, dans un monde où, pour certains, la globalisation apparaît comme une menace, ne risquons-nous pas de voir apparaître des réactions d’incompréhensions mutuelles ?
III. 4 Ouverture au monde et identité de soi
Il n’est plus possible, aujourd’hui, de vivre en milieu fermé. Tout croyant assiste à une diffusion massive et à grande échelle des textes sacrés, des traditions orales et des littératures religieuses de toutes origines. Il découvre ainsi, à travers la rencontre et le dialogue, que chaque religion a non seulement sa beauté et son originalité propres, mais aussi son utilité pour bien des êtres humains. Sans tomber dans le syncrétisme, le croyant peut alors s’enrichir des richesses perçues dans chaque religion et redécouvrir des valeurs qui existaient dans sa propre religion mais qui avaient progressivement été occultées.
Mais une telle richesse spirituelle déployée en des lieux si divers peut apparaître comme déstabilisante à une époque où, par manque de vraie culture religieuse, le croyant ne peut s’appuyer que sur des souvenirs lointains ou des impressions diffuses, mêlées la plupart du temps à des images religieuses véhiculées par les médias de grande diffusion et le plus souvent réductrices. N’y a-t-il pas alors un réel risque d’individualisation du croire où chacun se créera son propre espace de foi et sa propre conception du sacré, se forgeant ainsi une religion selon ses propres critères ?
III. 5 Qualité de la vie et économie dominante
Les découvertes scientifiques et techniques ont contribué indubitablement à améliorer le niveau de vie dans son ensemble. La libre circulation des biens, des personnes et des savoirs, techniques ou autres, a fait du monde un immense lieu d’échanges. Echanges culturels, entraide au plan technique, médical ou alimentaire, échanges commerciaux multiples. Nous sommes entrés dans l’ère de la communication mondiale et du libéralisme économique.
Le risque – voire la conséquence – de cette multiplication des échanges est la domination de l’économie dans ce monde globalisé. Il y a en effet une logique de la rentabilité des échanges, une autonomie des mécanismes commerciaux et financiers, qui laissent sur le côté de la route de larges secteurs de la population mondiale.
Nous assistons à une montée globale du niveau de vie, mais toute l’humanité n’en profite pas de la même façon. Comme croyants, puisant dans nos traditions religieuses, nous faisons alors appel à une autre valeur qui risque d’être oubliée, celle de la justice ou de l’équité dans les échanges. Que la personne humaine, quelle qu’elle soit, soit remise au centre des échanges, et jamais considérée comme un simple moyen de profit, nous semble primordial. Mais, en vérité, l’expansion impressionnante des techniques de production et des biens de consommation agit-elle toujours pour une amélioration de la qualité de la vie ?
III. 6 Réussite sociale et indifférence religieuse
De la civilisation industrielle à l’ère du multimédias, les sociétés humaines ont profité dans leur ensemble mais de manière très inégale des fruits de la croissance économique. Il n’y a aujourd’hui aucun point commun entre la vie de nos arrières-grands parents et la nôtre. La réussite sociale demeure un objectif premier dans l’existence de tous, objectif supposant néanmoins un minimum d’acquis sociaux et, en premier lieu, celui de l’instruction. Si, pour beaucoup d’enfants et de jeunes, ce droit est pleinement reconnu et ne pose plus aucun problème, ce sont encore des centaines et des centaines de millions d’êtres humains qui restent analphabètes.
Or le développement à l’échelle de la terre entière d’une société de consommation où sont proposés à tous des biens en incessante évolution et de plus en plus sophistiqués amène un grand nombre à mettre tout en oeuvre pour accéder à cette civilisation de l’abondance et du loisir. Se profile alors une relativisation des religions qui peuvent même apparaître comme des idéologies, tout justes bonnes à les priver des essentiels de la vie humaine : le pouvoir, la richesse, le plaisir, l’abondance… N’y-a-t-il pas alors la tentation de se laisser ballotter sur les vagues de l’émotion et des engouements passagers amplifiés par les médias ?
IV. DES CROYANTS RESPONSABLES FACE A DIEU ET AUX HOMMES
Pour nous, membres du GRIC, le croyant est invité à vivre sa foi d’une manière responsable, en réponse à ce don divin qu’est la foi, et à entrer dans l’évolution de la société actuelle qui passe de plus en plus du groupe social homogène à une société pluraliste.
