Mardi 18 mars attentat terroriste au musée du Bardo : 24 morts,
Vendredi 20 mars attentat contre deux mosquées chiites à Sanaa,
Mardi 24 mars un pilote de A320 entraine avec lui 150 personnes à la mort,
Jeudi 26 mars, Farakhunda, une jeune étudiante Afghane de 27 ans en Master de sciences Islamiques, lynchée à Kaboul, brûlée vive et jetée à la rivière sur une simple rumeur : “Elle a brûlé une copie du Coran”,
De la Jordanie au Pakistan, de l’Arabie Saoudite aux Etats-Unis, le nombre d’exécutions capitales, suite à des décisions de justice, est en très forte hausse dans le monde.
Nous, groupe de Tunis, constitué à parité de chrétiens et de musulmans, avons été bouleversés, stupéfaits et révoltés par l’assassinat des touristes au musée du Bardo par des jeunes vivant auprès de nous. Le rapprochement avec toutes les morts dans le monde, données par des hommes à d’autres hommes s’est imposé comme une évidence. Même, et peut-être surtout, parce qu’il s’agit d’évidences, nous tenons à redire nos convictions profondes.
Que ce soit à travers l’un des dix commandements donné à Moïse : Tu ne commettras pas de meurtre (Exode 20,13) ou la sourate du Coran : quiconque tue une vie, c’est comme s’il tuait l’humanité ; et celui qui sauve une vie, c’est comme s’il avait sauvé tout le genre humain (S5, 32), nos religions nous enseignent que la vie est une chose sacrée, qui nous a été donnée et que le début comme la fin ne nous appartiennent pas.
Tuer quelqu’un c’est décider que cet être n’a plus le droit d’exister. Qui peut en décider ? Ceux qui cèdent à leur désir de pouvoir absolu, à leur vertige de puissance, à leur soif de célébrité ou à leur désespoir? Ceux qui se pensent l’instrument de la justice divine ? Ou simplement ceux qui appliquent la « justice des hommes » ?
Chaque homme contient une parcelle de Dieu ; toute image de l’autre renvoie à la conception que j’ai de Dieu. Aucune de nos religions ne peut accepter le crime au nom de Dieu parce que ce serait une contradiction abominable. Ces jeunes qui se laissent embrigader ne sont-ils pas les assassins de Dieu ?
Nous, croyants de nos deux religions, sommes-nous attentifs à l’image que nous donnons de Dieu. Ne sommes-nous pas responsables de la lecture que nous faisons ou laissons faire de nos textes ? Nos familles, nos écoles, nos sociétés ont-elles cessé de dire que la vie est le bien le plus cher et le plus sacré et donc banalisé le crime?
Le maintien de la peine de mort dans de trop nombreux pays ne laisse-t-il pas penser que la vie n’est pas un droit inaliénable ?
Dimanche 29 mars, à Tunis, des dizaines de milliers d’hommes de femmes, d’enfants, accompagnés de chefs d’Etat sont venus dire non au terrorisme et à la violence, manifestant ainsi leur volonté de défendre la vie de tous. Mais l’émotion passée, il faut prévenir tous ces actes de mort. Dans un débat au forum social mondial de Tunis dans l’atelier « Religion et culture : facteurs de conflits ou chemin de dialogue » de jeunes étudiants, conscients de la nécessité d’un autre regard sur les textes fondateurs des religions remarquaient avec amertume que le dialogue des intellectuels ne modifie pas le comportement de Monsieur-tout-le-monde. Devrons-nous alors nous taire ? Plus que jamais nous pensons que notre devoir est d’aider modestement chacun à réfléchir et donc à grandir, (car une société qui n’a pas d’idéaux, n’arrivera pas à construire un vivre ensemble harmonieux) et de rappeler que la vie est un don sacré et inaliénable.