La nouvelle du décès du père Piet Horsten nous est parvenue avec un peu de retard. C’est en effet le 31 mars qu’il est décédé à Heythuysen (Pays-Bas), dans la maison de soins où il avait été admis en 2013. Comme nous le verrons, sa collaboration avec le GRIC s’est poursuivie, sous des formes diverses, pendant environ vingt-cinq ans. Et il a assuré la fonction de co-président de 2001 à 2007.
Il est né en 1936 dans une petite ville des Pays-Bas qui porte le nom charmant de Bergen op Zoom. Dès l’âge de 20 ans, il rejoignit la Société des Pères Blancs dont il suivit la formation, d’abord dans son pays d’origine, puis à Carthage pour les études théologiques. Il fut ordonné prêtre en 1961.
Ses qualités intellectuelles lui valurent d’être envoyé à Nimègue (Nijmegen) puis à Londres, pour des études notamment de grec et de latin ainsi que de linguistique, dans la perspective de devenir professeur. A partir de 1971, il enseigna effectivement le grec classique à Londres, à l’institut de théologie des Pères Blancs, tout en préparant une thèse de doctorat, qu’il soutint en 1976 au SOAS (School of Oriental and African Studies) sur un sujet de linguistique, et qui fut publiée en 1978.
En 1977, il fut appelé à Rome par les responsables des Pères Blancs pour exercer l’importante fonction de secrétaire à la formation ; une charge qu’il assura pendant sept ans.
Il retrouva la Tunisie en 1984, d’abord comme administrateur de la revue IBLA, puis comme directeur de l’Institut. C’est pendant cette période (dès 1985) qu’il rejoignit le groupe GRIC de Tunis. Ce fut aussi à cette époque-là qu’il commença à éprouver de sérieux ennuis de santé : des accès d’asthme aggravés par le climat humide de Tunis. Ces problèmes de santé l’amenèrent à quitter la Tunisie.
En 1992, il était de nouveau à Rome, cette fois comme conseiller du Supérieur Général des Pères Blancs et de ses collaborateurs immédiats, surtout en matière juridique.
Tout en conservant sa fonction de conseiller, il fit partie du staff de l’Institut Pontifical d’Etudes Arabes et d’Islamologie (PISAI), chargé du cours de méthodologie de 1994 à 2011 et assurant la direction de la bibliothèque de 2008 à 2011. Atteint par la limite d’âge et sa santé se détériorant, il dut en 2011 cesser la plupart de ses activités, mais ayant demandé à rester en Italie, il rejoignit une communauté de Pères Blancs dans le nord du pays.
C’est en 2013 qu’il se vit obligé de rentrer aux Pays-Bas afin de pouvoir recevoir les soins médicaux requis par son état de santé.
Piet a toujours pris très au sérieux sa collaboration avec le GRIC. Il y réalisait la mise en pratique de sa préparation intellectuelle et de ses centres d’intérêt. En effet, déjà à l’époque où il préparait son Doctorat en linguistique générale, il s’interrogeait sur le lien entre religions et langues ; par la suite, il orienta sa réflexion sur une approche théologique des cultures et des religions. Le domaine de la traduction, avec ses problèmes spécifiques, l’intéressait aussi (par exemple la traduction de la Bible du grec au latin). Il a participé à l’élaboration et à la rédaction d’au moins trois ouvrages du GRIC[1]. Ses textes font écho à son questionnement de linguiste. Par exemple : « Les différentes langues parlent-elles vraiment de la même chose avec seulement des noms différents ? Les différentes cultures ont-elles vraiment les mêmes valeurs ? ». Et il concluait : « Le temps des réponses claires, simples et définitives semble bien terminé »[2]. Cette dernière phrase révèle qu’il était très conscient des difficultés, des malentendus et des illusions auxquels se heurte le dialogue interreligieux. Pour lui, la personne qui veut entrer dans un tel dialogue doit en accepter les exigences, y compris vis-à-vis de sa propre foi. « Plutôt que d’être une notion systématique, écrivait-il, le dialogue est avant tout une attitude d’esprit et un style d’action »[3]. A mon avis, cette affirmation reflète bien le sens de son engagement et de sa collaboration au sein du GRIC.
Après son départ pour Rome en 1992, Piet resta membre du groupe de Tunis dont il suivait les travaux à distance, grâce aux CR de réunions et aux textes, qu’il continuait à recevoir et sur lesquels il exprimait son avis. Sans oublier ses propres contributions aux thèmes de recherche en cours, contributions toujours marquées par le sérieux et la précision. Il fut élu co-président à l’AG de 2001, fonction qu’il assuma malgré les limites posées par sa santé. Ne pouvant supporter de longs voyages, il devait parfois renoncer à participer aux rencontres annuelles et aux assemblées générales ; ce fut le cas, par exemple, en 2005, pour la rencontre qui se tint à Rabat.
Ses réflexions et propositions ont été très précieuses lorsque nous nous sommes interrogés, dès la fin des années 1990, sur l’orientation et la composition du GRIC, sur le texte de la Charte, ainsi que sur notre méthode de travail. Peut-être parce qu’il était fils de magistrat, Piet évoluait avec aisance dans le domaine juridique ; aussi est-ce tout naturellement à lui que s’adressa l’AG, tenue à Barcelone en 2007, pour coordonner le travail de révision de nos Statuts. Il le fit avec une entière disponibilité et une grande efficacité. Après son retour aux Pays-Bas, les progrès de la maladie l’empêchèrent de poursuivre sa collaboration avec le GRIC, et même de répondre aux messages qui lui étaient envoyés.
La rigueur intellectuelle et la disponibilité de Piet demeurent un exemple et un encouragement pour nous tous, sur le difficile chemin du dialogue.
Nous garderons la mémoire d’un homme modeste malgré ses très grandes qualités intellectuelles, discret, délicat, attentif à l’autre, où l’humour allumait parfois une lumière dans le bleu de ses yeux. Merci Piet.