IV. 1 La foi, don de Dieu L’acte de foi est une réponse à une série d’initiatives divines. Rappelons-en quelques unes :
IV. 1.1 Dieu créateur Quelle que soit notre incapacité à nous représenter Dieu, à entrer dans Son mystère et dans celui de la création, nous reconnaissons que toute cette création a été faite par Dieu hors du néant et à partir de Lui-même. Il a fait exister l’ensemble des êtres créés avec leur consistance, leur épaisseur, leur causalité et leur fonctionnement. Il a choisi de placer ainsi, “face à Lui”, l’ensemble des créatures, les soutenant sans cesse hors du néant dans lequel tout retomberait s’Il cessait de les vouloir. Le plein épanouissement et le complet développement de toutes les virtualités placées par Dieu dans la nature créée ne sont rien d’autres que la logique même de la décision que Dieu a prise en décidant de créer ce qui n’est pas Dieu et qui, néanmoins, existe de par son bon vouloir.
On ne peut que s’émerveiller devant l’extraordinaire gratuité de l’acte de Dieu qui a ainsi voulu l’existence “hors de Lui” d’un monde créé, l’existence “hors de Lui” d’êtres capables de se mouvoir et d’agir, de vouloir et de décider. Toute l’histoire du monde, son évolution et les différentes étapes par lesquelles est passée l’humanité témoignent de l’étonnant choix qu’a fait Dieu de créer l’être humain comme un être situé dans le temps et l’espace, imparfait mais capable de faire des choix et d’améliorer ou de détériorer sa condition.
IV. 1.2 Dieu parle à l’homme Notre foi ne nous met pas seulement en présence d’un Dieu Créateur : elle nous enseigne que ce Dieu « qui a tout créé » est aussi Celui qui « a enseigné l’homme » (Coran 96,1-5). Oui, disent les chrétiens, Dieu, « à maintes reprises et sous maintes formes, a parlé par les prophètes… et en ces temps qui sont les derniers, Il nous a parlé par le Fils » (Hébreux 1,1).
Encore une fois, nous nous trouvons devant une initiative divine totalement gratuite et imprévisible. Le fait que Dieu nous parle est d’importance : cela veut dire qu’Il nous choisit comme interlocuteurs. Quand bien même nous resterions muets et qu’Il n’aurait qu’à parler et à nous écouter, il n’en reste pas moins que Dieu se met en position de vis-à-vis en nous interpellant et ses prophètes le rappellent périodiquement. Dieu demande notre attention et notre écoute. L’histoire humaine montre à quel point il est possible à notre humanité de se détourner de cette écoute, de la refuser ou, tout simplement, de prêter son attention à d’autres voix, d’autres occupations, d’autres jeux qui nous « divertissent » et nous distraient de l’unique nécessaire.
IV. 1.3 Dieu sollicite une réponse de l’homme Mais en lançant dans le monde sa Parole et sa Révélation, Dieu manifeste aussi sa Volonté d’être entendu et écouté. Il nous invite à Lui obéir. De fait, il est impossible de concevoir une parole sans qu’elle soit destinée à être perçue et entendue, discernée et écoutée. L’histoire des interpellations divines, des menaces et même des châtiments, rend toujours plus étonnant le paradoxe de ce Dieu transcendant, « le Très-Haut, le Tout-Puissant », qui prend au sérieux la liberté de cet être humain au point d’en faire son interlocuteur : « Qu’est donc le mortel, que tu t’en souviennes, le fils d’Adam, que tu le veuilles visiter ? » (Psaume 8,5).
L’homme est respecté jusque dans sa capacité de dire « non » : « La vérité émane de votre Seigneur. Que celui qui le veut croie donc, et que celui qui le veut soit incrédule » (Coran 18, 29). La liberté humaine n’est pas telle qu’elle représente une « erreur » ou une « maladresse » de Dieu qui aurait créé un être capable de se refuser ; n’est-ce pas, d’ailleurs, l’inquiétude manifestée par les anges au moment de la création d’Adam[6] ? Au contraire, elle est voulue par Dieu. Autrement dit, quand Dieu commande à l’Homme, Il ne force pas l’obéissance comme dans l’acte créateur (“Sois, et cela est”[7]), mais Il propose son commandement à notre obéissance. Et c’est à cet être libre, avec sa noblesse mais aussi sa capacité de décevoir, que Dieu confie le soin de régner sur sa création sachant très bien ce qu’il en adviendra.
IV. 1.4 Dieu parle au coeur de chacun Certains seraient prêts à expliquer que Dieu prend bien l’homme pour interlocuteur « en bloc », « en masse ». Mails ils ajouteraient immédiatement qu’il appartient aux autorités qui dirigent cette masse de donner, au nom des autres, la réponse appropriée tout en prenant les moyens voulus pour que « les autres » se contentent de suivre la ligne que les autorités -religieuses notamment – ont adoptée comme étant la meilleure à donner.
Ce serait ainsi l’homme – au sens de masse humaine – qui serait l’interlocuteur de Dieu.
Mais les textes sacrés, au contraire, nous révèlent une toute autre initiative divine. Dieu ne se contente pas d’appeler une foule anonyme : Il sollicite le coeur de chacun dont Il attend une réponse personnelle.
