Evoquée trente quatre (34) fois, Marie est la seule femme nommée dans les textes coraniques, principalement dans la sourate (19) Maryam, portant son nom et qui lui est entièrement consacrée, contenant le récit détaillé de l’Annonciation, la Visitation et l’enfantement virginal du prophète Jésus.
Marie est en outre mentionnée dans les sourates Les croyants (Al- Muminun) (4), L’interdiction (Al- Tahrim) (5) et Le fer (Al – Hadid) (6).
La sourate « La famille d’Imran » (Al-Imrân) relate la nativité de Marie fille d’Imrân ; comme il est dit dans la révélation coranique sa mère Anna (Hanna) l’a dédiée au service du temple ayant fait le vœu de la vouer au culte de Dieu. On atteste dans cette même sourate l’insistance sur son élection divine :
« Ö Marie Dieu t’a élue, il t’a rendue pure et t’a choisie de préférence à toutes les femmes de l’univers. » (Sourate 3-42)
Marie est d’ailleurs considérée (avec Jésus) comme un seul et même signe (Äya) envoyé par Dieu à l’ensemble de l’humanité. Un mot qui revêt dans la langue arabe de multiples significations dont miracle, merveille créée par Dieu ou encore signe invitant tout croyant à réfléchir sur le sens ultime de la création. De ce fait Marie devient le signe, le symbole du dévouement absolu, ce qui fait du miracle de Marie un centre d’intérêt commun, un trait d’union entre les fidèles chrétiens et les musulmans.
La vierge Marie est aussi assez présente dans les hadiths les plus connus dans la tradition musulmane et chez les exégètes musulmans à l’instar de Tabari qui a affirmé que Marie fut des nombres des dévouées :
« Parmi les femmes ceux qui sont meilleures moralement et spirituellement, Ilya Marie. »
Selon Musnad Ibn Hanabl Marie était « la reine de toutes les femmes au paradis. »
Al Qurtubi disait qu’elle sera « parmi les premières à entrer au paradis avec les prophètes. »
Aussi Al Tirmidhi parlait du premier rang de Marie.
Le prophète Mahomet (Mohamed) avait lui même déclaré que la dame des femmes (al-sayda) du monde est Maryam fille d’Imran (Marie), puis Fatima (sa fille bien-aimée), khadija bent khouwaylid( sa première épouse) et enfin Asya(femme du pharaon).
Lors de la mort de Fatima, celle-ci aurait déclaré :
« Je surpasse toutes les femmes excepté Maryam (Marie) ».
Marie fait à ce titre partie des femmes considérées comme parfaites dans la tradition islamique.
Ce statut distingué et accordé à Marie dans le coran et dans les hadiths lui a fait acquérir une place prépondérante dans le cœur des musulmans qui se traduit par différents aspects de vénération mariale en participant aux pèlerinages et aux jours de fêtes consacrées à Marie.
En effet elle présente pour les musulmans l’exemple de la femme pieuse et humble. Sa piété et sa vertu deviennent l’emblème même de la foi en Dieu. Ce qui la rend un modèle pour tous ceux qui aspirent au degré de complétude morale et d’accomplissement spirituel. Elle symbolise pour les musulmans la dévotion, le recours à Dieu, l’obéissance à sa parole, l’aptitude au silence et à l’écoute, la sereine acceptation du décret divin (vu qu’elle n’a pas demandé de signe ou de preuve à l’annonce de la nouvelle) et la patience ; ce qui lui a permis de développer un lien avec fort avec son créateur.
- Marie incarne alors le modèle coranique du parfait croyant.
L’image mariale explique donc au parfait croyant que s’il se mettait en état d’abstention Dieu lui confèrerait sa Grâce telle Marie à qui Dieu a envoyé sa propre nourriture et son messager. La Vierge a manifesté un abandon total à la volonté divine, pour cette raison elle forme un lien entre les parfaits croyants et les fidèles des deux familles religieuses qui la considéraient comme l’icône de vie spirituelle et pure.
Marie est tenue en haute estime grâce à sa piété et sa chasteté. Effectivement, les musulmans lui accorde un statut important étant donné qu’elle est aux yeux de l’islam la plus parfaite de toutes les femmes qui ont été et qui seront créées ayant reçues tant d’attention divine.
D’ailleurs le nom de Marie est assez fréquent chez les femmes musulmanes (nom symbolique).
