Sommaire du dossier : Le couple/mariage islamo-chrétien
- Dossier GRIC International : « Mariage islamo-chrétien » – Présentation
- Textes en exergues de pasteurs
- Regards croisés : Point de vue d’un chrétien
- Regards croisés : Point de vue d’un musulman
- Abstracts
- Identité chrétienne dans le mariage dispar
- L’interdiction du mariage de la musulmane avec le non-musulman
- Le couple mixte installé au Maghreb
« La vocation particulière des foyers islamo-chrétiens »
« Nous soulignons à cet égard la grandeur et la beauté d’une vocation particulière au sein de nos communautés : celle de la famille et du mariage dans le cadre de la mixité religieuse. Au Maghreb, les mariages entre une étrangère chrétienne et un musulman sont très nombreux. Ceux entre une musulmane et un étranger chrétien existent en moindre nombre : de tels mariages en effet ne sont pas licites, sauf à ce que le futur conjoint fasse officiellement profession de foi musulmane. Les couples islamo-chrétiens constituent l’une des réalités les plus stables de nos Églises.
Le mariage « à disparité de culte » donne au dialogue islamo-chrétien une dimension éminemment incarnée : il l’enracine en pleine pâte humaine, dans toutes les régions, classes sociales et réalités culturelles de nos pays. Sans occulter de réelles difficultés liées à la différence culturelle et religieuse, ces couples et ces familles sont une des grandes richesses de nos pays, de nos Églises et de l’Église universelle. Ils sont à l’avant-garde de cet engagement « citoyen » dont nos communautés se veulent parties prenantes ; à l’avant-garde aussi des enjeux sociétaux autour de certains débats, comme ceux liés au thème de la liberté de conscience.
Valoriser au niveau de l’Église universelle l’expérience et la richesse des foyers islamo-chrétiens, réaffirmer leur accompagnement comme une priorité, réfléchir aux modalités d’une pastorale de la mixité fondée sur la relation et l’accompagnement plus que sur l’insistance sur les dispositions de loi, et ce sans marginaliser les familles « mixtes » comme un groupe à part, mais comme une réalité humaine appelée à devenir féconde dans l’Église, pour l’Église et aussi au-delà des frontières visibles de l’Église, tout cela nous paraît essentiel dans un monde où le dialogue et la rencontre entre croyants de religions différentes sont devenus un enjeu prédominant. »
Les évêques du Maghreb
in « Serviteurs de l’Espérance »,
Lettre pastorale de la CERNA, 1er décembre 2014, p. 22-23
« Mon devoir est de vous accompagner »
Voici des extraits de l’intervention de l’imam Abdallah Dliouah, de Valence, à la rencontre 2015 des couples du GFIC. Il a d’abord fait le récit de l’accompagnement d’un couple « qui a beaucoup souffert de l’incompréhension générée par les différences de leurs familles et par l’actualité et comment le couple a réussi à convaincre les familles de venir assister à la bénédiction chrétienne de ce couple et au mariage religieux musulman. Le couple a organisé une petite fête qui a regroupé les deux familles et les amis intimes. »
Il poursuit : « Avec le dialogue, beaucoup de malentendus et d’incompréhension ont été dissipés. Beaucoup de travail reste à faire pour que les familles de ce couple s’ouvrent et optent concrètement pour le vivre ensemble. Les futurs enfants métis feront peut-être ce rapprochement.
A travers ce petit récit, je voulais vous dire que les couples mixtes peuvent être, dans ces temps de troubles, une chance pour le vivre ensemble. Ce cas peut se produire dans l’autre sens. J’ai eu le cas où la famille chrétienne de la mariée était ouverte et conciliante et la famille musulmane ne voulait pas assister au mariage.
Je n’incite pas forcément les jeunes à s’engager dans les mariages mixtes. Il m’arrive même d’insister sur la compatibilité entre époux et de dire dans mes discours et mes prêches à l’adresse des jeunes musulmans que la compatibilité de la religion et de la religiosité est un élément important de la stabilité du couple.
Mais quand un couple mixte et sérieux se présente à moi pour une démarche de mariage, je m’impose le devoir de les accompagner. Parfois je peux faire le mariage musulman, parfois je ne peux pas le faire, mais dans tous les cas j’accompagne ces couples.
Ma présence avec vous n’est pas un encouragement des couples mixtes mais ma présence, l’année dernière et cette année, signifie que je vous comprends et que mon devoir est de vous accompagner. Je ne veux pas qu’un musulman ou une musulmane se sente abandonné par les leurs à cause de son choix, aussi contesté soit-il. Les couples mixtes sont aujourd’hui une réalité que personne ne peut cacher ni ignorer. (Il faut donc faire avec).
Il y a plusieurs types de couples mixtes. Ceux qui choisissent de garder leur religion. Une minorité, c’est vous … Ceux où le conjoint musulman choisit d’adopter la religion chrétienne [Ceux-là, je ne sais pas pourquoi, ils ne viennent jamais me voir !] Ceux où le conjoint chrétien, ou plutôt de culture chrétienne, choisit d’adopter la religion musulmane ; pour moi, c’est la grande majorité des cas que j’accompagne. Je peux vous dire que c’est la première cause de conversion à l’islam. Pour certains, c’est une conversion de façade (généralement les hommes) et pour d’autres, la rencontre de son futur conjoint est un déclencheur d’un vrai cheminement vers l’islam.
L’actualité difficile est peut être une occasion à saisir pour promouvoir le vivre ensemble et prévenir contre les prometteurs du choc. Un couple mixte qui fonctionne obligera les familles à faire l’effort de connaître l’autre et à accepter l’altérité. Un couple mixte qui se déchire donnera une occasion à certains de dire : « On vous l’avait bien dit que ça ne marcherait jamais et qu’ils étaient tous pareils », « Un arabe est un arabe » ou « Un mécréant est un mécréant ».
Pour conclure, je vous dis : « Soyez pour vos familles respectives les initiateurs de l’interconnaissance et les ambassadeurs du vivre ensemble. Invitez vos familles à s’éloigner de la généralisation et de la stigmatisation. Donnez-leur l’occasion de se voir, de dialoguer et de s’apprécier. »
Abdallah Dliouah, Imam
in Lettre du SRI, juin 2015, n° 123