Le coeur de chaque personne humaine devient ainsi un Temple sacré où l’homme rencontre son Dieu, où Celui-ci parle à la conscience de chacun et espère de chacun un choix personnel, unique, irremplaçable. Le Tout-Puissant, l’Unique, le Très-Haut est à l’écoute du moindre frémissement de chacun d’entre nous qu’Il a choisi d’interpeller, à qui Il a fait don de sa Parole et qu’Il aime d’un amour particulier. Tout effort pour influencer l’autre, limiter ou canaliser sa liberté de répondre, n’est dans ce contexte qu’une tragique incompréhension du mystère de Dieu.
IV. 2 La foi, acte personnel et communautaire Les membres du GRIC, en tant que croyants, se situent au coeur de ce rapport dans lequel relation personnelle à Dieu – dans l’autonomie de l’être – et appartenance à une communauté sont toutes deux inscrites.
La foi, don de Dieu, souffle continu et permanent, accompagne chaque croyant sur le parcours de sa vie quotidienne : croire et vivre sont liés. La foi devient tout simplement nourriture de l’homme croyant, donnant sens à toute sa vie. La conscience de la foi fait donc partie de la structure de l’être du croyant et, si la foi venait à faire défaut, son existence connaîtrait une cassure irrémédiable. Telle est notre conviction.
Il reste que la foi prend racine dans des terreaux divers. La réflexion de bon nombre de croyants et de philosophes qui ont eu l’intuition que l’homme ne pouvait être vraiment homme qu’en étant libre a permis à la conscience de la liberté religieuse de s’épanouir. Depuis la vigoureuse protestation en Europe du christianisme réformé en faveur de l’autonomie de l’homme et de son rapport personnel à Dieu, dans le cadre du mouvement de la Renaissance, la liberté de pensée a fait du chemin. Par ailleurs, le mouvement des droits de l’homme a progressé dans certains pays et devient une aspiration universelle.
La foi personnelle est aussi acte communautaire. Elle est pensée et vécue en union avec une communauté. Les uns et les autres, nous sommes invités à assumer avec vigilance nos communautés de référence, dans ce que furent leurs témoignages à travers les âges. Ceux-ci sont marqués par des expériences douloureuses et des erreurs mais aussi par une fidélité à la Parole de Dieu, à la transmission de cette Parole et à la prière communautaire ininterrompue durant des siècles. Mais cet accueil de l’histoire et du vécu de notre propre tradition religieuse n’est pas sans poser question. Comment articuler, en effet, notre vécu personnel d’aujourd’hui avec cette tradition reçue, lourd héritage de sens et de mots ? En effet notre aujourd’hui, avec toutes ses questions, nous interpelle sur notre manière de vivre notre foi et sur la capacité de celle-ci à intégrer les nouvelles questions du moment.
IV. 2.1 Besoin de cohérence Ainsi, dans le nouveau climat de “liberté religieuse” qui est le nôtre ou que l’on revendique, on a besoin d’interprétations du message révélé donnant du sens au monde dans lequel on vit. Le langage religieux, purement théologique ou exégétique, est ressenti comme un “radotage en circuit fermé” et n’a aucun impact sur les doutes et les souffrances des “gens ordinaires”, s’il ne parvient plus à être compris par le commun des mortels. Il est donc utile qu’à certaines époques, les institutions et les penseurs prennent soin de faire le point des évolutions et des nouvelles compréhensions[8].
Il reste que la recherche personnelle des croyants reste toujours ouverte, et chaque générations de croyants participe à l’oeuvre commune. Si le croyant s’engage dans de telles voies, c’est certes pour lui-même mais c’est aussi pour sa communauté et pour tous les hommes. Il revendique son appartenance plurielle, c’est-à-dire à sa communauté religieuse et au monde.
Aussi nous apparaît-il qu’il devient impossible de construire un vivre ensemble en se basant uniquement sur les règles transmises par une tradition religieuse au cours de l’histoire. Il est même devenu impossible de se baser sur le donné d’une seule tradition. Qu’on le regrette ou qu’on s’en réjouisse, ce sont tous les êtres humains qui vont intervenir pour donner leur avis sur ces matières. Aucun peuple, aucun individu ne pourra s’isoler pour trouver, en vase clos, la réponse à ces problèmes[9].
Les croyants sont obligés d’inventer un langage nouveau. Il ne s’agit plus du langage dont ils se servent, par tradition ou par habitude, entre fidèles d’une même religion, en utilisant un vocabulaire dogmatique ou juridique soigneusement produit et choisi au cours des âges, mais d’une façon de s’exprimer qui soit fidèle au message originel et pourtant puisse être comprise par d’autres croyants ou même, tout simplement, d’autres êtres humains désireux de construire un monde plus juste et plus habitable[10].
