Du 22 au 24 janvier 2015, le P.I.S.A.I. (Pontificio Istituto di Studi Arabi e d’Islamistica) a célébré le cinquantenaire de son implantation à Rome. Cette célébration ne doit pas faire oublier la « vie antérieure » de l’Institut.
C’est en effet en 1926 que la Société des Pères Blancs a fondé à La Marsa (près de Tunis) une Maison d’études dont le but était d’initier à la langue arabe et à la culture tunisienne les jeunes Pères destinés à vivre en milieu musulman. En 1928, il y eut une première émigration vers Tunis (rue des Glacières), où cette petite fondation reçut, en 1931, le nom d’Institut des Belles Lettres Arabes (IBLA). L’année suivante, l’IBLA se transporta rue Jemaâ el Haoua, dans les locaux qu’il occupe encore de nos jours. Au fil des années, les activités se développant (par ex. fondation de la revue IBLA en 1937), les locaux devenaient trop étroits. Il fut alors décidé de transférer la partie enseignement et formation dans un autre endroit.
C’est en 1949 que fut ouverte, à La Manouba (banlieue ouest de Tunis), la nouvelle Maison d’études, qui fut désormais gérée de façon autonome et indépendante de l’IBLA. Elle connut un rapide développement, en accueillant un large éventail d’étudiants : religieux, religieuses, laïcs, auxquels était proposé un solide programme, réparti sur deux années, en langue arabe et en islamologie. En 1960, l’Institut fut reconnu par la Congrégation romaine des Séminaires et Universités avec le titre d’Institut Pontifical d’Etudes Orientales (IPEO) et, moyennant une troisième année d’études, il fut habilité à délivrer un diplôme de Licence.
En 1964, deux événements décidèrent de l’avenir de l’IPEO. Tout d’abord, le Modus vivendi signé le 23 juillet entre la République tunisienne et le Saint-Siège, qui réglementait les rapports entre l’Eglise catholique et la Tunisie. Il avait été précédé, en mai, d’une loi sur la nationalisation des terres appartenant aux étrangers. C’est en vertu de cette loi que l’immeuble et le terrain environnant furent remis à l’Etat tunisien en août 1964.
Après avoir envisagé plusieurs projets d’implantation, les responsables « Pères Blancs » optèrent pour un transfert à Rome qui, réalisé en un temps record, permit d’assurer l’ouverture de l’année académique en octobre 1964. C’est donc cet événement qui vient d’être commémoré, cinquante ans plus tard.
A Rome, le nouvel environnement de l’Institut était pour ainsi dire aux antipodes de celui de la Tunisie. Son implantation au cœur même de l’Eglise catholique lui permit d’accueillir des étudiants venus de contrées très diverses, des Philippines au Sénégal, de la Tanzanie au Pakistan. Et son intégration aux structures d’enseignement de l’Eglise l’amena à enrichir et diversifier ses programmes, ses langues d’enseignement, ses diplômes. En 1980, il obtint la faculté de conférer le Doctorat en études arabes et islamiques. Il connut deux déménagements et changea aussi de nom à deux reprises, avant de recevoir sa dénomination actuelle. Mais surtout, son installation à Rome coïncida avec le déroulement du concile Vatican II qui porta un regard nouveau sur les croyants des autres religions, notamment sur les musulmans. Le PISAI a ainsi collaboré, au cours de ce demi-siècle, à l’effort de dialogue islamo-chrétien, à travers son enseignement et les recherches effectuées par ses professeurs, de même que par ses publications (Islamochristiana, Etudes Arabes, Encounter, Studi Arabo-Islamici), ou encore en organisant des colloques et rencontres entre musulmans et chrétiens.
Le travail du PISAI a été encouragé et soutenu par le pape Paul VI et par ses successeurs. Le pape François lui-même a accordé une audience aux participants du colloque organisé à l’occasion de ce Cinquantenaire, sur le thème Etudier et comprendre la religion de l’autre. Les paroles qu’il a prononcées en cette circonstance s’adressent, au-delà des membres du PISAI, à toutes les personnes engagées dans le dialogue islamo-chrétien. En voici quelques extraits :
Quand nous accostons une personne qui confesse avec conviction sa propre religion, son témoignage et sa pensée nous interpellent et nous portent à nous interroger sur notre propre spiritualité. Au commencement du dialogue, il y a donc la rencontre. Par elle se crée la première connaissance de l’autre. Si l’on part du principe de l’appartenance commune à la nature humaine, on peut dépasser les préjugés, les erreurs et on peut commencer à comprendre l’autre selon une perspective nouvelle…
L’antidote le plus efficace contre toute forme de violence, c’est l’éducation à la découverte et l’acceptation de la différence en tant que richesse et fécondité. Un tel objectif n’est pas simple, mais il naît et mûrit à partir d’un grand sens des responsabilités. Le dialogue islamo-chrétien, en particulier, exige de la patience et de l’humilité qui accompagnent une étude approfondie, parce que l’approximation et l’improvisation peuvent être contre-productives ou, du moins, cause de désagréments et d’embarras. Il faut un engagement continu et dans la durée… La culture et l’éducation ne sont pas du tout secondaires dans un vrai processus d’approche de l’autre qui respecte en chaque personne « sa vie, son identité ethnique et culturelle, ses idées et ses choix politiques » (Citation du Message pour la fin du Ramadan, 10 juillet 2013).
Dans sa conclusion, le pape François a souhaité à la communauté du PISAI de ne jamais trahir l’objectif premier d’écoute et de dialogue, fondé sur une identité claire, sur la recherche passionnée, patiente et rigoureuse de la vérité.
P.I.S.A.I.Rome,Célébration du Cinquantenaire A. Ferré GRIC-Tunis
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