C’est pourquoi les musulmans entreprennent souvent des pèlerinages aux sanctuaires mariaux spécialement à Fatima au Portugal, en Espagne, à Lourdes, en Irak et en Egypte où les femmes musulmanes qui veulent tomber enceintes viennent prier dans l’église de Sainte- Marie de Zeitoun (Zaytoun), dans un quartier du vieux Caire ; ou qui venaient pour une bénédiction de Marie qui les appelle à travers des apparitions.
Dans le monastère Dir El Adra, à Minya (en Egypte), tant de musulmans que de chrétiens viennent allumer des cierges pour commémorer le séjour de la Sainte famille lors de sa fuite en Egypte. Dans ce même monastère, on acquiert la bénédiction en touchant la représentation peinte de Marie qui incarne pour les musulmans la mère dévote, pieuse, chaste, dévouée, patiente et soumise à l’ordre divin.
Pour cette même raison les musulmanes d’Irak font intervenir Marie dans leur vie sociale et encore privée. Elles prient pour Marie et la sollicitent afin de les bénir et les aider à tomber enceinte ou à régler leurs problèmes conjugaux ou mettre de l’ordre dans leurs vies intimes comme l’explique Amir Jajé. O.P (professeur à la faculté de théologie à Bagdad et le conseiller pontifical pour le dialogue interreligieux depuis 2012).
Encore au Liban les chrétiens et les musulmans se rassemblent autour de la figure commune de la Vierge Marie en organisant des rencontres ou des initiatives conviviales, festives, baptisées : « ensemble pour Marie », permettant de faire le lien entre les traditions musulmanes et chrétiennes (on peut citer dans ce cadre et à titre d’exemple le Zenit ou l’Efesia au Liban) par le biais de la figure mariale qui se dévoile comme étant un emblème d’unité entre ces deux familles religieuses.
Lourdes aussi accueille chaque année plusieurs centaines de pèlerins musulmans.
La ville de Fatima au Portugal abrite à son tour un autre sanctuaire marial rassemblant fidèles chrétiens et musulmans. Ce lieu de Notre Dame de Fatima est symbolique en l’occurrence de la réunion des deux prénoms saints à savoir celui de Marie mère de Jésus et celui de Fatima la fille du prophète Mahomet, chacune portant le signe d’une religion monothéiste en communion autour de la figue mariale.
On souligne parallèlement l’accueil enthousiaste que les musulmans d’Afrique réservent à la statue pèlerine de Notre Dame de Velankani en Inde où elle est priée et respectée par certains hindous et bouddhistes du moment qu’elle incarne l’archétype de la mère aimante et dévouée.
La maison de la Vierge à Ephèse sur le mont Coressos compte en plus un lieu de rencontres entre chrétiens et musulmans.
Ainsi Marie présente une figure de l’échange et de la rencontre qui demeure commune aux traditions chrétienne et musulmane dans lesquelles elle incarne l’archétype de la croyante exemplaire de nature pure et exempte de tout péché.
Pour cela la figure de la vierge est très présente dans la littérature mystique de l’islam où la notion de la virginité de Marie constitue une exigence de purification de l’âme et un prélude à tout cheminement spirituel.
Marie est parfois décrite comme une nouvelle Ève qui s’abandonne totalement à la volonté divine.
Le lieu vers l’Orient ou l’ange Gabriel lui révèle sa destinée fut un sujet de nombreux traités mystiques pour certains théosophes, tel Shahab Al Din Sohrawardi qui le considère comme étant le berceau d’une nouvelle naissance.
Jalel Al Din Rumi a lié le palmier à toute une symbolique de désert : lieu de rencontre directe et dépouillée de tout artifice avec le divin où la nudité du lieu évoque aussi la relation originelle entre Dieu et l’homme.
Marie est donc le signe du rappel des origines de l’homme et par la même de son destin spirituel.
En définitive, il convient de dire que la Vierge Marie est le « fil d’Ariane » qui permet de faire le lien entre l’islam et le christianisme à travers cette figure commune qui incarne la sagesse originelle et universelle ce qui a permis à l’une des grandes figures intellectuelles et spirituelles du siècle dernier, le poète et philosophe suisse Frithjof Schuon de la considérer comme la mère de tous les prophètes, cette fidèle servante de Dieu dans les deux religions et figure centrale de la continuité entre les traditions musulmane et chrétienne.