Dans ce domaine, la route n’est pas balisée. La réussite ne peut être le fruit que de l’inventivité de consciences vraiment croyantes et vraiment libres. Travailler sur la foi avec des croyants d’une autre religion, dans les cadres très divers (groupes de réflexion ou de recherche, foyers mixtes inter-religieux…), est un immense apport dans la compréhension de sa propre foi et du lien religieux, en particulier dans la clarification du langage communautaire.
IV. 2.2 La transmission de la foi Au cours des siècles, les différentes religions ont suivi une évolution assez semblable : demandant, au départ, une conversion personnelle des gens qu’elles rencontraient, elles ont rapidement mis en place un système de transmission de la foi par fondation de familles croyantes, pensant que la foi se transmettrait des parents aux enfants par l’éducation familiale. L’appartenance communautaire s’installait donc dès l’enfance[11].
Ainsi s’est développée une conception de l’éducation et de la transmission de la foi par « héritage familial ». Des générations et des générations d’êtres humains se sont donc vues englobées dans une religion donnée de naissance : on s’est mis à « appartenir » à une religion comme on « appartient » à une famille ou à une nation. Tout naturellement, un blocage s’est d’ailleurs effectué historiquement entre le religieux et le politique. La coercition politique s’est mise au service de l’appartenance religieuse pour interdire – ou empêcher – un choix personnel qui ne ratifierait pas la situation héritée des ancêtres. Changer de religion est devenu synonyme de trahison. Le groupe s’en est d’ailleurs protégé dès les origines en favorisant le maximum de cohésion sociale et de fermeture à l’autre[12].
Cette « tranquille » appartenance a tendance à voler en éclat avec l’entrée de toutes les sociétés dans l’ère des communications. Les nations, les sociétés, les familles même n’ont pu créé autour de leurs membres un milieu homogène qui assurerait la transmission d’une pensée unique : au contraire, ce sont des idées, des valeurs, des systèmes très divers et incompatibles entre eux que la personne humaine rencontre maintenant à toutes les étapes de sa croissance et de sa structuration.
A ne compter que sur la pression du milieu familial et social pour maintenir les personnes dans le foi du groupe, on court le risque de voir la liberté des individus s’affirmer en réaction contre le milieu et contre la foi qu’il voudrait transmettre.
Un petit enfant a besoin d’apprendre les règles de la vie en commun et, pour se développer, doit découvrir des limites, des repères, l’existence des autres qui ne sont pas de simples extensions de leur personnalité.. Il doit se heurter au réel. A l’enfant s’impose aussi certaines règles : l’apprentissage d’une langue, l’acquisition d’une culture, l’intégration de coutumes familiales et sociales… Tout ceci comporte un volet spirituel, à savoir la transmission de certaines données de la tradition religieuse.
Si cette première éducation se fait par voie d’autorité, elle ne doit pas être imposée purement et simplement : elle demande une adhésion qui va aller en s’approfondissant au fil des années. Trop d’imposition suscitera la révolte. Trop de liberté empêchera la structuration de la personnalité. La soumission de l’enfant devra se muer en une décision adulte d’accepter (ou de refuser) un message qui ne lui est plus imposé mais proposé, au milieu de tant d’autres propositions de qualité et d’origines variées.
En effet, la proposition de la foi ne se fait pas dans un vide : le jeune est sujet d’autres propositions qui lui viennent de ses camarades ou des médias. S’il n’a pas appris à choisir librement, il n’échappera à la foi de ses ancêtres que pour tomber sous la tyrannie des modes et des publicités, des slogans ou des courants, des gourous ou des sectes. Les véritables « passeurs de foi » font leurs les mots de Mohamed Iqbal, rappelant l’enseignement de son père : « Il faut que tu lises le Coran comme s’il t’était révélé à toi-même »[13].
C’est un paradoxe de devoir souligner que seul pourra devenir ou rester croyant, à l’avenir, celui (ou celle) que son éducation aura préparé à être non-conformiste. Seuls ceux qui jouissent de suffisamment de liberté intérieure pourront résister à l’influence d’un monde où les techniques d’endoctrinement deviennent toujours plus efficaces et astucieuses. Les croyants par héritage risqueront de devenir des incroyants passifs, par contagion ambiante, à moins qu’ils ne soient devenus des croyants par choix personnel.
IV. 2.3 Refonder la communauté Le passage d’une religion héritée passivement à une religion librement choisie et vécue est lié, pour le croyant, à une nouvelle façon de se situer par rapport à sa communauté religieuse.
Certes, le concept de communauté a ses ambiguïtés. Dès la fondation d’une communauté historique, l’accent a été mis sur l’universalité de la communauté, tout en affirmant sa différence, voire son opposition, par rapport à d’autres communautés. Elle était la meilleure, la première, la véritable… On a ainsi opposé le « peuple élu » aux autres nations, le « peuple de Dieu » aux païens, la « umma » aux polythéistes… Mais aujourd’hui, le repli identitaire n’a plus lieu d’être, même si chaque communauté a besoin d’affirmer sa propre identité comme « identité en devenir » dans un pluralisme d’identités. Certes, existe toujours la tentation de manipuler le groupe en tentant d’unifier le groupe par d’autres voies. L’une d’entre elles, en particulier, est particulièrement dangereuse : c’est celle d’unifier le groupe contre un autre, de provoquer une crispation identitaire contre une autre réalité que l’on désigne comme antagoniste. En certains points du globe, on a ainsi assisté à une recrudescence de haines inter-com munautaires qui n’ont d’autre but que de cimenter l’unité d’un groupe sans repenser, ni rebâtir à frais nouveaux, les liens qui pourraient unir des croyants moins moutonniers que dans le passé. A long terme, cependant, ce genre de tactique risque de vider l’appartenance au groupe de son sens. Très rapidement, en effet, là où la haine sert de ciment, l’identité religieuse du groupe se définit de plus en plus par l’opposition à « l’autre », au détriment du contenu positif de la foi.
Dans ce contexte, on assiste, un peu partout, en christianisme comme en islam, à une certaine contestation du rôle des « clercs » ou des « oulémas ». Découvrant sa responsabilité la plus personnelle face à l’appel de Dieu, le croyant ne se laisse plus dicter passivement ce qu’il doit croire[14].
Comment sera-t-il possible de bâtir le sens communautaire, de vivre en « Eglise » ou en « Umma », tout en accueillant cette individualisation du croire ? Le désir de se rattacher librement à une communauté croyante existe bien, mais l’unité ne peut se bâtir, ni par voie autoritaire, ni par pression sociale. Il faut donc trouver de nouvelles façons de favoriser l’échange de parole, la concertation et la mise au diapason des uns avec les autres pour, petit à petit, amener un sens de l’unité et du croire ensemble.
IV. 3 La foi comme ouverture aux autres
Voilà pourquoi la foi est nécessairement ouverture aux autres si elle ne veut pas se scléroser et se fermer sur elle-même.
IV. 3.1 Un rapport aux Écritures qui invite à l’ouverture
Comme le rappelle Mohammed Arkoun[15], le passage de l’oral à l’écrit a placé les peuples des religions qui ont un Livre dans une « situation herméneutique », c’est-à-dire dans la nécessité de lire les textes sacrés pour en tirer une loi, des prescriptions, des systèmes de croyance, etc. Cette situation « herméneutique » est à la fois un risque et une chance. C’est un risque pour celui qui cherche à rigidifier toute la société en plaquant des préceptes tirés tels quels de nos Livres sacrés, ou alors d’interprétations réductrices. Mais c’est une chance pour celui qui considère que le Livre l’invite à relire toutes les nouvelles situations rencontrées à la lumière de ce que lui révèle Dieu. Cela nécessite qu’il lise les Écritures pour vivre une rencontre avec un Dieu qui l’invité à aller toujours plus loin dans sa foi. Le croyant ne vient pas d’abord chercher dans le Livre des réponses aux questions qu’il se pose, mais se laisse plutôt questionner par Dieu sur sa foi. Le Livre l’invite dès lors à ouvrir son re gard, à considérer le monde dans sa diversité et à porter sur lui un regard de foi. Or le monde qu’il a devant lui n’est pas un monde unifié socialement, religieusement ou culturellement…
IV. 3.2 Un rapport aux Écritures qui invite à la vie Il est bien certain que tous les textes sacrés contiennent des règles de vie, suggèrent un comportement social et proposent une loi morale. Mais leur message n’est pas d’abord et essentiellement une morale mais une source de vie, une parole qui libère. A titre d’exemple, il suffit de se rappeler la série des « Heureux êtes-vous ! » dans les Béatitudes[16] ou des « Va… N’aie pas peur… Ne crains pas ! » dans les Evangiles. De même, sur les quelques 6.300 versets composant le texte coranique, nous trouvons que la racine ‘amn qui connote l’idée de sécurité et de confiance est employée 924 fois. Comme nous l’avons dit précédemment, Dieu est appelé al-mu’min (Coran 59/23), c’est-à-dire celui qui confère la sécurité et met à l’abri. Il en résulte le amn, état de celui qui n’éprouve aucune crainte.
Le chemin qui conduit à la vie en abondance n’est pas celui du légalisme absolu mais celui de l’amour des autres et de la pratique des bonnes oeuvres :
« Ceux qui ont cru, les Juifs, les Sabéens et les Chrétiens, ceux parmi eux qui croit en Allah, au jour dernier et qui accomplissent les bonnes oeuvres, n’ont rien à craindre et ils ne seront point affligés » (Coran 5/69).
« Jésus dit à un légiste : “Dans la loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Comment lis-tu ?”. Il lui répondit : “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force, et ton prochain comme toi-même”. Jésus lui dit : “Tu as bien répondu. Fais cela et tu auras la vie”.
IV. 3.3 Une nécessaire rencontre de l’autre
La foi dans toutes les religions appelle en effet, sous des formes variées, à l’amour de l’autre. Pour l’islam, on pourrait citer ce hadîth[17] : « Personne d’entre-vous n’est croyant tant qu’il ne désire pour son frère ce qu’il désire pour lui-même ». Les chrétiens se rappellent cette injonction du Christ : « C’est à ceci que tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres »[18]. Dans ces deux traditions, la vie de Jésus, comme celle de Muhamad, a montré que cette attention ne s’adressait pas seulement à leurs disciples, mais était aussi ouverte à ceux qui appartenaient à d’autres religions.
Aujourd’hui davantage, dans cette pluralité religieuse, la foi ne peut pas se vivre sans une ouverture à l’autre dans le respect et le dialogue. C’est à travers la rencontre de l’autre que chaque croyant est amené à approfondir sa propre foi. Et, dans cette rencontre, il y a sans doute deux étapes nécessaires :
§ La connaissance de l’autre
Elle est la base de toute tolérance. Elle permet de dépasser les préjugés et d’éviter les amalgames. Dans un monde où l’information va très vite, elle apparaît nécessaire pour comprendre les événements qui animent le monde… Elle commence par une connaissance intellectuelle qui nécessite déjà souvent de dépasser la vision commune donnée par la société. Mais elle nécessite aussi une connaissance plus personnelle qui passe inévitablement par la rencontre et l’écoute bienveillante de l’autre.
§ La reconnaissance de l’autre
On passe là à une autre étape. Reconnaître l’autre comme croyant. Reconnaître qu’il vit quelque chose d’authentique dans sa foi. Reconnaître progressivement que l’autre, quelque soit sa foi, a quelque chose à nous apprendre de Dieu. Reconnaître enfin qu’ensemble, par le partage de nos expériences de foi, on peut approfondir nos convictions respectives. Cette reconnaissance nous conduit à un respect mutuel.
V. CONCLUSION
Le XXème siècle a été marqué par une critique sévère de la religion. Ce début de XXIème siècle démontre par des signes évidents, émis par la post-modernité, que si l’indifférence et l’athéisme ont fait courir de grands dangers à une certaine conception du religieux, il n’en demeure pas moins que ces mêmes périls ont préservé, bien involontairement, de la sclérose la pensée religieuse. Feuerbach, Marx, Nietzsche, pour ne nommer qu’eux, ont dénoncé la religion comme illusion et source d’aliénation. Ce fut l’occasion d’un nouveau questionnement plus salutaire et plus plausible. Il s’agit là d’un décentrement de la pensée religieuse qui, tout en tirant parti des acquis irréversibles de la rationalité, tend à refondre la dimension sacrée de l’homme.
Or, pour nos deux communautés, croire reste toujours un don divin accueilli par les hommes qui sont invités à le cultiver. Croire aujourd’hui exige de sérieux aménagements consécutifs aux grands changements qui ont affecté les esprits et les sociétés dans leurs rapports mutuels.
Si la foi appelle de notre part un effort d’assimilation de l’héritage intellectuel du XXème siècle, elle doit, de surcroît, s’ouvrir à ce qu’on peut appeler la communion dans la différence. On ne peut plus croire, aujourd’hui, sans s’interroger sur le pluralisme religieux et sans l’inscrire dans une meilleure compréhension entre les hommes et de leurs relations à Dieu.
Auparavant, chacune des grandes religions à vocation universelle rêvait d’une unité qui rassemblerait l’humanité dans son giron. Or, aujourd’hui, la situation de pluralisme religieux en expansion dans les sociétés comme dans chacune des grandes confessions peut amener à demander si Dieu n’utiliserait pas la différence comme vecteur de connaissance de lui-même.
Cette différence invite à sortir de soi pour échapper à la tentation de se confiner dans sa singularité. Voir les choses différemment, c’est aussi voir les mêmes choses. Nous adhérons à la pensée de Christian de Chergé quand il disait : ” Dire Dieu autrement n’est pas dire un autre Dieu “[19]. Et la nouveauté actuelle incarnée par la reconnaissance de l’autre, dans son statut différentiel, convertit la crainte stérile en une joie féconde. Il n’est pas question de former une ligue des religions qui exclurait nos autres frères ou de minimiser nos particularités. Il y a urgence à fonder une communion qui reconnaît le droit d’être soi-même et qui érige la différence comme un pont entre les hommes.
Croire, c’est ainsi miser sur la pluralité des voix de la sagesse. Cela ne peut véritablement réussir que si chacun de nous, dans sa tradition religieuse, s’engage personnellement à considérer la foi comme une réponse libre à un appel de Dieu.
Les chrétiens diront que c’est une réponse à l’amour prévenant de Dieu, une réponse à l’interrogation du Christ : “Et toi veux-tu être mon disciple ?”. C’est une question à laquelle seul le libre arbitre répond.
Les musulmans citeront la phrase du Coran : ” Pas de contrainte en religion. La voie droite se distingue de l’erreur”. Et, à l’instar de la croyance du Prophète Muhamad qui a transformé la vie, ils diront que le but de la foi, don divin et abandon de soi en Dieu, demeure l’enracinement du croyant au coeur de la vie.
On touche ainsi au défi qui se pose aux institutions religieuses en ce nouveau millénaire. Celles-ci, tant pour les chrétiens que pour les musulmans, ont à le relever en proposant des modes de socialisation originaux et adaptés à notre époque, fondés sur l’ouverture et le dialogue, fermes sur les principes et souples dans l’exécution. Ces institutions doivent tenir le dialogue sur “les valeurs” comme la première nécessité.. En effet la parole devient indispensable si on ne veut pas que le seul contrepoint au foisonnement de groupements prétendant donner un sens à la vie soit un vide social du sens, imposé au nom de la nécessaire tolérance.
Que le milieu social véhicule de moins en moins de valeurs, n’est pas en soi une situation enviable pour nos institutions, mais c’est celle de nos religions aujourd’hui. Elle présente l’énorme avantage de mieux respecter la liberté de chacun dans son acte de foi. Par ailleurs elles ont tout à gagner à bien considérer les propos de Raymond Panikkar[20] invitant les institutions chrétiennes à une théologie des religions. Sa démarche est tout aussi valable pour les institutions du monde musulman où d’autres expressions de la foi autres qu’officielles sont décelables. Quoique minoritaires et balbutiantes, elles expriment la quête d’une conscience religieuse fondée sur le double paramètre de la permanence et du changement, une quête soucieuse de tresser le progrès de la pensée actuelle et la démarche du Prophète-Fondateur.
Nous voici dès lors invités à bâtir une fraternité entre les croyants au Dieu Unique. Voilà bien des sicèles, c’est dans le domaine philosophique que la collaboration entre juifs, musulmans et chrétiens fut active. Les exemples de Jean Damascène ( 675-750), Averroès (1126-1198), Maimonide (1135-1204) et Thomas d’Aquin (1227-1274) en témoignent. Prenant exemple sur nos illustres prédécesseurs, pourquoi ne pas aujourd’hui, comme « fils d’Abraham », examiner ensemble les problèmes philosophiques et sociaux posés au monde actuel ? Imprégnés des valeurs portées par notre propre tradition, enrichis des valeurs promues par les autres traditions et guidés par nos sources spirituelles partagées, vivons ensemble, sans suspicion, construisant pour tous le respect la justice et la paix.
« Mon coeur devient capable de toute image.
Il est prairie pour les gazelles, couvent pour les moines,
Temples pour les idoles, Mecque pour les pèlerins,
Tablette de la Torah et livre du Coran. Je suis la religion de l’amour.
Partout où se dirigent ses montures,
L’amour est ma religion et ma foi ».
Ibn ‘Arabi
Le Chant de l’ardent désir
Sindbad – Actes Sud
CROIRE AU LENDEMAIN D’UN CHANGEMENT DE SIECLE
SOMMAIRE :
I. UN MONDE EN MUTATION RADICALE ET ACCELEREE 2 I. 1 Le fort développement des moyens de communication. 2 I. 2 L’éthique et les sciences de la vie. 2 I. 3 Les formes nouvelles d’expression de la religiosité. 2 I. 4 Un déséquilibre croissant entre riches et pauvres. 3 I. 5 Une réalité conflictuelle chaotique et violente. 3
II. « CROIRE » DANS LE VOCABULAIRE RELIGIEUX.. 4 II. 1 En contexte biblique. 4 II. 2 En contexte coranique. 5 II. 3 En contexte contemporain. 6
III UN DEFI POUR LE CROYANT. 7 III. 1 Tradition et choix personnel 8 III. 2 Liberté religieuse et valeurs traditionnelles 9 III. 3 Droit à la différence et repli sur soi 9 III. 4 Ouverture au monde et identité de soi 10 III. 5 Qualité de la vie et économie dominante. 10 III. 6 Réussite sociale et indifférence religieuse. 11
IV. DES CROYANTS RESPONSABLES FACE A DIEU ET AUX HOMMES. 11 IV. 1 La foi, don de Dieu. 11 IV. 2 La foi, acte personnel et communautaire. 14 IV. 3 La foi comme ouverture aux autres. 18
V. CONCLUSION 20
- [1]Le GRIC (Groupe de recherches islamo-chrétien) réunit, à parité et sur les mêmes objectifs de recherche, des partenaires chrétiens et musulmans, de formation universitaire et ayant une connaissance mutuelle de leurs religions. Cette démarche instaure dans la continuité un véritable dialogue fondé sur l’écoute et la reconnaissance de l’autre dans sa foi. Chaque membre est en lien avec sa communauté d’appartenance mais reste libre d’entreprendre telle ou telle recherche.↩
- [2]A titre d’exemple, il est significatif qu’une recherche sur les mots « monde mutation accélérée » à partir du moteur de recherche Internet Google propose 2.390 articles.↩
- [3]Le premier réseau informatique relie, en 1969, 4 machines (système Arpanet). En 1981, le premier système Internet parvient à connecter 213 machines ensemble. En 2000, Internet compte 167 millions d’utilisateurs. On en prévoit 720 millions pour 2005.↩
- [4]Ainsi les deux termes foi et croyance, désignant l’acte de croire, ont vu historiquement la distinction sémantique s’accentuer entre eux. On en viendrait aujourd’hui à désigner entre foi et croyance deux manières de croire, alors qu’aux XVII° et XVIII° siècles, les deux termes étaient considérés comme synonymes (cf. le dictionnaire de Furetière de 1690 et la sixième édition du dictionnaire de l’Académie de 1835). Vers le milieu du XIX° siècle apparaît une distinction, sous l’influence du rationalisme scientifique. Le mot croyance est alors chargé de connotations dévalorisantes. Voir H. Le Genn, « Croire : étude linguistique », in Cahiers universitaires catholiques, novembre-décembre 1977.↩
- [5]Selon les estimations de l’ONU, le cap des 6 milliards a été franchi le 12 Octobre 1999.↩
- [6]Cf. Coran 2, 30.↩
- [7]Coran 18, 35.↩
- [8]Voir “Law and Morality in Islam”, document inédit trouvé dans la bibliothèque personnelle de Fazlur Rahman, ISTAC, Kuala Lumpur, daté de septembre 1986, p. 21-23. Cité par C. Hewer, A reinterpretation of Islam in the Twentieth Century (Doctoral Dissertation, Selly Oak, Birmingham, 1998, conclusion).↩
- [9]Voir Mohamed Talbi, “Une communauté de communautés – Le droit à la différence et les voies de l’harmonie” Islamochristiana, 4 (1978), p. 11-25.↩
- [10]Voir Dr William F. Vendley, “Les religions comme acteurs publics”. Conférence prononcée le 21 mars 1999 devant la section française de la Conférence Mondiale des Religions pour la Paix, à l’Institut catholique de Paris. Traduction de M. Rougé.. Texte manuscrit.↩
- [11]Voir « Le couple mixte au Maghreb, une situation révélatrice ? », in Les identités en devenir, GRIC, 2002 (inédit).↩
- [12]Une étude est à faire non seulement sur les notions de prosélytisme, d’apostolat (Da’wa) et d’apostasie dans les différentes traditions au cours des siècles mais encore sur la possibilité pour aujourd’hui, dans un monde où se promeut la liberté de conscience et la liberté religieuse, de permettre à chacun de prendre le chemin qui se révèle à lui comme son propre chemin spirituel. Il est bon de se souvenir que le chemin de Dieu (jihad fissa b’llah) n’est l’apanage d’aucune communauté religieuse et qu’en religion, nulle contrainte, comme le dit le Coran.↩
- [13]Mohammed Iqbal (1875-1938) est né au Penjab, à Lahore. Il fut le premier théoricien et père spirituel du Pakistan. Il a rencontré Henri Bergson et Louis Massignon. Voir Robert Caspar, Traité de théologie musulmane, T. 1, Rome, 1987, p. 312-315.↩
- [14]Voir L. Babès (dir), Les nouvelles manières de croire – Judaïsme, christianisme, islam, nouvelles religiosités (Ed. de l’Atelier, Paris, 1996, 191 p.), p. 134-135.↩
- [15]Mohammed Arkoun : Ouvertures sur l’islam, Granger, Paris, 1992, p. 65↩
- [16]Mt V, 1-12↩
- [17]D’après Bukhârî et Muslim.↩
- [18]Jn 13, 35↩
- [19]Prieur de Tibhirine (Algérie), mort assassiné avec six frères trappistes en mai 1996. Christian de Chergé, L’Invincible espérance, textes recueillis et présentés par Bruno Chenu, Bayard éditions / Centurion, p. 128.↩
- [20]Théologien jésuite hindou-espagnol, auteur de nombreux livres, en particulier de Le Dialogue intrareligieux, Paris, Aubier, 1985, et de The Cosmotheandric Experience. Emerging Religious Consciousness, Maryknoll, New York, Orbis Books, 1993. ↩